2007-03-29

 

La victoire des Verts

L'autre jour, je blaguais un peu en parlant d'une victoire du Parti vert, puisque sa part du vote populaire ne dépassait pas de beaucoup celle de Québec solidaire. Mais je ne croyais pas si bien dire.

Si on examine les résultats de plus près, en effet, on relève d'abord que les Verts n'ont présenté que 108 candidats, alors que Québec solidaire en avait 123 sur les rangs. Ainsi, le Parti vert a obtenu une moyenne de 1230 votes environ par circonscription tandis que Québec solidaire en obtenait 1160 environ, une différence infime, de l'ordre de 6%. Toutefois, si on ne tient compte que des candidats disponibles, le Parti vert a obtenu environ 1430 votes par candidat tandis que Québec solidaire n'en attirait que 1180 environ, une différence nettement plus sensible, de l'ordre de 20%.

Dans certaines circonscriptions, le candidat de Québec solidaire a drainé tous les votes de protestation, mais il convient de remarquer que, dans les 106 circonscriptions où le Parti vert affrontait Québec solidaire, le candidat vert a obtenu plus de voix dans 76% des cas.

On a pu lire et entendre dans les médias francophones québécois que le Parti vert était quelque lubie des comtés anglophones, mais ces chiffres indiquent au contraire que lorsque les électeurs avaient le choix entre un candidat du Parti vert et un candidat de Québec solidaire, ils ont choisi celui du Parti vert les trois quarts du temps.

Ceci doit-il nous intéresser? Ne s'agit-il pas de partis marginaux? Eh bien, l'ADQ et le PQ n'étaient-ils pas des partis marginaux à leurs débuts?

Si on s'entend pour dire qu'un parti qui recueille 2500 votes et plus dans une circonscription est un parti sérieux, on peut trouver significatif que six candidats du Parti vert ont passé ce seuil, contre cinq candidats de Québec solidaire, y compris les trois super-vedettes de Québec solidaire, Amir Khadir, Françoise David et François Saillant (FRAPRU). Inversement, on notera que les Libéraux sont les seuls à avoir obtenu au moins 2500 votes dans toutes les circonscriptions du Québec. Ainsi, malgré ce qu'on a pu entendre, le Parti libéral est le parti le plus authentiquement québécois de la province. Dans la plupart des cas, ce sont sans surprise les bastions anglophones qui sont les plus réfractaires aux autres partis, mais il y a une poignée de circonscriptions périphériques où l'ADQ et le PQ ne passent pas non plus cette barre.

La médiatisation des vedettes de Québec solidaire a sûrement aidé Khadir et David à obtenir les deux totaux les plus élevés de tous les votes pour les partis contestataires, soit 8303 et 7913 respectivement. Pas un seul autre candidat de ces deux partis n'a eu plus de 4000 voix. Si on déduisait ces chiffres du vote total pour Québec solidaire, le vote moyen par candidat tomberait à 1050 voix à peine, contre plus de 1400 pour le Parti vert.

Les circonscriptions extrêmes

J'avais examiné précédemment les circonscriptions les plus et les moins peuplées de la province. Voyons donc quels partis en ont héritées...

Tout d'abord, après révision de la liste des inscrits, qui avait légèrement réduit l'électorat lors du vote par anticipation avant de le regonfler au-delà des niveaux initiaux, un peu moins de vingt mille inscrits venant s'ajouter aux électeurs connus au départ. Mais ceci n'a pas modifié la liste des circonscriptions qui sont en infraction, à strictement parler, puisqu'elles comptent soit moins soit plus de 25% du nombre moyen d'inscrits par circonscription. Du côté des moins peuplées, on retrouve les résultats suivants:

