2009-08-02

 

Logique lunaire

J'avais presque perdu l'habitude des films de science-fiction comme Moon. J'ai même du mal à me souvenir du dernier que j'ai vu — et Star Trek ne compte pas tout à fait en raison de son éloignement de plus en plus grand de toute forme de vraisemblance scientifique. En revanche, Moon s'en tient au futur proche et à un avenir technologique plausible, à tel point qu'on l'a accusé de verser dans la nostalgie des films comme 2001.

En fait, c'est la faute à la conception actuelle de la science-fiction, désormais indissociable des effets spéciaux à grand déploiement et de l'action à outrance. Et des scénarios plus ou moins insanes. Pour un film à petit budget, Moon ne souffre pas outre-mesure de son emploi modéré d'effets spéciaux. Les scènes extérieures sont plus ou moins convaincantes, mais l'essentiel du film se déroule à l'intérieur de la base minière, qui exploite l'hélium-3 de la croûte lunaire et qui est presque parfaitement réalisée. Quant au scénario, il est soigné, intimiste et soutenu par une prestation adéquate des acteurs. Pourtant, Moon laisse quelque peu indifférent.

Cela s'explique-t-il par l'absence de tout personnage humain, au sens habituel du terme? Au risque de révéler un élément essentiel de l'intrigue, qui lui procure son moment le plus palpitant, je peux considérer que les deux protagonistes masculins ne sont pas ontologiquement humains, en tant que clones qui sont tous les deux Sam Bell et qui ne le sont donc ni l'un ni l'autre... La femme et la fille de cet homme n'apparaissent qu'à l'écran de transmissions radio. Et le rôle le plus sympathique est tenu par un robot intelligent.

Si les deux versions de Sam Bell démontent enfin la conspiration qui les a tenues dans l'ignorance de leur vraie nature, c'est pour monter aussitôt une conspiration qui doit assurer la liberté à l'une des deux, et fournir une chance de bonheur (ou d'inexistence?) à tous les clones à venir.

Si le film déçoit, c'est sans doute parce qu'il tend à esquiver les questions les plus intéressantes, justement. De nombreux autres clones de Sam Bell sont en attente : faudrait-il les réveiller tous et les informer de la vérité, ou vaudrait-il mieux qu'ils ne vivent jamais? L'usage de clones fait-il partie de la réalité quotidienne de ce futur, ou s'agit-il d'une innovation réservée à l'entretien d'une base lunaire? Existe-t-il une seule base dans ce cas, ou plusieurs?

Bref, il manque un sentiment de triomphe ou un enjeu concret qui transcenderait les sorts individuels des deux clones. Sur Terre, le vrai Sam Bell a survécu, mais sa femme est morte et sa fille, Eve, ne reconnaît pas la version plus jeune de son père quand il l'appelle de la Lune. On pressent que ni le père ni le fille ne seraient enclins à faire une place dans leurs vies à un clone surgi de nulle part. (Et pourtant, ce ne serait pas un film inintéressant que l'histoire de telles « retrouvailles »...)

Il aurait fallu donner plus de substance à la compagnie Sarang qui n'est incarnée que par ses machines et deux visages un peu flous apparaissant dans les transmissions en noir et blanc de la Terre. En savoir plus sur la compagnie ou sur l'impact de l'hélium-3 lunaire sur la civilisation terrestre (est-il essentiel?) aurait peut-être conféré un peu plus de profondeur à la lutte des clones pour revendiquer un droit à l'existence. Toutefois, la compagnie reste une présence informe, dont les émissaires ne se montrent pas à visage découvert et dont les agissements sont mal cernés. Les balises temporelles manquent : la base opère-t-elle depuis onze ans? vingt-six ans? plus encore?

Ce qui affaiblit sans doute le suspense, ce sont les petits détails. La gravité lunaire n'est pas manifeste. Et Sam témoigne d'une curieuse sérénité face à la durée même de ce séjour lunaire de trois ans sans aucun congé, sans contact en direct avec le monde extérieur, face à la possibilité que sa fille (dont l'âge cadre plus ou moins avec la durée de son absence) soit l'enfant du laitier, face au choix de la compagnie Sarang de faire appel à des clones en série... Même sans les événements qui précipitent l'éveil d'un second clone, le premier aurait dû se douter de quelque chose.

Le scénario fait preuve d'une précision dans les rebondissements qui se compare admirablement à la plupart des films récents dans les genres de l'imaginaire. Mais l'objectif des créateurs de Moon n'aurait pas dû se cantonner à la réalisation d'un suspense habile. Il manque une échappée... et, pourtant, sur la Lune, on devrait pouvoir bondir plus haut.

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Comments:
Although I found this film to be better made than "District 9" when I saw the two in the same evening, all your points are valid.

I figured they sent a clone back to earth to fill Sam Bell's old place at the end of the first 3 years. However the place of clones in the society at a whole is interestingly in question . . .

I was also bothered because each clone, in the freezer sequence, seemed to have a new copy of Sam's personal possessions with him. I suppose that makes sense to save telling wear which would reveal to the clone that something was up, but given that Gerty did not have access to that section of the base, how would it get Sam and the materials? Didn't see any machinery to do it...

Also I was not sure I believed that Sam Bell would survive the voyage in the crate, especially landing...
 
Interprétation intéressante que le remplacement du Sam Bell terrestre par un clone... Il me semble plus simple de supposer que le vrai Sam Bell n'a jamais quitté la Terre et que tous les préposés à la base lunaire depuis le début ont été des clones. Si le Sam Bell d'origine a consenti, cela en dirait long sur le point de vue des humains face aux clones. Mais il se pourrait qu'il n'ait pas consenti, ou que le clonage ait même eu lieu à son insu...

Quant au voyage en barge orbitale, je peux l'admettre, comme j'admets la scène correspondante dans The Moon is a Harsh Mistress de Heinlein...
 
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