2007-07-11
Dystopies et utopies médicales
Sicko de Michael Moore mériterait le Hugo du meilleur film de science-fiction de l'année. Même si je n'ai pas vu beaucoup d’autres films, je sais qu'ils seront moins drôles, moins tragiques et nettement moins émouvants. Il est même possible qu'ils dépeignent des mondes moins étranges que ceux de Sicko.
Pour la plupart des citoyens de l'Occident, l'univers médical aux États-Unis sera plus radicalement étranger que Tatooine ou Hogwarts, et plus terrifiant que les univers dystopiques de 1984, Gattaca, The Matrix ou V for Vendetta. Pour un Canadien, même la France révèle des aspects exotiques et ô combien séduisants. Après tout, exception faite de la couverture médicale universelle, le système social du Canada a parfois moins en commun avec la France qu'avec les États-Unis.
Certes, Moore avoue lui-même qu'il cherchait à collectionner les pires histoires d'horreur sur le système de santé étatsunien. On oublie vite que des millions de privilégiés ou de très pauvres obtiennent quand même des soins (souvent excellents) aux États-Unis. Moore a ensuite retenu les cas les plus frappants et les plus révélateurs, mais, comme dans tout bon récit de science-fiction, la vraisemblance n'est pas le fruit de l'intrigue en tant que telle mais des détails qui vont tellement de soi qu'on ne les explique pas : copays, deductibles, denials, pre-approved... et qui laissent deviner une réalité glaçante.
Quant aux pays auxquels Moore compare les États-Unis, ils existent aussi dans des dimensions quelque peu décalées. Le Canada et le Royaume-Uni apparaissent comme des utopies socialistes défendues par un membre en règle du parti Conservateur ou par un médecin au volant d'une Audi... Évidemment, il suffit d'être infinitésimalement à gauche du centre au Canada ou au Royaume-Uni pour se métamorphoser en socialiste enragé dès qu'on traverse la frontière étatsunienne! Mais la réalité est quand même un peu plus nuancée du point de vue des attentes ou de la disponibilité des équipements de pointe.
Quant à la France de Moore, qu'il suffise de dire que si Ségolène avait pu se servir du film, elle serait peut-être présidente aujourd'hui. Les problèmes de la France sont balayés du revers de la main par Moore, qui préfère retenir la performance du système médical française, la couverture universelle, la gratuíté et les nombreux services auxiliaires pour les nouvelles mères, etc., sans parler des congés payés, des trente-cinq heures, etc. La France est l'URSS telle qu'elle n'a jamais été, une terre utopique où coule le lait et le miel. Il ne sera pas question du trou de la Sécu, bien entendu... (Et il convient de ne pas oublier que les États-Unis aussi alignent les déficits budgétaires, mais pour d’autres raisons.)
Quant à Cuba, Moore se contente de présenter les faits et les images. Libre à nous d’y croire, puisqu’il inclut aussi au début du film le classement qui place Cuba deux coches sous les États-Unis en fait de performance de son système de santé. Évidemment, compte tenu du gouffre qui sépare le produit intérieur de chacun de ces pays, la performance cubaine est incroyablement bonne ou la performance étatsunienne incroyablement mauvaise... Bref, on peut douter que les soins reçus par les visiteurs amenés par Moore soient représentatifs, mais sans doute que les frères Castro en rient encore dans leur barbe.
Même si Moore évoque le sort des pauvres, des indigents et de ses concitoyens dépourvus d’assurance, le film s’adresse clairement aux classes moyennes et supérieures, qui sont celles qui contrôlent le pouvoir aux États-Unis. Les séquences tournées au Canada, au Royaume-Uni et en France tentent de rassurer ce public particulier qu’il est possible d’avoir une couverture médicale universelle sans sacrifier, respectivement, la qualité des soins, la rémunération des médecins et la qualité de vie des contribuables les plus aisés.
Cette tactique fonctionnera-t-elle? L’enrobage est divertissant à souhait, mais Moore passe sous silence les exigences inévitables d’un système universel. Même s’il coûte moins cher dans l’ensemble (les statistiques le prouvent) et même s’il obtient de meilleurs résultats dans l'ensemble (idem), il impose à tout le monde de payer pour les malades. Il heurterait donc de front l’individualisme étatsunien qui se mue facilement en égoïsme, en particulier quand il s’agit de payer pour ceux qui sont trop différents...
