2007-06-14

 

Le fossoyeur

Je ne suis pas un détracteur inconditionnel de Lucien Bouchard. Dans la plupart de ses incarnations successives (fruits de reniements successifs, diraient certains), il a su poser des actions positives. Mais je trouve quand même sacrément fort qu'il se fasse maintenant un peu d'argent de poche en travaillant pour l'UQÀM en qualité de représentant de l'université chargé de renégocier le contrat avec la firme Busac Inc. pour le projet de l'Îlot Voyageur. Et ceci alors que le plan de redressement de l'UQÀM annonce des mesures douloureuses... et qu'il est pour beaucoup dans le sous-financement des universités québécoises, et indirectement dans la pression financière qui a poussé l'ancienne direction de l'UQÀM à se lancer dans des spéculations immobilières mal ficelées.

Certes, les coupures ont commencé un peu avant son arrivée à la tête du PQ et elles étaient inévitables du moment que le fédéral réduisait ses paiements de transfert, mais elles ont continué ensuite et Bouchard a toujours refusé de hausser les frais de scolarité qui, dans les autres provinces canadiennes, avaient atténué le choc financier, comme le rappelle cette lettre du recteur de l'Université Laval en 1998. (En 2003-2004, le manque à gagner résultant de la non-indexation des frais de scolarité depuis 1994-1995 atteignant plus de soixante millions de dollars pour le réseau québécois.) Certes, avant son départ, il avait aussi tenté de corriger le tir en soutenant l'introduction des contrats de performance qui soumettaient les universités à des critères de gestionnaires étriqués et à de nouvelles redditions de compte réduisant d'autant leur indépendance. Même s'il s'agissait des premières augmentations depuis presque dix ans, les sommes investies n'avaient pas comblé le trou créé par les coupures antérieures.

Pendant ce temps, les autres universités canadiennes s'en tiraient suffisamment mieux pour que la CRÉPUQ (Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec) conclue (.PDF) en 2003-2004 que les universités québécoises accusaient un déficit comparatif de 375 millions de dollars. Ce déficit aurait été bien moindre si le manque à gagner depuis 1994-1995 n'atteignait pas 250 millions de dollars par rapport au niveau de référence des subventions, en sus du manque résultant du gel des frais de scolarité. Ainsi, par la faute des coupures opérées par le gouvernement Bouchard, le retard financier des universités québécoises n'était pas d'une soixantaine de millions, mais de près de 400 millions.

Et les conséquences sont visibles. J'ai souvent parlé de la grande misère des bibliothèques universitaires du Québec. Mais j'ai aussi constaté au fil des ans les retards technologiques, l'importance donnée aux chargés de cours au détriment des professeurs et les services (heures d'ouverture, etc.) réduits à la portion congrue.

Mais, d'autre part, le nouveau rôle de Lucien Bouchard est parfaitement cohérent. Apràs avoir infligé une blessure mortelle à des universités comme l'UQÀM, il creuse leur tombe.

Addendum : En ce qui concerne le financement du fédéral, je reproduis le diagramme ci-dessous pris de ce survol historique et tiré du rapport d'Odette Madore en 2003. À première vue, il suggère que, dès 2000 environ, les provinces avaient récupéré le financement d'avant les coupures — mais la population avait augmenté entre temps et les frais de santé s'étaient envolés...

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