2008-04-14
Fiston, j'ai tué la planète!
Un homme se penche sur son passé... Dans le cas d'un écrivain, le passé est inséparable de ses textes. Les écrivains vivent en partie dans leur tête, et les textes qu'ils extirpent de leurs cellules grises sont par conséquent des morceaux de vie. Jean-Pierre April a eu une longue carrière d'écrivain de science-fiction avant de passer par une phase de retrait, puis d'exploration de voies littéraires différentes. Son nouveau livre est présenté comme un « roman-nouvelles » — une créature hybride bien dans le genre des mots-valises autrefois affectionnés par April — parce qu'il inclut quatre versions révisées de nouvelles parues précédemment. Le résultat est un ouvrage — forcément — inégal. La première partie du roman donne surtout la parole à Jimi, un jeune garçon qui tient un peu du Petit Nicolas de Goscinny. Il vit à la campagne et son père écrit de la science-fiction, bref, des histoires qui ne se peuvent pas. Et même pas pour le cinéma ou la télé! Des épisodes successifs nous montrent Jimi vivant la chute des tours du World Trade Center, négociant avec les habitudes curieuses de ses deux parents qui vivent des vies séparées dans la même maison et découvrant quelques-unes des tristes réalités de l'existence, comme la mort de la chair et des couples. C'est raconté avec un grand sens de l'observation, tant de la part de Jimi qui pose sur le monde un regard encore innocent que de celle de l'auteur qui ressuscite avec beaucoup de justesse la vie intérieure de l'enfance. C'est assez réussi, mais je n'ai pas encore décidé si Jimi est trop dur pour l'écrivain qui se cramponne à sa création, ou pas assez.
La première nouvelle retenue par April, « Les orphelins de Hoï Tri », convient parfaitement au thème de l'ouvrage. L'assassinat de l'enfance dans un pays lointain répond aux déconvenues plus immédiates du jeune Jimi, qui voit ses parents divorcer et l'écarteler, lui, leur seul enfant. Les autres nouvelles, « Angel », « King Kong 4 » et « Voyage au centre de la planète Mer », s'adaptent plus ou moins au propos de l'auteur. Il y a aussi une certaine rupture de ton, car le style plus cynique et détaché de l'écrivain déconstruisant divers mythes cadre plus ou moins bien avec le personnage de Jimi. L'auteur tend à s'imposer au détriment du jeune personnage et le dialogue qu'il entame est adroit, mais il n'échappe pas entièrement au dérapage dans le soliloque.
(Curieusement, j'ai cru qu'avec un tel titre, l'ouvrage inclurait la nouvelle « Dans la forêt de mes enfances », qui faisait déjà en 1990 le lien entre le souci de la planète et la prochaine génération qui en hériterait. Mais non.)
En même temps, un lecteur plus impatient s'exclamerait : « L'enfance ! La maudite enfance ! Pourquoi faut-il toujours que la littérature québécoise revienne encore et toujours à ces personnages faussement enfantins que nous devons à Réjean Ducharme ? La prétendue ingénuité qu'on leur prête dédouane l'auteur qui ne se hasarderait pas à mettre dans la bouche d'un adulte des commentaires aussi naïfs ou des remarques qui risqueraient de se transformer en essais... mais est-ce bien la seule façon de parler du monde qui nous entoure ? » Le lecteur a un droit imprescriptible à toutes ses réactions... Cela ne fait pas partie des droits de Pennac, mais cela mériterait peut-être d'y figurer.
Conclusion... Malgré les révisions apportées aux nouvelles d'origine, on ne peut pas dire que ce livre ajoute quelque chose au corpus de la science-fiction du Québec. En même temps, cependant, on approfondit la vision du monde d'April et les ressorts de sa fiction. C'est loin d'être inintéressant d'un point de vue artistique et historique. Et ce n'est pas si souvent qu'un auteur d'ici a le courage de se mettre plus ou moins en scène dans une auto-fiction, en particulier un auteur de science-fiction. C'est ce qui donne au livre un intérêt certain pour les historiens et amateurs du genre.
La première nouvelle retenue par April, « Les orphelins de Hoï Tri », convient parfaitement au thème de l'ouvrage. L'assassinat de l'enfance dans un pays lointain répond aux déconvenues plus immédiates du jeune Jimi, qui voit ses parents divorcer et l'écarteler, lui, leur seul enfant. Les autres nouvelles, « Angel », « King Kong 4 » et « Voyage au centre de la planète Mer », s'adaptent plus ou moins au propos de l'auteur. Il y a aussi une certaine rupture de ton, car le style plus cynique et détaché de l'écrivain déconstruisant divers mythes cadre plus ou moins bien avec le personnage de Jimi. L'auteur tend à s'imposer au détriment du jeune personnage et le dialogue qu'il entame est adroit, mais il n'échappe pas entièrement au dérapage dans le soliloque.
