2006-08-25

 

Bellaing sous la pluie

Si Paris peut être belle sous la pluie, on peut bien accorder le même privilège au village de Bellaing, à une demi-douzaine de kilomètres de Valenciennes. Petite localité des plaines du nord, Bellaing est entouré de champs, de prés, de haies. Même dans les rues à quelques pas de l'église et du monument aux morts, les odeurs de ferme flottent dans les airs, mais aussi les sons de la route nationale toute proche, parcourue par les motos, autos et camions. Du centre culturel et sportif dit le Labyrinthe au cœur du village, la vue s'étend pourtant sur quelques kilomètres jusqu'aux villages voisins et aux centrales qui se découpent sur l'horizon.

Arrivé mercredi soir par la route, profitant d'un bout de conduite dans la voiture de Pierre pour couvrir les ultimes kilomètres, j'ai vite rencontré les braves venus en avant-garde. Tandis que les uns garaient leur caravane ou dressaient leur tente dans l'herbe derrière le Labyrinthe, les autres partaient occuper une salle commune aux confins du village. Ce qui serait une aréna de hockey au Canada est en France un gymnase pour équipes de volley-ball : la salle Germinal.

Jeudi matin, c'était donc l'installation des vendeurs et exposants dans la grande salle du Labyrinthe où l'exposition des œuvres artistiques était déjà montée. Le repas a eu lieu sous la tente par un temps pluvieux. Des flaques retenues par les creux de la toile menaçaient à tout instant de se transformer en cascades pour arroser les malheureux qui se tenaient sous les bords de la toiture... C'est sans surprise que le soir même le repas a été transporté dans un hangar voisin qui est resté le lieu désigné de nos agapes, les avantages d'un abri en dur l'emportant sur l'exiguïté du local.

Je n'ai pas pris de notes durant les débats de l'après-midi : « Uchronie et sf », puis « Peut-on faire de la sf sans dire qu'on fait de la sf? » (Je ne suis même pas sûr d'avoir assisté aux deux, en fait...) J'étais encore un peu fatigué par le décalage d'horaire et la discussion avait tendance à s'éparpiller, faute de lignes directrices indiquées dès le départ. La présence de Xavier Mauméjean, uchroniste distingué qui sera au nombre des invités du congrès Boréal en 2007, a fait beaucoup pour relever les débats.

Le clou de la soirée a été la dictée préparée par Jean-Christophe Hoël, qui mettait au défi les conventionnels de surmonter les pièges habituels de la langue française et, en prime, d'épeler correctement les néologismes et autres mots propres à la science-fiction. Un paragraphe sauté à la lecture m'aura permis de faire tenir ma copie sur une seule page et n'aura pas prolongé outre-mesure le supplice. Après le repas, les conventionnels se sont réunis pour regarder une projection de la première version filmée du roman d'Arthur Conan Doyle, The Lost World. Sorti en 1925, The Lost World n'a pas survécu dans sa forme originale, qui introduisait le film de monstres et qui serait le premier film projeté en vol, entre Londres et Paris, à bord d'un bombardier converti de la Handley Page. Mais la version que nous avons vue donnait sans doute une bonne idée du film d'origine, de ses moyens et de ses faiblesses. King Kong ferait mieux dans l'animation des dinosaures et autres bêtes, quelques années plus tard, mais c'est frappant de retrouver dès 1925 un tel nombre de clichés du film de monstres.

Aujourd'hui, la matinée a été occupée par deux tables rondes, « e-Book ou i-illusion » sur le livre électronique et numérique, avec Jean-Luc Blary entre autres, et « Bilan de santé de la sf » (sous-entendre : la sf française). J'ai apporté mon grain de sel, surtout pour lancer quelques nouvelles idées en attendant de voir ce qui en sortira...

Je retiens surtout la rencontre en début d'après-midi avec les deux auteurs qui composent l'auteur ukrainien Henri Layon Oldie. Oleg S. Ladyjenski et Dmitri E. Gromov sont des russophones qui collaborent depuis près de vingt ans et participent aussi à l'organisation du congrès annuel Star Bridge à Kharkov en Ukraine. (Pour la petite histoire, notons qu'il ne s'agit pas de l'événement sf qui avait failli hâter la mort de Robert Sheckley l'an dernier.)

L'impression que j'en retire, c'est que si la sf se vend bien en Russie et ailleurs dans le monde russophone, les auteurs du cru ayant bien récupéré de leur éclipse pratiquement totale entre la chute du régime communiste et 1996, les tirages restent en-deçà de ceux atteints par les grands bestsellers. Néanmoins, comme il a été question de tirages se comptant en dizaines de milliers d'exemplaires, que même les auteurs nord-américains jugeraient enviables, la sf russophone jouit clairement d'un auditoire sans commune mesure avec ce que l'on retrouve dans le monde francophone.

La journée s'est achevée avec une visite au site minier de la fosse Arenberg, à Wallers, à deux kilomètres environ de Bellaing. Ce fut le site du tournage du film Germinal de Claude Berri et plus récemment de la télésérie pour jeunes La compagnie des Glaces de Paolo Barzman, inspirée par la série de romans de G.-J. Arnaud au Fleuve Noir. Après le repas, la salle a été invitée à participer à un jeu des menteurs qui a sacré Pierre Gevart le roi des menteurs de la Convention...

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