2011-05-11

 

Rome à Québec

(Piazza Navona, Roma — Detroit Publishing Company, c. 1900 ; Library of Congress, LOT 13434, no. 162)

Mon dernier vernissage au Musée de la Civilisation de Québec remontait à novembre 2009 quand nous avions assisté à l'inauguration de l'exposition sur la pensée, « Copyright Humain ». Cette fois, je n'avais joué aucun rôle dans l'organisation de l'exposition, mais Jean Charest et pratiquement tout l'aréopage politique local s'étaient déplacés, de Bachand et Blaney à Labeaume et Saint-Pierre, sans oublier Mgr Lacroix, l'archevêque de Québec et primat du Canada. J'en ai croisé quelques-uns, y compris Bachand (que je n'ai pas hélé pour lui rappeler qu'il m'avait serré la main dans une boutique de photocopies) et Blaney (moins cadavérique qu'à la télévision). Les discours d'usage ont été relativement courts. Charest a comparé les histoires du Canada et de l'Italie moderne, tous les deux fondés il y a près de cent cinquante ans — mais il n'a pas rappelé le rôle des zouaves québécois qui avaient combattu pour défendre ce qui restait des États pontificaux contre les troupes italiens désirant faire de Rome la capitale d'une Italie unifiée... D'ailleurs, le panégyrique des routes romaines entendu un peu plus tôt n'avait pas mentionné qu'en plus de faciliter le transport de l'annone et du commerce, elles servaient aussi aux mouvements des légions romaines lancées à la conquête de leurs voisins, puis vouées à la défense de ces acquis... Mais laissons les morts enterrer les morts.

La file d'attente était longue, mais il y avait du vin pour nous faire patienter. L'exposition elle-même n'est pas immense, mais elle comporte d'excellentes pièces. L'une d'elle est d'origine québécoise : un plan-relief de la Rome de Constantin (qui se base sur des travaux du début du XXe s., entre autres par l'École française de Rome, mais qui a été réalisé dans ce cas-ci par un Québécois, si j'ai bien compris). J'y ai retrouvé avec plaisir des monuments que j'avais admirés durant ma visite de Rome en 1990, le nom de la Piazza Navona (construite sur les ruines du cirque de Domitien) me revenant spontanément. (Voir ci-dessus pour une photo du début du siècle dernier.) Parmi les reliques les plus impressionnantes, il y a la boule de bronze doré qui surmontait autrefois l'obélisque dit de Néron (déplacé d'Alexandrie à Rome par Caligula, puis dressé au centre du parvis de Saint-Pierre de Rome en 1586 par l'ingénieur Domenico Fontana); au Moyen Âge, les guides racontaient aux visiteurs venus en pélerinage que cette boule contenait les cendres de Jules César, mais rien n'a été trouvé à l'intérieur quand Fontana l'a faite ouvrir. En revanche, la boule porte bel et bien les marques des balles tirées par la soldatesque de Charles Quint en 1527, lors du sac de Rome. (À droite, une gravure représentant le déménagement de l'obélisque en 1586, tirée de l'ouvrage Della trasportatione dell'obelisco vaticano et delle fabriche di Nostro Signore papa Sisto v fatte dal cavallier Domenico Fontana, publié à Rome en 1590 et qui porte la cote DT62.O2 F6 à la Library of Congress.) J'ai aussi retenu une belle madone du Pinturicchio, alias Bernardino di Betto Betti (1452-1513), appelée la « Madonna del davanzale », que l'on peut voir ci-contre. Du point de vue historique, toutes les époques étaient représentées depuis le premier millénaire avant notre ère, ainsi que de nombreux aspects de la vie quotidienne, en particulier dans la Rome antique. Outre les pièces de monnaie, les bijoux et les urnes cinéraires, il y avait des amphores, des mosaïques (dont un plan numéroté de thermes romains), des plats pour le service du vin dans l'Antiquité, une tablette pour l'écriture, des morceaux d'une pompe de Ctésibios (qui auraient franchement nécessité une plus longue explication) et des fragments de fresques. La statuaire romaine antique était illustrée par une belle sculpture en marbre noir d'un marcassin et plusieurs reliefs pris à des sarcophages, mais surtout par un certain nombre de miniatures (du groupe du Laocoon, par exemple, ou d'une statue équestre de Marc-Aurèle). En fait, je dirais que la Rome antique occupait au moins le tiers de l'exposition, les autres époques (le Moyen Âge, la Renaissance, la Rome baroque, la Rome moderne) se divisant le reste de l'espace. Les pièces plus tardives sont parfois très belles (Raphaël, Bernini), mais elles sont moins rares, dans un sens, puisqu'elles représentent un art qui ne trouvait pas nécessairement sa source à Rome et qui a été pratiqué ailleurs en Europe avec un égal succès.

Néanmoins, pour qui ne peut pas se payer un voyage à Rome, il s'agit clairement d'une exposition qui vaut le déplacement. A priori, je n'en vois pas l'équivalent au Canada.

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