2011-08-07

 

Des étudiants de plus en plus brillants, ou bien...

Tandis que l'inflation monétaire se fait attendre (voire espérer) dans le monde de l'économie réelle, l'inflation des notes est de plus en plus évidente dans le monde universitaire aux États-Unis. Les résultats d'une étude de 2010 démontraient que les étudiants obtiennent en moyenne des notes plus élevées aujourd'hui dans les universités des États-Unis qu'avant les années soixante. Deux périodes ont tout particulièrement vu les notes des étudiants s'envoler : le tournant des années soixante-dix et la période qui commence vers 1990. Les causes de cette inflation sont moins claires (la guerre au Viêt-Nam a pu jouer dans le premier cas, alors que les étudiants qui échouaient risquaient d'être enrôlés, ce qui aurait poussé les profs à relever les seuils minimaux).

Aujourd'hui, les notes moyennes les plus élevées sont décernées dans les institutions privées, mais est-ce parce qu'elles attirent les étudiants les plus brillants ou parce qu'elles sont les plus soumises à des pressions financières? Or, cette étude retenait des étudiants de niveaux comparables (selon leurs résultats scolaires avant l'université et des tests standardisés), ce qui voudrait dire soit que les universités privées font plus pour aider les étudiants à exceller soit que leurs notes sont plus ou moins factices. Une étude publiée le mois dernier aux États-Unis s'intéressait plus précisément aux notes attribuées dans différentes catégories d'institutions postsecondaires. Elle confirmait que les universités privées (comme Harvard) distribuent plus de A. (Et on s'étonnera ensuite que les produits de ces universités se considèrent comme une élite supérieure...)

Toutefois, comme la tendance est la même dans les institutions privées et les institutions publiques, on ne peut pas isoler aussi facilement les responsables de cette inflation. La différence entre les institutions privées et publiques est une chose, mais l'inflation en est une autre. Peut-être que les institutions privées tirent les autres vers le haut, mais il faut sans doute tenir compte aussi de l'introduction des évaluations des profs par les étudiants et des pressions plus générales qui s'exercent sur toutes les universités nord-américaines qui se battent pour augmenter le recrutement d'étudiants.

En tout cas, je note que les notes attribuées dans les sciences naturelles restent moins élevées que dans les sciences sociales et les arts, ce qui expliquerait, selon certains, pourquoi les étudiants nord-américains se sont en partie détournés des sciences et du génie. Ce ne serait pas dénué d'ironie, par rapport à certains préjugés courants, que les étudiants les plus idéalistes (les plus désintéressés dans la mesure où ils se soucient moins de leurs résultats) se retrouveraient dans ce cas non pas dans les arts et les humanités, mais dans les programmes des sciences exactes ou de génie...

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Comments:
* Ici en France, il est clair qu’il y a pression du système et de la hiérarchie pour monter artificiellement les notes. Ma femme corrige le bac, et il n’y a pas que ça… Des redoublants, c’est de l'effectif en plus (je pense qu’il y a des causes plus profondes).

* Pour les sciences : il est sans doute plus difficile de truquer des notes à la baisse comme à la baisse avec des sciences exactes — à « motivation » égale du correcteur.

* Pour comparer l'effet de distorsion des notes entre écoles il faudrait une comparaison des mêmes élèves après l’université. Dur dur de trouver un critère non biaisé, par exemple par l’effet réseau d’une grande université.
 
En effet, il va sans doute rester une part irréductible de mystère.

En tout cas, si on examine les courbes de l'étude de 2010, on observe aussi une légère inflation à la fin des années quarante. Il pourrait s'agir de l'effet de l'arrivée des vétérans du GI Bill dans les universités, les profs accordant des notes plus élevées pour éviter qu'il coule.

Ceci me rappelle d'ailleurs quelque chose que j'avais examiné au Canada dans le cas des vétérans canadiens de la Seconde Guerre mondiale. Dans cet article (.PDF) sur l'université satellite d'Ajax pour les étudiants en génie de l'Université de Toronto, je discute (pp. 15-19) de la plus grande indulgence des profs pour les vétérans. S'il y a eu inflation, elle n'apparaît pas dans les documents officiels (évidemment!), mais elle serait plus probablement le résultat d'un relèvement des notes minimales que d'une hausse générale. On le voit dans les résultats comparés des civils et des militaires.
 
J'ai deux bonnes amies dans l'enseignement au Québec (pré-universitaire) et dans les deux cas, les enseignants subissent des pressions pour hausser les résultats. Dans le public, les commissions scolaires ne veulent pas avoir l'air moins bonnes que les autres, et dans le privé, les enseignants sont sous la pression de la direction et des parents, qui sont ceux qui "payent pour ces notes". J'imagine que nos universités n'échapperont pas à cette inflation des notes... malheureusement.
 
La France a depuis quelque temps franchi un pas supplémentaire dans la disqualification du système de notation : je connais personnellement au moins une jeune bachelière reçue avec une "moyenne" (c'est le terme officiel) supérieure à 20 sur 20.

Une gamine solide, au demeurant, qui aurait probablement mérité une mention "bien" il y a une trentaine d'années...
 
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