2009-05-30
Promenade à Gênes
Après la nature, la culture.
Après la visite-éclair hier des Cinque Terre, j'ai consacré ma journée à la visite des attraits culturels et historiques de Gênes. Le but, c'était de se reposer et de s'instruire. Cette fois, je ne me suis pas pressé pour descendre en ville par le chemin habituel qui commence par le raidillon du Castellaccio. D'ailleurs, je ne me suis pas gêné pour m'arrêter et prendre cette photo d'un chat noir surpris dans un coin de la montée San Barnaba où quelqu'un en accueille plusieurs. Histoire de faire plaisir à la Môme Tournevis, disons... (La photo, je veux dire, pas la personne qui accueille les chats errants.) Le chat avait l'air quelque peu effarouché, mais je ne suis pas superstitieux. D'ailleurs, dans la cour de la demeure aux chats, comme on pourrait l'appeler, il y avait de nombreux autres chats qui se prélaissaient dans l'herbe folle ou semblaient avoir pris en affection une vieille Fiat typiquement italienne. Ce qui a donné la photo ci-dessous, que je trouve assez pittoresque.Le passage aux choses sérieuses a commencé avec la visite d'un monument à la culture des voyages, des découvertes et de l'exotisme du XIXe siècle : le musée des cultures du monde sis dans un château presque entièrement reconstruit à cette époque sur les ruines d'un bastion du temps de Charles Quint. C'est le Castello d'Albertis, édifié par un ancien capitaine et explorateur originaire de la ville. À l'intérieur de ce curieux édifice, le capitaine au long cours a rassemblé des souvenirs d'un peu partout, collectionnés durant ses voyages ou obtenus de missionnaires, par exemple. Il y a aussi une splendide salle colombienne ainsi nommée en hommage à Christophe Colomb, prolongée par un balcon qui sert d'écrin à une statue en marbre blanc du jeune Cristoforo Colombo, assis sur un quai de Gênes, le visage pensif et furibond comme s'il rongeait son frein. Mais il y a aussi une salle à la turque, tendue de tapisseries comme si on se trouvait à l'intérieur d'une tente de Bédouin. Un totem de la Colombie-Britannique, ainsi que d'autres objets autochtones des Amériques. Et une reconstitution de la cabine utilisée par le capitaine Albertis pendant certains de ses voyages... Le musée a l'honnêteté de confesser que son fondateur ne s'est pas toujours distingué comme explorateur, revenant d'un voyage en Nouvelle-Guinée avec une réputation de chef tyrannique pour ses subalternes mais sans grands résultats concrets.
Après un bref passage par la « Chiesa di Santissima Annunziata del Vastato », dont l'ouverture était apparemment le résultat d'une erreur de sorte qu'un prêtre escorte les quelques personnes à l'intérieur jusqu'à la sortie, en passant par le monastère attenant, je descends dans le port. Surprise! Je retrouve à quai un splendide galion que j'avais vu pour la dernière fois dans la rade de Cannes, il y a près de vingt ans. Il s'agit du navire en vedette dans le film Pirates (1986) de Roman Polanski. Si le film n'a pas eu le succès commercial espéré, il a au moins eu le mérite de nous laisser ce splendide souvenir de l'architecture navale d'antan. Un de ces jours, il faudra bien que je trouve l'occasion de regarder ce film, si ce n'est que pour le comparer à la trilogie de Johnny Depp en pirate... Néanmoins, le galion rappelle, au même titre que la statue de Christophe Colomb qui surplombe le port depuis sa situation sur le balcon du Castello d'Albertis, que Gênes a joué un rôle commercial capital dans l'économie européenne, même après la découverte des Amériques et l'arrivée massif de l'or arraché à ses habitants. Le Palazzo San Giorgio, autrefois à deux pas de la rade, héberge aujourd'hui les autorités portuaires, à l'entrée de la vieille ville de Gênes, mais il avait d'abord été l'hôtel de ville, puis le siège de la banque di San Giorgio. Il aurait même servi de prison à Marco Polo, qui aurait profité de son séjour pour dicter une première version de ses récits de voyage en Extrême-Orient.
