2006-10-06
L'islamisme, salut de l'art?
L'islamisme fondamentaliste — un pléonasme plein de prudence — sera-t-il le salut de la censure ou bien le salut de l'art?
La rapidité avec laquelle le Deutsche Oper a décommandé les représentations d'un Idomeneo qui risquait de choquer est révélatrice, même s'il pourrait être présenté en fin de compte en décembre. La censure actuelle ne se fait plus au nom d'une morale supérieure ou des bonnes mœurs, elle se fait au nom de la sécurité du public ou des créateurs. Ce n'est pas la même chose du point de vue de la société qui n'entérine pas la critique de l'œuvre — tout en venant en aide à ses dénonciateurs.
Du point de vue de l'artiste, toutefois, on en revient aux brimades d'antan. Certes, la censure occidentale a souvent pesé le plus lourdement sur les journalistes et les commentateurs politiques, volontiers embastillés, exilés ou rossés, mais les religions organisées réprimaient le blasphème en allant jusqu'à l'exécution. Les artistes, eux, devaient surtout faire face à la censure matérielle, c'est-à-dire à l'absence de moyens quand leurs créations étaient rejetées — sans doute parce que l'Occident a rarement proscrit les images ou vénéré les icônes, comme les musulmans et les chrétiens orthodoxes le pratiquaient en Orient en brouillant la frontière entre la chose et sa représentation... En Occident, dire que la carte n'est pas le territoire, c'est énoncer une banalité. La différence d'appréciation était déjà patente dans le cas des caricatures, après avoir éclaté au grand jour durant l'affaire Rushdie.
Néanmoins, la liberté de parole conquise de haute lutte, la liberté d'opinion, la liberté de religion et la libre expression artistique sont autant de caractéristiques de nos sociétés libérales qui admettent la fluidité des croyances et des institutions politiques parce qu'elles croient au changement. On ne peut pas punir aujourd'hui l'idée qui serait acceptée demain! L'interdiction ne peut donc concerner que les torts tangibles.
Ces mêmes libertés ne sont pas admises aussi facilement par les sociétés et les institutions qui s'arc-boutent pour résister au changement. Si ce désaccord demeurait sans importance tant que chacun vivait dans son coin, la coexistence complique la situation. L'ouverture même des sociétés ouvertes ne permet pas de rejeter ceux qui dénoncent la liberté tant que les appels à la violence restent suffisamment implicites.
En apparence, le libéralisme n'est tout simplement pas fait pour résister à l'illibéralisme. L'Allemagne libérale de Weimar avait succombé au fascisme hitlérien. Les États-Unis cèdent du terrain aux ennemis de la société ouverte qui, aujourd'hui comme hier, seraient des Platoniciens en politique. Les sociétés libérales s'adaptent au changement. Aujourd'hui, elles semblent prêtes à s'adapter même à l'illibéralisme.
Leur espoir secret, qui n'a pas encore été démenti par les derniers siècles d'histoire, compte sur la nature de leurs ennemis. En donnant assez de corde aux ennemis de la liberté, elles ne doutent pas que ceux-ci finiront par se perdre, et se pendre. Les citoyens d'une société libérale sont toujours libres de dire non. Et les citoyens des sociétés illibérales ont souvent fini par juger que rien, ni la Nation ancestrale ni la religion traditionnelle, ne justifie l'oppression, l'arbitraire ou la pensée unique.
En attendant, les artistes redécouvrent une vérité un peu oubliée par leurs prédécesseurs qu'avaient séduit les chants siréniens de certaines idéologies. La création n'a qu'une alliée, la liberté. Hans Neuenfels a-t-il vraiment signé une provocation gratuite en s'en prenant à des ennemis de la liberté de penser et de créer? Ou a-t-il compris quelque chose avant tout le monde?
La rapidité avec laquelle le Deutsche Oper a décommandé les représentations d'un Idomeneo qui risquait de choquer est révélatrice, même s'il pourrait être présenté en fin de compte en décembre. La censure actuelle ne se fait plus au nom d'une morale supérieure ou des bonnes mœurs, elle se fait au nom de la sécurité du public ou des créateurs. Ce n'est pas la même chose du point de vue de la société qui n'entérine pas la critique de l'œuvre — tout en venant en aide à ses dénonciateurs.
Du point de vue de l'artiste, toutefois, on en revient aux brimades d'antan. Certes, la censure occidentale a souvent pesé le plus lourdement sur les journalistes et les commentateurs politiques, volontiers embastillés, exilés ou rossés, mais les religions organisées réprimaient le blasphème en allant jusqu'à l'exécution. Les artistes, eux, devaient surtout faire face à la censure matérielle, c'est-à-dire à l'absence de moyens quand leurs créations étaient rejetées — sans doute parce que l'Occident a rarement proscrit les images ou vénéré les icônes, comme les musulmans et les chrétiens orthodoxes le pratiquaient en Orient en brouillant la frontière entre la chose et sa représentation... En Occident, dire que la carte n'est pas le territoire, c'est énoncer une banalité. La différence d'appréciation était déjà patente dans le cas des caricatures, après avoir éclaté au grand jour durant l'affaire Rushdie.
Néanmoins, la liberté de parole conquise de haute lutte, la liberté d'opinion, la liberté de religion et la libre expression artistique sont autant de caractéristiques de nos sociétés libérales qui admettent la fluidité des croyances et des institutions politiques parce qu'elles croient au changement. On ne peut pas punir aujourd'hui l'idée qui serait acceptée demain! L'interdiction ne peut donc concerner que les torts tangibles.
Ces mêmes libertés ne sont pas admises aussi facilement par les sociétés et les institutions qui s'arc-boutent pour résister au changement. Si ce désaccord demeurait sans importance tant que chacun vivait dans son coin, la coexistence complique la situation. L'ouverture même des sociétés ouvertes ne permet pas de rejeter ceux qui dénoncent la liberté tant que les appels à la violence restent suffisamment implicites.
En apparence, le libéralisme n'est tout simplement pas fait pour résister à l'illibéralisme. L'Allemagne libérale de Weimar avait succombé au fascisme hitlérien. Les États-Unis cèdent du terrain aux ennemis de la société ouverte qui, aujourd'hui comme hier, seraient des Platoniciens en politique. Les sociétés libérales s'adaptent au changement. Aujourd'hui, elles semblent prêtes à s'adapter même à l'illibéralisme.
Leur espoir secret, qui n'a pas encore été démenti par les derniers siècles d'histoire, compte sur la nature de leurs ennemis. En donnant assez de corde aux ennemis de la liberté, elles ne doutent pas que ceux-ci finiront par se perdre, et se pendre. Les citoyens d'une société libérale sont toujours libres de dire non. Et les citoyens des sociétés illibérales ont souvent fini par juger que rien, ni la Nation ancestrale ni la religion traditionnelle, ne justifie l'oppression, l'arbitraire ou la pensée unique.
En attendant, les artistes redécouvrent une vérité un peu oubliée par leurs prédécesseurs qu'avaient séduit les chants siréniens de certaines idéologies. La création n'a qu'une alliée, la liberté. Hans Neuenfels a-t-il vraiment signé une provocation gratuite en s'en prenant à des ennemis de la liberté de penser et de créer? Ou a-t-il compris quelque chose avant tout le monde?
Libellés : Arts, Politique, Réflexion, Société