(Curieusement, j'ai cru qu'avec un tel titre, l'ouvrage inclurait la nouvelle « Dans la forêt de mes enfances », qui faisait déjà en 1990 le lien entre le souci de la planète et la prochaine génération qui en hériterait. Mais non.)
En même temps, un lecteur plus impatient s'exclamerait : « L'enfance ! La maudite enfance ! Pourquoi faut-il toujours que la littérature québécoise revienne encore et toujours à ces personnages faussement enfantins que nous devons à Réjean Ducharme ? La prétendue ingénuité qu'on leur prête dédouane l'auteur qui ne se hasarderait pas à mettre dans la bouche d'un adulte des commentaires aussi naïfs ou des remarques qui risqueraient de se transformer en essais... mais est-ce bien la seule façon de parler du monde qui nous entoure ? » Le lecteur a un droit imprescriptible à toutes ses réactions... Cela ne fait pas partie des droits de Pennac, mais cela mériterait peut-être d'y figurer.
Conclusion... Malgré les révisions apportées aux nouvelles d'origine, on ne peut pas dire que ce livre ajoute quelque chose au corpus de la science-fiction du Québec. En même temps, cependant, on approfondit la vision du monde d'April et les ressorts de sa fiction. C'est loin d'être inintéressant d'un point de vue artistique et historique. Et ce n'est pas si souvent qu'un auteur d'ici a le courage de se mettre plus ou moins en scène dans une auto-fiction, en particulier un auteur de science-fiction. C'est ce qui donne au livre un intérêt certain pour les historiens et amateurs du genre.
Libellés : Livres, Québec, Science-fiction
Comments:
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« Ah les enfants-narrateurs ! »
Bonjour Jean-Louis,
J’ai pris connaissance tardivement de tes propos
sur «Mon père a tué la Terre »,
et je réagis un peu plus tard…
D’abord, merci.
Ça devrait me situer par rapport à la réception possible du milieu de la SF…
Par ailleurs, (si on peu discuter un brin)
je m’étonne, un peu, de ta sortie * contre les narrateurs-enfants.
Les enfants, notre avenir, forment à peu près 20% de nos populations,
mais ils ne représentent même pas 1% des narrateurs.
On devrait plutôt s’étonner de leur rareté !
(surtout dans la SF qui, comme les enfants, regarde vers l’avenir…)
C’est un peu comme si...
comme si on ne voulait pas reconnaître la parole de l’enfance.
Comme si elle était forcément naïve, et que naïve.
Comme si tous les narrateurs-enfants étaient identiques.
Comme si, disons-le, les enfants étaient niaiseux !!!
Seraient-ils plus nombreux au Québec qu’ailleurs ?
Je ne sais trop, mais ils sont sûrement significatifs.
Ce n’est pas sans raison (politique)
que le 11 sept est ici relaté par un enfant-narrateur.
Il faudrait s’interroger sur le choix de ce point de vue…
Par ailleurs, il est vrai, « le lecteur a un droit imprescriptible à toutes ses réactions», le bloguiste a peut-être aussi le devoir moral d’expliquer du mieux qu’il peut toutes ses réactions, et l’auteur, a-t-il aussi quelque droit imprescriptible une fois que son livre est paru ?…
En fait, je rêve d’un blog
où un auteur consentant pourrait discuter de son dernier livre
avec des lecteurs-analystes-critiques ou autres évrivains...
Est-ce que cela existerait, à ta connaissance ?
Au plaisir de te lire,
jpa
P.S. - si tu crois que ce courriel peut-être intégré à ton blog, je suis ouvert...
* Je me réfère ici principalement à ce passage de ta lecture de «Mon père a tué la Terre» :
« En même temps, un lecteur plus impatient s'exclamerait : « L'enfance ! La maudite enfance ! Pourquoi faut-il toujours que la littérature québécoise revienne encore et toujours à ces personnages faussement enfantins que nous devons à Réjean Ducharme ?[ … ]Le lecteur a un droit imprescriptible à toutes ses réactions... »
Bonjour Jean-Louis,
J’ai pris connaissance tardivement de tes propos
sur «Mon père a tué la Terre »,
et je réagis un peu plus tard…
D’abord, merci.
Ça devrait me situer par rapport à la réception possible du milieu de la SF…
Par ailleurs, (si on peu discuter un brin)
je m’étonne, un peu, de ta sortie * contre les narrateurs-enfants.
Les enfants, notre avenir, forment à peu près 20% de nos populations,
mais ils ne représentent même pas 1% des narrateurs.