La vieille ville compte de nombreux édifices qui valent le détour. Plusieurs sont construits dans un style médiéval distinctif, qui alterne en façade les parements de pierres blanches et grises. L'effet est particulièrement frappant dans le cas de la cathédrale San Lorenzo et fait presque oublier sa conception essentiellement gothique par ailleurs. Face à ce monument érigé à la mémoire d'un simple mortel divinisé après sa mort (ne parle-t-on pas aussi de « divo » pour désigner un saint?), on se dit qu'une force du christianisme aura été d'offrir à de simples croyants la divinisation posthume qui était auparavant réservée aux seuls empereurs romains — une forme de démocratisation religieuse... Plus tôt, je m'étais attardé dans la piazza San Matteo, où le même style a été appliqué à l'église San Matteo et aux palais environnants, pour la plupart associés aux seigneurs de la famille Doria. Le palazzo donné à Andrea Doria pour services rendus à la république de Gênes n'est pas le moins agréable au regard, même s'il est difficile à prendre en photo, coincé comme il l'est entre les édifices avoisinants, dont il n'est séparé que par d'étroites ruelles. Avant de prendre la direction du palais ducal, dont l'avènement a signalé une nouvelle ère dans l'histoire de Gênes, j'ai pu me glisser dans le cloître qui jouxte l'église San Matteo (à défaut de pouvoir pénétrer dans l'ancienne église et d'admirer dans la crypte les ultimes vestiges de la vie haute en couleurs d'Andrea Doria) et prendre la photo que je reproduis ci-dessous, qui évoque bien le calme et la perfection classique de cette arcade à l'écart des bruits de la ville.J'ai terminé ma journée dans les musées de la Strada Nuova (aujourd'hui Via Garibaldi), ce projet immobilier voulu par les familles les plus riches de Gênes. Bordant chaque côté de cette rue classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, un palazzo succède à un autre palazzo, chacun se distinguant par le style ou la couleur de sa façade. Certains de ces palais appartiennent aujourd'hui à des banques ou autres institutions. Le Palazzo Tursi accueille à la fois l'hôtel de ville et un musée. Dans sa cour entourée de colonnades sur deux niveaux (voir la photo ci-contre), j'ai trouvé un groupe de musiciens de chambre en train de jouer un air classique. J'ai consacré le reste de l'après-midi à la visite des musées abrités par trois palais voisins, les Palazzo Rosso, Palazzo Bianco et Palazzo Tursi. Les tableaux religieux ont rarement retenu mon attention, mais je demeure fasciné par tout ce qu'on peut retirer de la peinture ancienne en général. J'ai donc visité en cherchant à repérer, par exemple, ce que les peintres plaçaient entre les mains des femmes : des livres dans le cas des plus saintes femmes, mais aussi des bébés et des enfants. Mais quand ce n'est pas le cas et que ce sont pas des servantes qui s'acquittent de tâches ménagères, on trouve rarement des femmes aux mains libres et oisives, ou au repos. Soit elles expriment avec leurs mains une réaction « parlante », soit elles tiennent une arme, une tête tranchée (Judith) ou un aspic (Cléopâtre) : on comprend donc que les peintres préféraient ne pas laisser craindre aux spectateurs d'un tableau ce que les mains des femmes allaient faire... tandis que les mains des hommes m'ont semblé apparaître beaucoup plus souvent au repos. Une observation à confirmer, un de ces jours...
Bref, ce fut une visite que je ne regrette pas, et dont je ramène beaucoup.
Après la visite-éclair hier des Cinque Terre, j'ai consacré ma journée à la visite des attraits culturels et historiques de Gênes. Le but, c'était de se reposer et de s'instruire. Cette fois, je ne me suis pas pressé pour descendre en ville par le chemin habituel qui commence par le raidillon du Castellaccio. D'ailleurs, je ne me suis pas gêné pour m'arrêter et prendre cette photo d'un chat noir surpris dans un coin de la montée San Barnaba où quelqu'un en accueille plusieurs. Histoire de faire plaisir à la Môme Tournevis, disons... (La photo, je veux dire, pas la personne qui accueille les chats errants.) Le chat avait l'air quelque peu effarouché, mais je ne suis pas superstitieux. D'ailleurs, dans la cour de la demeure aux chats, comme on pourrait l'appeler, il y avait de nombreux autres chats qui se prélaissaient dans l'herbe folle ou semblaient avoir pris en affection une vieille Fiat typiquement italienne. Ce qui a donné la photo ci-dessous, que je trouve assez pittoresque.Le passage aux choses sérieuses a commencé avec la visite d'un monument à la culture des voyages, des découvertes et de l'exotisme du XIXe siècle : le musée des cultures du monde sis dans un château presque entièrement reconstruit à cette époque sur les ruines d'un bastion du temps de Charles Quint. C'est le Castello d'Albertis, édifié par un ancien capitaine et explorateur originaire de la ville. À l'intérieur de ce curieux édifice, le capitaine au long cours a rassemblé des souvenirs d'un peu partout, collectionnés durant ses voyages ou obtenus de missionnaires, par exemple. Il y a aussi une splendide salle colombienne ainsi nommée en hommage à Christophe Colomb, prolongée par un balcon qui sert d'écrin à une statue en marbre blanc du jeune Cristoforo Colombo, assis sur un quai de Gênes, le visage pensif et furibond comme s'il rongeait son frein. Mais il y a aussi une salle à la turque, tendue de tapisseries comme si on se trouvait à l'intérieur d'une tente de Bédouin. Un totem de la Colombie-Britannique, ainsi que d'autres objets autochtones des Amériques. Et une reconstitution de la cabine utilisée par le capitaine Albertis pendant certains de ses voyages... Le musée a l'honnêteté de confesser que son fondateur ne s'est pas toujours distingué comme explorateur, revenant d'un voyage en Nouvelle-Guinée avec une réputation de chef tyrannique pour ses subalternes mais sans grands résultats concrets.