Abitibi-Est (-26,91%) — PQ
Abitibi-Ouest (-28,09%) — PQ
Bonaventure (-35,95%) [Gaspésie] — PLQ
Charlevoix (-26,89%) — PQ
Frontenac (-26,05%) [Chaudières-Appalaches] — PLQ
Gaspé (-38,37%) — PQ
Îles-de-la-Madeleine (-76,50%) — PQ
Matane (-38,02%) [Bas-Saint-Laurent] — PQ
Matapédia (-34,21%) [Bas-Saint-Laurent] — PQ
Mégantic-Compton (-25,55%) [Estrie] — PLQ
Montmagny-L'Islet (-28,77%) [Chaudières-Appalaches] — ADQ
Rivière-du-Loup (-25,30%) [Bas-Saint-Laurent] — ADQ
Ungava (-46,84%) — PQ

Dans tous les cas, sauf celui de l'Ungava, la sous-population de ces circonscriptions s'est aggravée, de sorte que leurs voix pesaient encore plus lourd, relativement parlant. Le PQ a raflé huit de ces circonscriptions, le Parti libéral trois et l'ADQ deux. On peut donc dire d'emblée que le PQ compte le plus de députés mal élus.

Du côté des circonscriptions les plus peuplées, les résultats sont les suivants:

Chambly (+31,17%) [Montérégie] — ADQ
Drummond (+25,20%) [Drummondville] — ADQ
Fabre (+28,28%) [Laval] — PLQ
Masson (+29,78%) [Terrebonne, etc.] — ADQ
Prévost (+26,69%) [St-Jérôme, etc.] — ADQ

Leur expansion démographique semble avoir ralenti puisque Fabre et Prévost sont les seules circonscriptions dont la sous-représentation a augmenté. Les résultats sont assez parlants : l'ADQ a mis la main sur quatre de ces circonscriptions, la seule exception faisant partie des bastions îliens des partis traditionnels à Laval et Montréal. Dans cette grande couronne colonisée par les familles francophones, s'éloignant de la mixité du centre-ville mais subissant les pressions financières associées à l'achat d'une maison et à la fondation d'une famille, on trouve sans surprise le terreau propice au message de l'ADQ qui leur était le plus clairement adressé.

Depuis un certain temps, on fait remarquer aux États-Unis que la montée des Républicains et de l'ultra-conservatisme doit beaucoup à leur enracinement dans les edge cities. Ces agglomérations périphériques, desservies par des autoroutes et de grands boulevards, ont bénéficié de la déchéance non seulement du centre-ville mais aussi des banlieues résidentielles proches. Les données (.PDF) confirment la nouvelle ségrégation instaurée par ces banlieues éloignées : elles sont plus riches, plus blanches, plus catholiques et relativement plus républicaines. Et aussi moins partageuses.

Une fois de plus, on pourrait soutenir que les Québécois se montrent beaucoup plus semblables à leurs voisins au sud, où le rejet des valeurs urbaines et de la modernité aurait joué un rôle certain dans les succès des Démocrates en novembre dernier. Et comme aux États-Unis, tout une panoplie de mesures (électorales et financières) favorisent les régions hors des villes au détriment des grandes villes. Cela consacrera-t-il la suprématie durable des valeurs de Zéroville?

À défaut d'une dose de proportionnelle, il faudrait au moins revenir au principe d'une personne, un vote. Pour une fois, les deux principaux partis de l'Assemblée nationale auraient intérêt à resserrer les écarts permis pour la population des circonscriptions électorales. Les quatre circonscriptions surpeuplées remportées par l'ADQ pourrait facilement être représentées par cinq députés — et elles auraient 3% plus d'inscrits que la moyenne. Même chose à Laval. Et si l'écart permis était réduit à 10% ou moins, il faudrait enfin à venir à fusionner certaines des circonscriptions régionales les moins peuplées. Ainsi, si les trois circonscriptions de l'Abitibi-Témiscamingue étaient ramenées à deux, elles auraient une population supérieure de 20% à la moyenne, ce qui leur permettrait d'en prêter à l'Ungava ou à Laviolette.

Jean Charest aura-t-il le courage de le proposer? Stratégiquement, cela pourrait faire éclater la coalition de l'ADQ, ou à tout le moins le mettre sous pression...

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