2014-09-12
Impulsion, de Bernard Henninger
En fait, il s'agit à peine d'un roman de science-fiction. Il serait plus juste de l'appeler une fiction scientifique, mais il faut reconnaître que l'ouvrage combine une uchronie discrète (il est question de l'envoi d'une sonde privée vers Pluton, apparemment au siècle dernier) et une dose d'anticipation (les derniers chapitres se déroulent dans un futur évoqué avec retenue).
Henninger prend pour protagoniste, Bénédicte, une Française dont la vie sera vouée à la science et à l'exploration spatiale. Tout commence un soir à la fac où elle attend en vain un homme et repère une annonce punaisée au babillard. L'étudiante dépitée décide de participer au concours annoncé, que finance une richissime fondation privée des États-Unis qui profite des largesses d'un homme d'affaires d'origine indienne, Vestiboran, qui a fait fortune aux États-Unis.
Contre toute attente, Bénédicte obtient de participer à l'élaboration d'une sonde qui sera expédiée vers Pluton. C'est le début d'une période de travail acharné à l'occasion duquel elle s'éprend d'un proche collaborateur, un jeune et génial mathématicien indien, Rudra. Le lancement de la sonde à destination de Pluton et la mort foudroyante de Rudra mettent fin à cette phase de la vie de Bénédicte, dont l'existence sera désormais rythmée par les rendez-vous de la sonde avec les planètes majeures du système solaire, à des intervalles qui se comptent naturellement en années.
Henninger s'essaie à l'écriture d'un roman atypique, qui est centré sur la vie de Bénédicte après l'effervescence de la conception d'une sonde novatrice. Faute d'avoir suivi le sacro-saint cursus français, Bénédicte se retrouve le bec à l'eau quand elle retourne en France après la mort de Rudra et tente de trouver un poste à la mesure de ses talents dans le système français. L'essentiel du roman est consacré à ses avanies professionnelles, ses révoltes, ses moments de gloire quand la sonde fait les nouvelles en croisant une des planètes qui jalonnent son parcours jusqu'à Pluton, ses moments de découragement et le fatalisme qu'elle finit par acquérir.
Ce portrait de la double vie de Bénédicte, à la fois exploratrice de planètes et supplétive du système d'éducation, frappe fort et touche juste, il me semble. Les épreuves de Bénédicte préparent la révélation finale, mais elles sont aussi une condamnation sans grand appel possible d'un système gangrené par les rigidités. Il y a, dans l'humeur élégiaque des chapitres ultimes, ainsi que dans la rédemption finale de Bénédicte, quelque chose qui m'a rappelé la nouvelle « Requiem » de Heinlein.
Le volet scientifique du roman m'a laissé plus dubitatif. Henninger recourt souvent à des périphrases et à des évocations lyriques pour traiter des activités professionnelles de Bénédicte. Sur certains points, dont celui de la programmation de la sonde, il subsiste des zones d'ombre qui ne permettent pas de trancher. L'auteur élude-t-il certains sujets pour éviter de lasser ses lecteurs avec des détails technico-scientifiques ou les élude-t-il parce qu'il ne les maîtrise pas ? En général, toutefois, la narration demeure convaincante et on ne saurait en demander plus à un auteur.
Henninger a également choisi de faire parler un personnage féminin à la première personne. Je ne me prononcerai pas sur la justesse de la personnification, mais il m'a semblé que le résultat était également convaincant, même si l'auteur s'accordait quelques facilités en cours de route.
Malgré les conseillers qu'il remercie, Henninger commet toutefois quelques bourdes qui n'auraient peut-être pas échappé à une relecture plus avisée. Il parle d'orbites de « Lohmann » (au moins deux fois) quand il veut parler d'orbites (de transfert) de Hohmann (il suffit d'avoir lu ses classiques : dans le roman pour jeunes Space Cadet, Robert A. Heinlein rend hommage à Hohmann noir sur blanc). Les personnages d'Impulsion profitent d'un séjour dans le Lot pour observer, en astronomes amateurs, la nébuleuse de la Carène. S'il s'agit de la nébuleuse d'Eta Carina, c'est strictement impossible à moins de faire basculer la Terre sur son axe. À -60 degrés de déclinaison, la nébuleuse n'est jamais visible du Lot à 44 degrés de latitude nord... Et si l'anglais de Henninger est en général passable, le choix de baptiser « Astronomic Foundation » la fondation de Vestiboran n'a cessé de m'agacer les rétines, car si « astronomic » est une variante connue de l'adjectif « astronomical », ce dernier terme est de loin le plus répandu dans le domaine de l'astronomie et de l'astronautique. Mon unique article comme chercheur dans le domaine est paru dans l'Astronomical Journal, par exemple.
Malgré ces quelques approximations, le mariage d'une destinée humaine atypique (avec son lot de grandeurs et de misères) et d'une aventure scientifico-technique extrêmement réaliste finit par fasciner. La combinaison est loin d'être commune, en particulier dans le domaine francophone. On songe à certains romans aujourd'hui oubliés, dans une veine tranquille et réaliste fouillée par des auteurs comme C. P. Snow, les Hoyle ou James Gunn (The Listeners). Les péripéties proprement romanesques sont rares, mais c'est ce qui donne plus de profondeur à la rédemption finale de Bénédicte.