Après un bref passage par la « Chiesa di Santissima Annunziata del Vastato », dont l'ouverture était apparemment le résultat d'une erreur de sorte qu'un prêtre escorte les quelques personnes à l'intérieur jusqu'à la sortie, en passant par le monastère attenant, je descends dans le port. Surprise! Je retrouve à quai un splendide galion que j'avais vu pour la dernière fois dans la rade de Cannes, il y a près de vingt ans. Il s'agit du navire en vedette dans le film Pirates (1986) de Roman Polanski. Si le film n'a pas eu le succès commercial espéré, il a au moins eu le mérite de nous laisser ce splendide souvenir de l'architecture navale d'antan. Un de ces jours, il faudra bien que je trouve l'occasion de regarder ce film, si ce n'est que pour le comparer à la trilogie de Johnny Depp en pirate... Néanmoins, le galion rappelle, au même titre que la statue de Christophe Colomb qui surplombe le port depuis sa situation sur le balcon du Castello d'Albertis, que Gênes a joué un rôle commercial capital dans l'économie européenne, même après la découverte des Amériques et l'arrivée massif de l'or arraché à ses habitants. Le Palazzo San Giorgio, autrefois à deux pas de la rade, héberge aujourd'hui les autorités portuaires, à l'entrée de la vieille ville de Gênes, mais il avait d'abord été l'hôtel de ville, puis le siège de la banque di San Giorgio. Il aurait même servi de prison à Marco Polo, qui aurait profité de son séjour pour dicter une première version de ses récits de voyage en Extrême-Orient.
La vieille ville compte de nombreux édifices qui valent le détour. Plusieurs sont construits dans un style médiéval distinctif, qui alterne en façade les parements de pierres blanches et grises. L'effet est particulièrement frappant dans le cas de la cathédrale San Lorenzo et fait presque oublier sa conception essentiellement gothique par ailleurs. Face à ce monument érigé à la mémoire d'un simple mortel divinisé après sa mort (ne parle-t-on pas aussi de « divo » pour désigner un saint?), on se dit qu'une force du christianisme aura été d'offrir à de simples croyants la divinisation posthume qui était auparavant réservée aux seuls empereurs romains — une forme de démocratisation religieuse... Plus tôt, je m'étais attardé dans la piazza San Matteo, où le même style a été appliqué à l'église San Matteo et aux palais environnants, pour la plupart associés aux seigneurs de la famille Doria. Le palazzo donné à Andrea Doria pour services rendus à la république de Gênes n'est pas le moins agréable au regard, même s'il est difficile à prendre en photo, coincé comme il l'est entre les édifices avoisinants, dont il n'est séparé que par d'étroites ruelles. Avant de prendre la direction du palais ducal, dont l'avènement a signalé une nouvelle ère dans l'histoire de Gênes, j'ai pu me glisser dans le cloître qui jouxte l'église San Matteo (à défaut de pouvoir pénétrer dans l'ancienne église et d'admirer dans la crypte les ultimes vestiges de la vie haute en couleurs d'Andrea Doria) et prendre la photo que je reproduis ci-dessous, qui évoque bien le calme et la perfection classique de cette arcade à l'écart des bruits de la ville.J'ai terminé ma journée dans les musées de la Strada Nuova (aujourd'hui Via Garibaldi), ce projet immobilier voulu par les familles les plus riches de Gênes. Bordant chaque côté de cette rue classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, un palazzo succède à un autre palazzo, chacun se distinguant par le style ou la couleur de sa façade. Certains de ces palais appartiennent aujourd'hui à des banques ou autres institutions. Le Palazzo Tursi accueille à la fois l'hôtel de ville et un musée. Dans sa cour entourée de colonnades sur deux niveaux (voir la photo ci-contre), j'ai trouvé un groupe de musiciens de chambre en train de jouer un air classique. J'ai consacré le reste de l'après-midi à la visite des musées abrités par trois palais voisins, les Palazzo Rosso, Palazzo Bianco et Palazzo Tursi. Les tableaux religieux ont rarement retenu mon attention, mais je demeure fasciné par tout ce qu'on peut retirer de la peinture ancienne en général. J'ai donc visité en cherchant à repérer, par exemple, ce que les peintres plaçaient entre les mains des femmes : des livres dans le cas des plus saintes femmes, mais aussi des bébés et des enfants. Mais quand ce n'est pas le cas et que ce sont pas des servantes qui s'acquittent de tâches ménagères, on trouve rarement des femmes aux mains libres et oisives, ou au repos. Soit elles expriment avec leurs mains une réaction « parlante », soit elles tiennent une arme, une tête tranchée (Judith) ou un aspic (Cléopâtre) : on comprend donc que les peintres préféraient ne pas laisser craindre aux spectateurs d'un tableau ce que les mains des femmes allaient faire... tandis que les mains des hommes m'ont semblé apparaître beaucoup plus souvent au repos. Une observation à confirmer, un de ces jours...
Bref, ce fut une visite que je ne regrette pas, et dont je ramène beaucoup.