2010-01-08
Le retour des dieux
Dans Le Livre des théophanies (Griffe d'encre, 2008), Jonas Lenn creuse la veine du classicisme le plus pur, soulignant à quel point la fantasy peut se distinguer de la science-fiction, non pas seulement sur le plan de la conjugaison implicite des verbes (le conditionnel vs. le futur) mais sur celui des lignées littéraires. En prenant pour thèmes les grands récits et figures de la mythologie et de l'histoire classique (Ariane, le Minotaure, Alexandre le Grand, Zeus, les Titans), Lenn renoue avec les auteurs européens qui ont, pendant des siècles, ressassé les grands récits de l'Antiquité. Souvent, il s'agissait de raconter une nouvelle fois la guerre de Troie, la fondation de Rome et l'épopée d'Alexandre, ou de piller les dramaturges grecs et romains, mais les dieux de l'Olympe avaient aussi leur place dans l'art pictural et la sculpture, même s'ils étaient moins présents dans la littérature. Le théâtre de Shakespeare et Racine, les fresques et les tapisseries ressuscitaient la culture de l'Antiquité. Quand on a pris le présent comme sujet de drames sérieux, ce fut une petite révolution. Quand on a pris le futur comme cadre de romans, ce fut une nouveauté, jugée excitante par certains et incongrue par d'autres. La science-fiction a conservé une certaine légitimité tant qu'elle a versé dans l'exotisme, s'inscrivant dans le prolongement de la littérature de voyage et des avatars de Bernardin de Saint-Pierre, etc. Mais quand elle a frisé le didactisme en faisant trop souvent à la science, elle a suscité les réserves des esthètes dont les catégories venaient de voler en éclats...
Jonas Lenn écrit — avec une plume très sûre et un amusement discret — des histoires qui incluent souvent la découverte et la transgression des frontières. Et de l'autre côté de la frontière, il y a des dieux. D'une part, les dieux nous rappellent qu'il y a des puissances transcendantes dans l'univers. D'autre part, ils offrent une transcendance familière et confortable, à l'aspérité depuis longtemps émoussée par le refus de croire aux antécédents absurdes des Olympiens (dès l'époque des Grecs, en fait). Mais c'est le désenchantement de départ qui fait le charme de ces nouvelles puisqu'on ne risque pas trop d'y croire, ou d'envisager d'y croire. Dans l'Antiquité, la théophanie gagnait à rester exceptionnelle plutôt qu'habituelle et répétée...
Jonas Lenn écrit — avec une plume très sûre et un amusement discret — des histoires qui incluent souvent la découverte et la transgression des frontières. Et de l'autre côté de la frontière, il y a des dieux. D'une part, les dieux nous rappellent qu'il y a des puissances transcendantes dans l'univers. D'autre part, ils offrent une transcendance familière et confortable, à l'aspérité depuis longtemps émoussée par le refus de croire aux antécédents absurdes des Olympiens (dès l'époque des Grecs, en fait). Mais c'est le désenchantement de départ qui fait le charme de ces nouvelles puisqu'on ne risque pas trop d'y croire, ou d'envisager d'y croire. Dans l'Antiquité, la théophanie gagnait à rester exceptionnelle plutôt qu'habituelle et répétée...