Henninger prend pour protagoniste, Bénédicte, une Française dont la vie sera vouée à la science et à l'exploration spatiale. Tout commence un soir à la fac où elle attend en vain un homme et repère une annonce punaisée au babillard. L'étudiante dépitée décide de participer au concours annoncé, que finance une richissime fondation privée des États-Unis qui profite des largesses d'un homme d'affaires d'origine indienne, Vestiboran, qui a fait fortune aux États-Unis.
Contre toute attente, Bénédicte obtient de participer à l'élaboration d'une sonde qui sera expédiée vers Pluton. C'est le début d'une période de travail acharné à l'occasion duquel elle s'éprend d'un proche collaborateur, un jeune et génial mathématicien indien, Rudra. Le lancement de la sonde à destination de Pluton et la mort foudroyante de Rudra mettent fin à cette phase de la vie de Bénédicte, dont l'existence sera désormais rythmée par les rendez-vous de la sonde avec les planètes majeures du système solaire, à des intervalles qui se comptent naturellement en années.
Henninger s'essaie à l'écriture d'un roman atypique, qui est centré sur la vie de Bénédicte après l'effervescence de la conception d'une sonde novatrice. Faute d'avoir suivi le sacro-saint cursus français, Bénédicte se retrouve le bec à l'eau quand elle retourne en France après la mort de Rudra et tente de trouver un poste à la mesure de ses talents dans le système français. L'essentiel du roman est consacré à ses avanies professionnelles, ses révoltes, ses moments de gloire quand la sonde fait les nouvelles en croisant une des planètes qui jalonnent son parcours jusqu'à Pluton, ses moments de découragement et le fatalisme qu'elle finit par acquérir.
Ce portrait de la double vie de Bénédicte, à la fois exploratrice de planètes et supplétive du système d'éducation, frappe fort et touche juste, il me semble. Les épreuves de Bénédicte préparent la révélation finale, mais elles sont aussi une condamnation sans grand appel possible d'un système gangrené par les rigidités. Il y a, dans l'humeur élégiaque des chapitres ultimes, ainsi que dans la rédemption finale de Bénédicte, quelque chose qui m'a rappelé la nouvelle « Requiem » de Heinlein.
Le volet scientifique du roman m'a laissé plus dubitatif. Henninger recourt souvent à des périphrases et à des évocations lyriques pour traiter des activités professionnelles de Bénédicte. Sur certains points, dont celui de la programmation de la sonde, il subsiste des zones d'ombre qui ne permettent pas de trancher. L'auteur élude-t-il certains sujets pour éviter de lasser ses lecteurs avec des détails technico-scientifiques ou les élude-t-il parce qu'il ne les maîtrise pas ? En général, toutefois, la narration demeure convaincante et on ne saurait en demander plus à un auteur.
Henninger a également choisi de faire parler un personnage féminin à la première personne. Je ne me prononcerai pas sur la justesse de la personnification, mais il m'a semblé que le résultat était également convaincant, même si l'auteur s'accordait quelques facilités en cours de route.
Malgré les conseillers qu'il remercie, Henninger commet toutefois quelques bourdes qui n'auraient peut-être pas échappé à une relecture plus avisée. Il parle d'orbites de « Lohmann » (au moins deux fois) quand il veut parler d'orbites (de transfert) de Hohmann (il suffit d'avoir lu ses classiques : dans le roman pour jeunes Space Cadet, Robert A. Heinlein rend hommage à Hohmann noir sur blanc). Les personnages d'Impulsion profitent d'un séjour dans le Lot pour observer, en astronomes amateurs, la nébuleuse de la Carène. S'il s'agit de la nébuleuse d'Eta Carina, c'est strictement impossible à moins de faire basculer la Terre sur son axe. À -60 degrés de déclinaison, la nébuleuse n'est jamais visible du Lot à 44 degrés de latitude nord... Et si l'anglais de Henninger est en général passable, le choix de baptiser « Astronomic Foundation » la fondation de Vestiboran n'a cessé de m'agacer les rétines, car si « astronomic » est une variante connue de l'adjectif « astronomical », ce dernier terme est de loin le plus répandu dans le domaine de l'astronomie et de l'astronautique. Mon unique article comme chercheur dans le domaine est paru dans l'Astronomical Journal, par exemple.
Malgré ces quelques approximations, le mariage d'une destinée humaine atypique (avec son lot de grandeurs et de misères) et d'une aventure scientifico-technique extrêmement réaliste finit par fasciner. La combinaison est loin d'être commune, en particulier dans le domaine francophone. On songe à certains romans aujourd'hui oubliés, dans une veine tranquille et réaliste fouillée par des auteurs comme C. P. Snow, les Hoyle ou James Gunn (The Listeners). Les péripéties proprement romanesques sont rares, mais c'est ce qui donne plus de profondeur à la rédemption finale de Bénédicte.
Libellés : France, Livres, Science-fiction