Pour la plupart des citoyens de l'Occident, l'univers médical aux États-Unis sera plus radicalement étranger que Tatooine ou Hogwarts, et plus terrifiant que les univers dystopiques de 1984, Gattaca, The Matrix ou V for Vendetta. Pour un Canadien, même la France révèle des aspects exotiques et ô combien séduisants. Après tout, exception faite de la couverture médicale universelle, le système social du Canada a parfois moins en commun avec la France qu'avec les États-Unis.
Certes, Moore avoue lui-même qu'il cherchait à collectionner les pires histoires d'horreur sur le système de santé étatsunien. On oublie vite que des millions de privilégiés ou de très pauvres obtiennent quand même des soins (souvent excellents) aux États-Unis. Moore a ensuite retenu les cas les plus frappants et les plus révélateurs, mais, comme dans tout bon récit de science-fiction, la vraisemblance n'est pas le fruit de l'intrigue en tant que telle mais des détails qui vont tellement de soi qu'on ne les explique pas : copays, deductibles, denials, pre-approved... et qui laissent deviner une réalité glaçante.
Quant aux pays auxquels Moore compare les États-Unis, ils existent aussi dans des dimensions quelque peu décalées. Le Canada et le Royaume-Uni apparaissent comme des utopies socialistes défendues par un membre en règle du parti Conservateur ou par un médecin au volant d'une Audi... Évidemment, il suffit d'être infinitésimalement à gauche du centre au Canada ou au Royaume-Uni pour se métamorphoser en socialiste enragé dès qu'on traverse la frontière étatsunienne! Mais la réalité est quand même un peu plus nuancée du point de vue des attentes ou de la disponibilité des équipements de pointe.
Quant à la France de Moore, qu'il suffise de dire que si Ségolène avait pu se servir du film, elle serait peut-être présidente aujourd'hui. Les problèmes de la France sont balayés du revers de la main par Moore, qui préfère retenir la performance du système médical française, la couverture universelle, la gratuíté et les nombreux services auxiliaires pour les nouvelles mères, etc., sans parler des congés payés, des trente-cinq heures, etc. La France est l'URSS telle qu'elle n'a jamais été, une terre utopique où coule le lait et le miel. Il ne sera pas question du trou de la Sécu, bien entendu... (Et il convient de ne pas oublier que les États-Unis aussi alignent les déficits budgétaires, mais pour d’autres raisons.)
Quant à Cuba, Moore se contente de présenter les faits et les images. Libre à nous d’y croire, puisqu’il inclut aussi au début du film le classement qui place Cuba deux coches sous les États-Unis en fait de performance de son système de santé. Évidemment, compte tenu du gouffre qui sépare le produit intérieur de chacun de ces pays, la performance cubaine est incroyablement bonne ou la performance étatsunienne incroyablement mauvaise... Bref, on peut douter que les soins reçus par les visiteurs amenés par Moore soient représentatifs, mais sans doute que les frères Castro en rient encore dans leur barbe.
Même si Moore évoque le sort des pauvres, des indigents et de ses concitoyens dépourvus d’assurance, le film s’adresse clairement aux classes moyennes et supérieures, qui sont celles qui contrôlent le pouvoir aux États-Unis. Les séquences tournées au Canada, au Royaume-Uni et en France tentent de rassurer ce public particulier qu’il est possible d’avoir une couverture médicale universelle sans sacrifier, respectivement, la qualité des soins, la rémunération des médecins et la qualité de vie des contribuables les plus aisés.
Cette tactique fonctionnera-t-elle? L’enrobage est divertissant à souhait, mais Moore passe sous silence les exigences inévitables d’un système universel. Même s’il coûte moins cher dans l’ensemble (les statistiques le prouvent) et même s’il obtient de meilleurs résultats dans l'ensemble (idem), il impose à tout le monde de payer pour les malades. Il heurterait donc de front l’individualisme étatsunien qui se mue facilement en égoïsme, en particulier quand il s’agit de payer pour ceux qui sont trop différents...
Libellés : États-Unis, Films, Société