2008-07-15

 

Fantasy amérindienne

La critique n'est pas toujours tendre pour les auteurs issus des communautés autochtones qui prennent pour toile de fond la catastrophe colombienne, c'est-à-dire la conquête des Amériques par les Européens, avec tout ce qui s'en est suivi en fait de massacres, de transformations du paysage et de bouleversements écologiques. Qu'on rappelle aux Blancs ce qu'ils ont pris (la terre) et ce qu'ils ont apporté (les maladies), et ceux-ci se plaindront souvent qu'on leur fait la morale. Ben voyons...

Pourtant, si les souffrances de la Première Guerre mondiale peuvent illuminer le Seigneur des anneaux et sa tragique fin d'un monde sacrifié pour en accoucher d'un nouveau, les drames de la résistance autochtone à l'envahissement européen doivent aussi pouvoir informer des œuvres de fiction. Un minimum d'empathie devrait permettre aux lecteurs de comprendre, au moins intellectuellement, ce qui s'exprime alors. Ainsi, la petite maison d'édition autochtone de Kegedonce Press, à Neyaashiinigmiing au bord de la baie Géorgienne, en territoire anishnabé, a publié une trilogie de fantasy par Daniel Heath Justice, un auteur de Toronto de la nation cherokee des États-Unis. The Way of Thorn and Thunder (2005-2007) est dans une certaine mesure de la fantasy traditionnelle, avec ses petits peuples humbles et fraternels opprimés par une puissance hégémonique. Des êtres maléfiques rôdent et une guerre menace, mais une poignée d'individus courageux vont se retrouver et faire le voyage jusqu'à la capitale pour le grand conseil qui décidera de l'exil ou de la guerre.... Aussi empreint de spiritualité autochtone qu'un roman comme Cry of Justice l'est de spiritualité chrétienne, ce premier tome, Kynship, n'est pas exempt de longueurs. L'auteur décrit plus souvent les apparences et les sentiments des personnages qu'il ne les fait vivre, mais il signe aussi une description profondément sentie et parfois originale de ce monde de l'aube, qui vivait autrefois en harmonie avec la nature avant l'arrivée des humains.

Néanmoins, l'auteur arrive à rendre plus qu'un peu de l'indignation ressentie par les habitants de l'Everland, qui voient leurs traditions et leurs droits bafoués par les envahisseurs. Ceci prépare le moment culminant du roman, quand les peuples assemblés doivent choisir entre l'exil et la résistance, un choix dont les Cherokees avaient été privés avant d'emprunter la Piste des larmes. Pour qui se souvient de cette histoire, la scène est au moins aussi émouvante (quoique moins bien écrite) que les grands conseils de guerre du Seigneur des anneaux. L'ultimatum a une réalité que n'ont pas vraiment les menaces souvent servies aux protagonistes de romans de fantasy signés par les citoyens de pays qui n'ont jamais connu la défaite, l'occupation ou l'humiliation. Mais la suite sera-t-elle à la hauteur? Le pourrait-elle seulement?

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