2008-11-17

 

Un Obama français?

À quand un Obama français? La question a été posée plusieurs fois dans les médias depuis le 5 novembre et les réponses semblent avoir été assez uniformément décourageantes. Pour une fois, pourtant, la tendance française à s'auto-flageller est un peu exagérée. Même si on tire un trait sur le passé — Léon Blum, Gaston Monnerville, Pierre Mendès France... sans parler d'une première ministre et d'un premier ministre protestant, il reste que, l'an dernier, la France a élu pour président Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa, immigrant de seconde génération, dont deux des trois épouses étaient également issues de l'immigration. Je n'ai pas le temps de faire le tour de toutes les listes de dirigeants politiques en Europe, mais mon impression superficielle, c'est qu'on ne retrouvera pas, dans toute l'Europe, beaucoup de pays qui ont élu démocratiquement des dirigeants qui ne sont pas issus de la communauté à laquelle s'identifie la majorité des électeurs. (On peut mettre au pluriel cette dernière clause dans les cas de pays comme la Belgique et la Suisse, sans que cela modifie le sens de la phrase.)

En Allemagne, l'élection avant-hier d'un politicien de parenté turque à la tête du Parti Vert a fait les manchettes. C'est le premier chef de parti issu de l'immigration, mais il est encore loin d'être chancelier. Ailleurs? Je ne vois pas beaucoup de cas dans les démocraties les mieux établies (à part ce premier ministre britannique né au... Canada). Évidemment, il pourrait y avoir un bloquage parce qu'on se souvient tous d'un exemple particulièrement flagrant d'un immigrant de première génération élu à la direction de son pays — Adolf Hitler, natif d'Autriche devenu chancelier de l'Allemagne de Weimar quatre ans après avoir acquis la citoyenneté allemande...

Néanmoins, il me semble qu'à l'aune des mœurs politiques européennes, la France n'a pas vraiment à rougir. Après tout, si les États-Unis peuvent élire un président noir, ils n'éliront jamais un immigrant, de quelque origine que ce soit, du moins tant que la loi l'interdisant demeurera inchangée... Il est sans doute vrai que les pays des Amériques sont plus ouverts aux carrières politiques sans enracinement dans le terroir national majoritaire, mais c'est qu'ils sont presque tous des pays d'immigration. Et la promotion des minorités reste lacunaire. Pour un Benito Juárez (1806-1872) au Mexique, d'origine autochtone, il a fallu attendre longtemps pour voir apparaître un Evo Morales. Même le Canada aurait des raisons de se regarder dans le miroir. Louis Riel a été pendu, Kim Campbell a perdu ses élections et le dernier premier ministre d'origine étrangère a été Mackenzie Bowell (1823-1917), né en Angleterre, ce qui ne date pas d'hier.

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Comments:
Pour les USA : pas de Président né hors USA, peut-être, mais ça doit bien être la seule fonction (cf par ex Madeleine Albright sous Clinton).

Pour la France : Une différence entre notre immigration noire et celle des US est qu’elle est beaucoup plus récente, à part les DOMTOM qui sont très éloignés de la métropole (ça joue). Or les dirigeants sont en général issus d’une petite bourgeoisie déjà bien installée, ce qui réclame deux ou trois générations. (Exception : Sarkozy dont le père s’est d’emblée inséré dans cette bourgoisie.) On pourra remarquer que le blocage de l’ascenseur social en France n’aide pas... Cela dit, on a déjà une ministre noire (Rama Yade, née à Dakar, d’une famille déjà liée au monde politique local) que je vois bien aller assez loin.

Une remarque : quand on parle d’un Obama français, on oublie que l’immigration non européenne en France est d’abord arabe (et déjà avant-guerre), surtout loin des plus grandes métropoles, et connaissant mes compatriotes et nos médias je dirais qu’un noir aurait moins de problème qu’un arabe bien typé à se faire élire... Mais là aussi on a déjà une ministre arabe (Rachida Dati, 2è génération aussi, origine très modeste cette fois) même si elle s’est « grillée ».

Enfin qui dit élection dit appareil politique, hors nos partis sont eux-mêmes loin d’être des lieux progressistes sur ce sujet (même si pour les femmes le progrès est net au Parti Socialiste : même plus d’homme en finale de l’élection d’hier).

Même si je suis optimiste, il va falloir attendre le renouvellement d’une génération de politiques, et en France c‘est long !!!
 
Je vois dans ta réponse un certain entêtement à ne pas parler du reste de l'Europe. Or, c'est ce qui m'intrigue : le fait que la France pourrait être plus proche des États-Unis et des autres nations occidentales qui ont pris le virage de l'immigration (Allemagne, Australie, Canada, Grande-Bretagne) que de certains de ses voisins européens.

Évidemment, les forces internes en France sont telles que tu les décris, mais une des réalités cachées en France par les préjugés, les médias et, oui, le conservatisme politique, c'est l'ascension éducationnelle des minorités arabes et noires qui ont fait beaucoup de rattrapage dans ce domaine (au point d'avoir plus de diplômes que la moyenne? il me semble avoir entendu quelque chose comme cela, ou sinon cela concernait les minorités visibles au Québec). Si elles investissaient les lieux de pouvoirs des partis, ou en créaient d'autres, ou si un seul individu exceptionnel dans le genre d'Obama perçait, la question reste bien sûr de savoir si le racisme français est une simple inertie, ou s'il opposerait une résistance réelle à la promotion d'un chef de parti exceptionnel issu d'une minorité...
 
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