2013-03-27

 

Les prix Aurora/Boréal de cette année (1)

Les choix seront déchirants !  Cette année encore, les prix Aurora/Boréal seront décernés aux artistes, ouvrages et artisans plébiscités par les amateurs de la science-fiction, du fantastique, de la fantasy et de l'horreur d'ici dans le cadre du 30e congrès Boréal.

Mais il ne faut pas nécessairement se dépêcher de faire les mises en nomination.  Il reste encore plusieurs jours jusqu'au 5 avril et il demeure possible de lire encore quelques livres avant d'effectuer ses choix. Quels sont les livres marquants de l'année 2012 ?  Je n'ai pas tout lu, en particulier dans le secteur jeunesse, mais il y a quelques ouvrages qui ressortent du lot.  Et ce n'est pas parce qu'Alire n'a presque rien publié dans le domaine en 2012 qu'il faut s'empêcher de lire ce qui s'est bel et bien écrit l'an dernier.

Pour stimuler la discussion, voici quelque chose comme mon top 10, mais pas nécessairement dans l'ordre exact que j'adopterais.

Chez Coups de tête, je retiens surtout Universel Coiffure de Caroline Allard.  Faire de l'humour avec de la science-fiction, sans tomber dans la pantalonnade juvénile à la Dans une galaxie près de chez vous, c'est rare.  Sans rivaliser pour autant avec Douglas Adams, Allard signe un texte où se rencontrent efficacement culture québécoise, allusions philosophiques, réflexion, science-fiction et humour.  J'ai souri plusieurs fois et je crois bien que j'ai même ri.

Chez VLB Éditeur, Stéphane Dompierre a signé Corax, une histoire de fantôme qui s'inscrit dans l'univers partagé de « L'Orphéon ».  Rien de très original dans la conception, mais l'écriture vaut le détour, car Dompierre parvient à distiller le suspense qui s'impose dans ce genre de récit fantastique, tout en l'agrémentant d'un dénouement à double détente.  Le tout est un peu télégraphié, mais l'ouvrage reste un bon moment de lecture, que je recommande aux amateurs.

Chez les Six Brumes, dans la catégorie de la novella ou du très court roman, on a Le Chasseur de Geneviève Blouin.  Cette dernière exploite des thèmes qui lui sont chers — la voie du sabre concerne ici un ancien spécialiste des arts martiaux qui doit affronter un avatar de la Vénus d'Ille.  Le résultat est efficace et même un peu émouvant.

Anne Robillard et Bryan Perro ont donné naissance à un flot intarissable de fantasy québécoise.  Dans les romans pour adultes, le premier tome du Choc des couronnes d'Yves Dupéré chez Hurtubise m'a semblé nettement supérieur au premier tome des Chroniques d'Ériande de Robusquet chez Michel Quintin.  Si l'univers de Robusquet est plus développé, voire plus baroque, Dupéré maîtrise mieux la matière du romanesque.  Surtout, Dupéré s'est permis de camper des personnages principaux suffisamment sympathiques pour que le lecteur s'identifie à ceux-ci.  Ce qui lui donne un avantage indû sur la galerie de personnages trop souvent imbuvables de Robusquet.

C'est par la qualité de sa langue et de sa recherche historique que le roman Les laboureurs du ciel d'Isabelle Forest s'impose, car l'expérience de lecture est parfois ennuyeuse, voire pénible.  Forest mise beaucoup sur la mise en scène soignée de chaque incident dans l'Europe du XVIIe siècle, mais elle a oublié d'élaborer une intrigue véritablement suivie.  La chute sauve toutefois le roman, tout en mettant fin à l'histoire au moment où celle-ci donnait signe de devenir réellement intéressante.

Il faudrait glisser ici au moins un des romans jeunesse de Michèle Laframboise.  J'ai déjà donné mon opinion du Labyrinthe de Luurdu, peut-être moins convaincant que certains des tomes précédents, de sorte que j'aurais tendance à favoriser Mica, fille de Transyl qui combine l'exotisme, le Bildungsroman, une construction de monde soignée et une héroïne dont la personnalité a plusieurs facettes.  Le tout dans un cadre parfaitement science-fictif malgré la présence de vampires.

J'ai déjà parlé de Transtaïga d'Ariane Gélinas, un court roman publié par le Marchand de feuilles.  Il peut sembler étrange de le rapprocher du recueil Enraciné de Mathieu Fortin chez les Six Brumes, car Gélinas se démarque par l'aisance de l'écriture et l'originalité de son récit aux rebondissements cruels.  Pourtant, l'ensemble des nouvelles proposées par Fortin dans Enraciné compose une mosaïque qui évoque un terroir québécois diamétralement opposé au moyen Nord de Transtaïga, mais non moins authentique.  Le désir de s'ancrer dans la réalité québécoise tranche sur le fantastique de la génération précédente (l'univers du cycle des Davard de Sernine habite un curieux entre-deux à mi-chemin entre l'Europe et le Québec).  Le résultat, dans le cas de Fortin, est un recueil qui est bel et bien plus grand que la somme de ses parties.  En revanche, le maniérisme de Gélinas dans la mise en scène de rebondissements de plus en plus gothiques tend à distancer le lecteur de ce qu'elle relate, de même que le choix d'une narratrice peu fiable, alors que la conviction pleine et entière de Fortin (qui rappelle un élément essentiel de la narration dans le réalisme magique sud-américain) joue sur le même registre faussement naïf que les conteurs traditionnels du Québec (à l'instar de la grand-mère de Gabriel García Márquez).

Mon goût pour la science-fiction m'incline à citer un dernier titre que j'ai apprécié, même s'il déborde sans doute le cadre strict de la science-fiction.  Les limbes des immortels de Dominic Bellavance fait partie de la série des Clowns vengeurs lancée par Michel J. Lévesque chez les éditions Porte-Bonheur.  Est-il absolument fidèle à l'univers partagé de la série?  Je n'en suis pas absolument sûr, mais il l'exploite avec maestria pour imaginer l'évolution de deux personnages qui semblent préparer une suite où on ne s'ennuiera pas.  C'est un peu injuste pour les autres auteurs de la série, dont certains volumes sont effectivement excellents, mais s'il ne fallait qu'en choisir un, ce serait celui de Bellavance.

La suite au prochain numéro.

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