Culture des futurs

Le nouveau film relance la série d'une manière beaucoup plus satisfaisante que la plupart des films récents (Batman Begins, Superman Returns) qui cherchaient à ressusciter un univers fictif avec de nouveaux acteurs, mais qui ne faisaient souvent que souligner la malléabilité fondamentale des histoires de superhéros qui n'ont jamais été très solidement ancrées dans la réalité. Par contre, Star Trek appartient, en principe, à notre futur (ou du moins à une réalité parallèle) — James T. Kirk grandit en Iowa, tout comme le protagoniste du roman de Heinlein, Space Cadet. En principe, toujours, ce sont les progrès scientifiques et techniques à venir qui permettent aux personnages de réaliser leurs exploits, et non des pouvoirs surnaturels aux origines inexpliquées — exception faite des capacités télépathiques de Spock. Bref, pas de mutations ou de midichloriens dans le décor, hourra!

Mais pour conserver cette solidité de l'échafaudage fictif, il fallait trouver le biais idoine pour se montrer infidèle à la série d'origine, aux scénarios devenus canoniques et aux décors conçus pour la télévision à basse résolution des années soixante. Dans le film, un voyage dans le temps a commencé à modifier le passé près de vingt ans avant le début de l'intrigue principale, de sorte qu'on peut accepter que la passerelle de l'Enterprise ne ressemble pas à celle de la série d'origine et que le passé immédiat des personnages principaux ait également changé. Mais ils demeurent reconnaissables au moral, sinon au physique, et le duo principal de Kirk et Spock crève l'écran. Dans ce film, ce sont les performances individuelles des acteurs qui fonctionnent mieux que leurs scènes ensemble, mais c'est naturel : Kirk et Spock (et les autres) se cherchent encore des atomes crochus.

Comme dans presque tous les films qui se mêlent de voyages dans le temps, la logique stricte souffre un peu. (Le personnage du Romulien Néron tient à sa vengeance même quand il s'est rendu compte qu'il a abouti dans le passé et qu'il pourrait encore sauver sa planète de sa destruction future...) Outre les péripéties que je m'en voudrais de révéler, le film aboutit à donner une autre chance à l'Enterprise de larguer les amarres pour une mission de cinq ans... Mais c'est peut-être la principale faiblesse de l'idée. Désire-t-on vraiment revivre les aventures d'origine? Quelque part, je me demande si, malgré le succès du film, ce n'est pas engager la série dans un cul-de-sac...

Libellés : Films, Science-fiction