2006-12-21

 

Sagan, soupir

Comme le rappelait Mario Tessier, ce 20 décembre est consacré à une commémoration en-ligne de Carl Sagan. Il est mort il y a déjà dix ans...

Ayant eu l'occasion d'écouter parler sa première femme cet automne, Lynn Margulis, j'étais déjà porté à me souvenir de Sagan. J'ai grandi en lisant ses classiques. Après avoir suivi religieusement la première diffusion de Cosmos, j'avais obtenu le livre éponyme en traduction française, puis j'avais acquis en anglais Comet. Et j'avais bien entendu sur mes tablettes Cosmic Connection, Broca's Brain et The Dragons of Eden en livre de poche. Sagan n'était pas de ceux qui crachaient sur la science-fiction : non seulement il citait Burroughs, mais il avait signé un roman (Contact) sur le tard. Tout en vulgarisant la science et l'exploration spatiale, il ne méprisait pas non plus d'écrire avec passion sur l'histoire des sciences et des techniques. Cette combinaison d'intérêts est toujours au cœur de ce que je fais.

André Gide aurait souvent dit (ou non) en répondant à la question de savoir qui était le plus grand poète français, que c'était « Victor Hugo, hélas ! ». Le sens de l'interjection n'est pas si clair. Gide regrettait-il que ce fût un auteur si prolifique qu'il avait parfois versé dans la facilité? Ou regrettait-il qu'il n'eût pas été remplacé depuis sa mort?

(Ce que Gide a écrit dans le volume 24 de la revue L'Ermitage en 1902, en réponse à la question un peu longuette de la rédaction : QUEL EST VOTRE POÈTE? Il s'agit, bien entendu, du XIXe siècle; et, pour éviter un double emploi avec de précédentes consultations (l'élection d'un prince des poètes, etc.), nous demandons que l'on n'indique ici aucun poète vivant., c'est quelque chose de légèrement différent : « Hugo, — hélas ! ». On peut aussi lire là-dessus Justin O'Brien dans The French Review en avril 1964.)

Aux États-Unis, bon nombre d'astronomes et d'historiens des sciences, si on leur demandait qui était le plus grand vulgarisateur des sciences et de leur histoire, répondraient sans doute, eux aussi, « Carl Sagan, hélas ! » Car on lui reproche beaucoup de péchés. Les uns trouvent qu'il a trop souvent fait intervenir, dans ses textes sur l'astronomie, sa passion pour la recherche d'autres intelligences dans l'Univers. Les autres trouvent surannée sa conviction progressiste que la science est la meilleure voie de l'élévation humaine.

Mais ce soupir exprime sans doute la même part de regret présente dans la réponse de Gide. Même si des vulgarisateurs brillants (et plus érudits encore) ont pris la relève de Sagan, ils n'ont pas conquis la même audience. Et donc, Carl Sagan nous manque encore...

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