2009-08-19

 

Le Parc Algonquin

Comment ai-je pu vivre des années à Toronto sans jamais visiter le parc Algonquin? Il s'agit non seulement d'un des parcs les plus anciens au pays, mais aussi d'une destination privilégiée des Torontois et de nombreux autres Canadiens depuis sa création en 1893 comme réserve faunique. Sans parler des nombreuses visites de membres du Groupe des Sept à l'époque où il était possible de se rendre dans le parc en train.

Désormais, toutefois, c'est en voiture qu'il est possible d'accéder aux franges du parc, l'intérieur restant uniquement accessible aux canoteurs et randonneurs. Au sud, en partant de Maynooth, petit village qui accueille chaque année un festival du bûcheron, il ne faut qu'une demi-heure pour arriver aux portes du parc et acheter un permis pour la journée qui donne accès aux plages, stationnements et sentiers de randonnées de part et d'autre de la route principale. Comme il faisait beau, les visiteurs étaient déjà nombreux.

En bonne compagnie, j'ai donc enchaîné durant la journée une série de promenades. D'abord, ce fut le sentier des castors, qui fait le tour de deux plans d'eau créés par des barrages de castors. À l'entrée du parc, j'avais acheté des guides de promenade, mais ils étaient aussi disponibles à proximité de l'amorce du sentier. À première vue, on pourrait se croire dans un parc aussi policé qu'à Montréal, mais l'épaisseur du sous-bois au-delà du sentier oblige vite à réviser ce jugement. Il s'agit uniquement d'un sentier aménagé, et non d'une nature apprivoisée. Malgré le nom du sentier, il n'y avait pas de castor dans l'étang en contrebas, rien qu'une cabane si vieille et si bien désertée que l'herbe poussait sur l'amoncellement de glaise et de branches. Un barrage construit en aval avait pourtant créé un plan d'eau, inondant une forêt dont il subsiste quelques arbres morts, et précipité la transformation ultérieure de la partie la moins profonde de l'étang en début de pré...Le sentier remontait ensuite le long de l'étendue d'herbe folle pour rejoindre dans les bois le ruisseau original. On y trouve un petit barrage qui n'a pas réussi, les castors construisant parfois un peu au hasard, guidés par des indications aussi imprécises que le bruit de l'eau qui court... Plus loin, en revanche, un barrage nettement plus impressionnant (photographié ci-dessous) a donné naissance au lac Amikeus (d'après le mot algonquin « amik », qui désigne le castor).En prenant ensuite le chemin du centre d'accueil, il a suffi de tourner dans la route d'accès pour tomber sur un attroupement de voitures. La raison? La présence de deux orignaux en train de manger à quelques pas du chemin. La première photo (ci-contre) a été la meilleure, et encore il faut regarder de près pour apercevoir la tête qui émerge de la végétation à gauche tandis qu'en arrière-plan, derrière les troncs, on devine la silhouette du second animal, dont la tête est cachée par les branches. On croirait leur prestation organisée par le syndicat d'initiative local, mais c'est la réalité des parcs canadiens et la vie quotidienne des animaux qui savent quand on ne les chasse pas... sauf au téléobjectif. D'ailleurs, du balcon du centre d'accueil des visiteurs, qui domine une vallée creusée par une rivière paresseuse, on pouvait apercevoir des ours, soit une mère et ses deux rejetons... réduits par la distance à de petites taches noires que l'on distingue peut-être dans la photo ci-dessous.Plus tard, j'ai corrigé quelques examens face à la surface ensoleillée du lac des Deux-Rivières. Après ce répit, une marche digestive dans les bois s'imposait et le sentier Big Pines semblait offrir la combinaison parfaite de l'histoire et de la nature. Le long de ce sentier, les pins blancs tiennent la vedette, tout comme ils avaient attiré autrefois les bûcherons. Leur écorce brune et crevassée, leurs branches aérées aux aiguilles regroupées en faisceaux de cinq et leur taille (qui trahit un âge plus que centenaire) permettent de les identifier, comme dans la photo ci-contre. Au temps de la marine à voile, le tronc élancé, dépourvu de ramifications jusqu'à une hauteur plus que respectable, en faisait la matière première idéale pour les mâts des grands bâtiments. La courbure du tronc de l'arbre ci-contre n'aurait pas intéressé les exploitants de cette époque, mais le bois du pin blanc se débitait facilement et, surtout, il flottait... La drave permettait aux compagnies d'abattage de déplacer, avant les chemins de fer et les camions au diesel, les arbres des hautes terres de ce qui allait devenir le parc Algonquin. Aujourd'hui, les arbres qui ont survécu sont devenus des géants et le plus grand qui s'élève à proximité du sentier atteint au moins 37 mètres de haut, à un âge de 219 ans puisque cette génération de pins blancs devrait son existence à un grand feu de forêt qui, en 1790, avait dégagé le sous-bois au profit des jeunes pins. (Les plus grands pins blanc peuvent dépasser les 300 ans et les 40 mètres.)La photo précédente montre de près le fût de ce plus grand des pins blancs, tandis que la photo suivante illustre un entrelacs de racines presque obscène... En fait, le géant ci-dessus est un survivant, presque un miraculé, car on a évalué qu'en une année, vers 1867, huit chantiers abritant 400 bûcherons auraient abattus quelque 30 000 pins blancs dans les limites de l'actuel parc Algonquin. Et l'entreprise était renouvelée chaque année, au prix des plus grands efforts. Après avoir fourni le marché de l'exportation en bois équarri, les bûcherons avaient destiné les pins blancs et rouges abattus dans la région aux scieries de l'Outaouais. D'ailleurs, il suffit de marcher quelques mètres de plus pour découvrir les restes d'un camp de bûcherons qu'on fait remonter à l'hiver 1887-1888. Les vestiges sont protégés par une palissade, mais ils sont à peine visibles sous l'épaisseur de mousses et d'humus. Des arbres et arbrisseaux ont poussé sur les monticules qui forment quelques angles droits. On peut voir ces ruines au travers de cette spectaculaire toile d'araignée (qui a presque l'air fausse, mais non), sauf qu'on ne voit rien. Rien que la forêt.La nature a repris ses droits.

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