2009-11-20

 

Survivre au chaos

2012 est un film difficile à prendre au sérieux, mais il faut avouer que, malgré une durée de plus de deux heures trente minutes, on ne voit pas le temps passer. Il serait trop long de comptabiliser les erreurs scientifiques et les incohérences qui commencent dès les premières minutes du film. D'ailleurs, certaines sont si criantes — la production de neutrinos par les éruptions solaires? — qu'elles semblent délibérées et paraissent confirmer ce que j'ai entendu prétendre, que les cinéastes hollywoodiens feraient carrément exprès d'en inclure, que ce soit pour s'assurer qu'un film sera condamné par la critique (la popularité d'un film étant en fonction inverse des éloges de la critique?) ou, version plus optimiste, qu'il ne sera pas réaliste au point d'effrayer... En tout cas, il est clair que Roland Emmerich, responsable du film, a disposé d'excellents conseillers scientifiques à plusieurs endroits (citant les écrits de Hapgood ou évoquant le supervolcan de Yellowstone).

Mais s'il ne s'agit pas d'un film d'anticipation le moindrement plausible, de quoi s'agit-il?

Au premier degré, qu'il ne faut pas négliger, c'est l'histoire non seulement de la fin du monde mais de familles qui essaient de survivre quand tout s'effondre (littéralement). Et même si ce n'était peut-être pas délibéré, le rapprochement avec la crise économique des derniers mois, particulièrement aux États-Unis, s'impose de lui-même.

Les catastrophes d'envergure planétaire sont un des thèmes récurrents de la science-fiction, depuis au moins Cousin de Grainville, et le scénario retenu pour 2012 n'est pas sans rappeler deux récits de Jules ou Michel Verne : Sans dessus dessous et « L'éternel Adam » (peut-être inspirés par les idées de Charles-Étienne Brasseur de Bourbourg sur des changements de position de l'axe de rotation de la Terre, publiées en 1872). D'ailleurs, on pourrait dire que la science du XIXe siècle est à l'honneur dans ce film puisque l'idée d'un lien possible entre les configurations planétaires et les éruptions solaires remontent aux travaux de Warren de la Rue et ses collègues sur les rapports entre la position des planètes et les taches solaires, vers 1865...

Toutefois, contrairement aux ouvrages verniens et à d'autres dans la même veine (comme Le Nouveau Déluge), le recommencement (ou non) de la civilisation n'est pas le sujet du film : 2012 se termine avant que les arches n'accostent (comme dans District 9, ces vaisseaux chargés de survivants et de réfugiés aboutiront en Afrique du Sud...).

Par contre, un autre sujet crève les yeux et inspire des interrogations sur les motivations d'Emmerich. C'est celui de l'inégalité. Si le personnage d'Anheuser prêche la loi d'airain des
« lifeboat ethics », d'autres personnages s'insurgent contre l'injustice qui permet de sauver uniquement une poignée de privilégiés, pour la plupart occidentaux, arabes ou chinois si j'ai bien suivi. Cette disproportion indigne, au point où on se demande si c'est intentionnel de la part d'Emmerich et s'il ne condamne pas implicitement tant l'ordre actuel du monde que l'idéologie du tout-aux-gagnants qui a sous-tendu les excès du néo-capitalisme récent.

Quant au film, il fait figure d'anthologie. Si Emmerich nous épargne une énième dévastation de New York, il offre de nombreuses scènes susceptibles de rappeler des souvenirs aux fans des films de catastrophe. Les effets spéciaux ne sont pas toujours convaincants, mais le résultat demeure un spectacle à grand déploiement comme on en voit peu.

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Comments:
Intéressant, cet aspect de questionnement de l'ordre du monde...

Quant à moi, pour avoir travaillé avec nombre de privilégiés de ce monde, je me demande toujours, en voyant ce genre d'histoire, comme les groupes de milliardaires vont bien pouvoir survivre une fois la catastrophe passée.

Ceux que j'ai connu n'auraient pas été foutus de se préparer une omelette sans se brûler (ou de se réserver une table au restanrant), alors ne parlons pas d'aller à la chasse pour trouver du gibier...
 
Si on prend le film pour ce qu'il est, c'est-à-dire un gros ramassis d'effet spéciaux et surtout pas une thèse de doctorat, c'est plutôt réussi et j'ai aussi passé un très agréable 2h30.

Moi j'ai bien aimé le fait qu'il est souvent présenté dans le film qu'on a beau avoir une morale à toute épreuve, reste qu'en bout de ligne, il est difficile de ne pas penser à sauver sa propre peau. C'est pourquoi ça prend tant de temps à certaine personne pour réagir définitivement.

Bref, un film divertissant.
 
Comme à mon habitude j'attendrai sa sortie en disque et je le visionnerai. Je ne pense pas être déçu car même avant d'Avoir lu ta critique je ne m'attendais pas à grand chose, hormis des effets spéciaux spectaculaires. Mais j'aime ça et je ne bouderai pas mon plaisir, tout en regrettant l'indigence habituelle des scénarii, dont je me demande si elle n'est pas délibérée.
 
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