2009-01-17
Un cas curieux de film fantastique
J'ai effleuré certaines des critiques du film The Curious Case of Benjamin Button (très vaguement inspiré d'une nouvelle éponyme de F. Scott Fitzgerald en 1921) et il me semble que fort peu de critiques ont souligné qu'il s'agissait de réalisme magique. Pourtant, le film ne se cache pas : le récit principal repose sur deux contes dont la véracité dépend de la foi accordée aux conteurs respectifs. D'une part, une vieille femme à l'agonie dans un hôpital de la Nouvelle-Orléans relate l'histoire d'un horloger de cette ville qui a orné la gare d'une horloge dont les aiguilles tournent à l'envers; d'autre part, un journal autobiographique rapporte la vie inversée de Benjamin, né vieux, à l'article de la mort, puis abandonné sur les marches d'un hospice pour personnes âgées où il va grandir et donc commencer à rajeunir. L'élément fantastique repose sur le lien implicite établi entre les deux histoires, suggérant que la vie inversée de Benjamin est liée à cette horloge à rebours, et sur le phénomène plus qu'improbable du rajeunissement du protagoniste, défiant l'entropie. Que ce phénomène ne suscite pas plus de commentaires de la part des témoins et des proches relève aussi du fantastique.
L'idée avait aussi été exploitée par Pierre Daninos dans Les Carnets du Bon Dieu en 1947, mais, selon mes souvenirs du roman (plus que vagues, au demeurant), Daninos s'intéressait beaucoup plus aux épiphénomènes de la culture des jeunes de son époque, se servant du rajeunissement du personnage pour lui faire découvrir cette culture. Mais je pourrais me tromper, cela fait longtemps...
Le film est une demi-réussite, dirais-je. Le scénario opte parfois pour des échappatoires : ainsi, Benjamin ne se souvient plus de sa Daisy quand il devient enfant. Plusieurs épisodes forcent la crédulité dans ses derniers retranchements, car un peu trop ouvertement pittoresques, mais une émotion réelle finit par se dégager de l'ensemble. C'est une fresque du vingtième siècle que le film offre, mais par le petit bout de la lorgnette.
J'ai l'impression que le film parlera tout particulièrement aux plus de quarante ans, que la déchéance physique et le terme de la vie interpellent de plus en plus. Ce que le film suggère, c'est qu'en fin de compte, la déchéance physique est moins importante que le terme fixé à nos jours. En un sens, le film explore (un peu) une hypothèse science-fictive : à quoi ressembleraient nos vies si la mortalité s'accompagnait d'un rajeunissement de nos corps et non de la dégénérescence de la chair. Et la réponse implicite, outre les symétries parfois frappantes entre l'enfance et la seconde enfance, c'est que la mortalité importe plus que l'état du corps. Benjamin voit ses proches vieillir et mourir, mais lui-même meurt à son tour, entre les bras de la femme qui l'a aimé. Il n'est plus qu'un bébé, mais il disparaît lui aussi.
C'est ce qui rend la fable émouvante — et qui explique pourquoi l'idée de départ s'avère un peu vaine, en fin de compte. Benjamin Button ne s'est pas affranchi du temps, en fin de compte.
L'idée avait aussi été exploitée par Pierre Daninos dans Les Carnets du Bon Dieu en 1947, mais, selon mes souvenirs du roman (plus que vagues, au demeurant), Daninos s'intéressait beaucoup plus aux épiphénomènes de la culture des jeunes de son époque, se servant du rajeunissement du personnage pour lui faire découvrir cette culture. Mais je pourrais me tromper, cela fait longtemps...
Le film est une demi-réussite, dirais-je. Le scénario opte parfois pour des échappatoires : ainsi, Benjamin ne se souvient plus de sa Daisy quand il devient enfant. Plusieurs épisodes forcent la crédulité dans ses derniers retranchements, car un peu trop ouvertement pittoresques, mais une émotion réelle finit par se dégager de l'ensemble. C'est une fresque du vingtième siècle que le film offre, mais par le petit bout de la lorgnette.
J'ai l'impression que le film parlera tout particulièrement aux plus de quarante ans, que la déchéance physique et le terme de la vie interpellent de plus en plus. Ce que le film suggère, c'est qu'en fin de compte, la déchéance physique est moins importante que le terme fixé à nos jours. En un sens, le film explore (un peu) une hypothèse science-fictive : à quoi ressembleraient nos vies si la mortalité s'accompagnait d'un rajeunissement de nos corps et non de la dégénérescence de la chair. Et la réponse implicite, outre les symétries parfois frappantes entre l'enfance et la seconde enfance, c'est que la mortalité importe plus que l'état du corps. Benjamin voit ses proches vieillir et mourir, mais lui-même meurt à son tour, entre les bras de la femme qui l'a aimé. Il n'est plus qu'un bébé, mais il disparaît lui aussi.
C'est ce qui rend la fable émouvante — et qui explique pourquoi l'idée de départ s'avère un peu vaine, en fin de compte. Benjamin Button ne s'est pas affranchi du temps, en fin de compte.
Libellés : Fantastique, Films