2008-03-12

 

Le Nouveau Planète

En France, Grégory Gutierez a signé en 1998 pour sa maîtrise de lettres modernes spécialisées une dissertation intitulée « Le discours du réalisme fantastique : la revue Planète ». Sa dissertation (.PDF) est disponible sur une page personnelle, avec quelques indications supplémentaires. Même s'il trahit parfois une indulgence que je trouve excessive pour les errements de Pauwels, Bergier et Planète, je dois avouer que la revue occupe une place incontournable dans l'histoire de la culture des futurs. Au Québec, Esther Rochon a déjà témoigné de l'influence de la revue sur elle, tandis qu'Élisabeth Vonarburg a souvent fait état de l'importance qu'a eu pour elle Le Matin des magiciens (1960) de Pauwels et Bergier, les fondateurs de Planète.

Je suis évidemment trop jeune pour l'avoir lue en son temps. Plus tard, quelques numéros me sont tombés sous la main, mais ils ne m'ont pas captivé. En les feuilletant chez tel ou tel bouquiniste, j'ai pu trouver quelques articles intéressants, mais jamais au point de les acheter. En revanche, je viens de remarquer sur une tablette à demi-oubliée un numéro quelque peu magané du Nouveau Planète, qui avait succédé à Planète en faisant paraître 25 numéros de 1968 à 1971. Le look était assez semblable, comme le démontre la couverture du numéro 17 (juillet 1970) du Nouveau Planète. Néanmoins, l'ingrédient clé de toute fascination actuelle pour le phénomène Planète (enfin, pour ceux qui ne croient pas à la parapsychologie et aux astronautes anciens), c'est sans doute la nostalgie des futurs d'hier. Voire l'enthousiasme patent pour la science-fiction qui perce dans plus d'une page de ce numéro qui comporte une longue présentation de Stanislas Lem... Dans le numéro 17, la transcription d'une table ronde sur l'audio-visuel est le premier texte offert aux lecteurs. Je reproduis ci-dessous la première photo choisie pour illustrer cet échange.N'est-elle pas merveilleuse? Imagine-t-on montrer des enfants d'aujourd'hui en extase devant une imprimante? Devant un téléscripteur, oui, peut-être, mais pour d'autres raisons. Et ces rubans de papier perforé? Mieux encore, une autre photo nous révèle, quelques pages plus loin, à quoi ressemblera le cartable d'un écolier de l'an 2000.Ah, que c'était loin, l'an 2000! Et que cela semble déjà loin, avant le 11 septembre 2001 et tout le reste... Il est assez amusant de recenser, dans cette photo, ce qui se trouvait et ce qui ne se trouvait pas dans les cartables d'écoliers en 2000. Des crayons? Sûrement, mais peut-être mécaniques. Un aiguisoir? Si le crayon n'était pas mécanique... Des billes? Peut-être. Une petite voiture? Peut-être. Des écouteurs avec un microphone? Les écouteurs, oui, sans le microphone, mais pas pour la classe! Un manuel pour une règle à calcul? Certainement pas — mais c'est au moins une erreur de prévision que Robert A. Heinlein aussi a commise. Une bobine de ruban magnétique? Je ne sais pas si beaucoup d'enfants de l'an 2000 l'auraient même reconnue...

En 1970, les futuristes avaient parfois le regard un peu trop rivé au présent. L'audio-visuel? Le premier microprocesseur commercial serait lancé un an plus tard à peine, permettant à l'écolier de l'an 2000 d'avoir dans son cartable ou sac à dos une calculatrice plus puissante que beaucoup d'ordinateurs de 1970. La loi de Moore rend effectivement le futur difficile à prévoir.

L'article que Jacques Bergier consacre à Lem est à la fois jubilatoire et délirant. Mais il faut aussi jeter un coup d'œil à l'illustration réalisée par le jeune Siudmak pour cet article...Dans les médaillons qui coiffent la tête du personnage, ce sont différent romans de Lem qui sont évoqués. Le dernier médaillon à droite est consacré à Solaris.

Dans le reste du numéro, on retrouve le salmigondis indigeste malheureusement typique de l'époque. Un article bien documenté sur les effets possibles d'une guerre nucléaire, signé par Jean-Claude Frère, voisine avec la biographie d'un occultiste, Gérard Encausse, alias Papus (1865-1916). Une traduction d'un excellent texte fantastique de Charles Dickens, « Le signaleur », fait regretter un délire von dänikenien de Pauwels et Bergier sur les civilisations anciennes et leurs secrets technico-scientifiques, commodément disparus... Des textes sur les Cathares et les guérisseurs africains ont pour pendant une notice sur le Bhoutan et la description science-fictive d'un « futurible » où la publicité est proscrite des rues et des ondes.

Bref, il y a de tout, du bon et du mauvais. J'y retrouve un écho de la culture des années 70 que j'ai un peu connue, qui souffrait d'un manque de sens critique mais qui bénéficiait d'une ouverture... à l'ouverture qu'on regrette parfois aujourd'hui.

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