On devrait plutôt s’étonner de leur rareté !
(surtout dans la SF qui, comme les enfants, regarde vers l’avenir…)
C’est un peu comme si...
comme si on ne voulait pas reconnaître la parole de l’enfance.
Comme si elle était forcément naïve, et que naïve.
Comme si tous les narrateurs-enfants étaient identiques.
Comme si, disons-le, les enfants étaient niaiseux !!!
Seraient-ils plus nombreux au Québec qu’ailleurs ?
Je ne sais trop, mais ils sont sûrement significatifs.
Ce n’est pas sans raison (politique)
que le 11 sept est ici relaté par un enfant-narrateur.
Il faudrait s’interroger sur le choix de ce point de vue…
Par ailleurs, il est vrai, « le lecteur a un droit imprescriptible à toutes ses réactions», le bloguiste a peut-être aussi le devoir moral d’expliquer du mieux qu’il peut toutes ses réactions, et l’auteur, a-t-il aussi quelque droit imprescriptible une fois que son livre est paru ?…
En fait, je rêve d’un blog
où un auteur consentant pourrait discuter de son dernier livre
avec des lecteurs-analystes-critiques ou autres évrivains...
Est-ce que cela existerait, à ta connaissance ?
Au plaisir de te lire,
jpa
P.S. - si tu crois que ce courriel peut-être intégré à ton blog, je suis ouvert...
* Je me réfère ici principalement à ce passage de ta lecture de «Mon père a tué la Terre» :
« En même temps, un lecteur plus impatient s'exclamerait : « L'enfance ! La maudite enfance ! Pourquoi faut-il toujours que la littérature québécoise revienne encore et toujours à ces personnages faussement enfantins que nous devons à Réjean Ducharme ?[ … ]Le lecteur a un droit imprescriptible à toutes ses réactions... »
Salut,
Tu écris :
« J'ai pris connaissance tardivement de tes propos sur Mon père a tué la Terre, et je réagis un peu plus tard... »
L'avantage du blogue, c'est que les billets restent. J'aime bien d'ailleurs cette dimension historique du blogue.
« D'abord, merci.
« Ça devrait me situer par rapport à la réception possible du milieu de la SF... »
« Par ailleurs, (si on peu discuter un brin) je m'étonne, un peu, de ta sortie * contre les narrateurs-enfants.
« Les enfants, notre avenir, forment à peu près 20% de nos populations, mais ils ne représentent même pas 1% des narrateurs.
« On devrait plutôt s'étonner de leur rareté ! (surtout dans la SF qui, comme les enfants, regarde vers l'avenir...)
« C'est un peu comme si...
« comme si on ne voulait pas reconnaître la parole de l'enfance.
« Comme si elle était forcément naïve, et que naïve.
« Comme si tous les narrateurs-enfants étaient identiques.
« Comme si, disons-le, les enfants étaient niaiseux !!! »
Comme je le signalais, il s'agissait d'un mouvement d'humeur, et j'élargirais la condamnation à tout ce qui, dans la culture québécoise, prend les choses du côté le plus léger et moins fouillé, du vedettariat des humoristes aux pitreries des séries télévisées, jusqu'à ce choix de donner si souvent la parole aux gens simples, voire aux enfants (de la bouche desquels la vérité sort, n'est-ce pas). Quelque part, je diagnostique donc dans ce dernier choix un élément d'une culture anti-intellectuelle qui n'est pas exclusivement québécoise et qui est bien nord-américaine.
Si le point de vue des enfants est sous-représenté, que dira-t-on alors de celui des intellectuels, des professionnels, des universitaires et des gens de culture? Les auteurs québécois ne se retiennent-ils pas un peu quand il s'agit de donner la parole à des intellectuels? Il me semble qu'ils sont souvent secondaires, sinon ridicules, dans la fiction. Après tout, on en voit un reflet dans ton roman, justement, et le personnage de l'écrivain ignoré, voire méprisé par ceux qui l'entourent, n'est-il pas sauvé en quelque sorte par son recours à un personnage enfantin plus proche des lecteurs?
Mais ceci est une réaction plus sociologique qu'autre chose.
Du point de vue artistique, le point de vue des enfants ne me convainc pas vraiment. Il manque de réalisme. Un véritable enfant narrateur, cela donnerait quoi? Cela risquerait de donner le genre de textes sur lesquels les critiques lèvent le nez et dont je parle dans ce billet récent (et voir aussi les liens internes).
Étant passé par là, je suis peut-être d'autant plus sensible à l'artificialité des narrations d'enfants...
« Par ailleurs, il est vrai, « le lecteur a un droit imprescriptible à toutes ses réactions», le bloguiste a peut-être aussi le devoir moral d'expliquer du mieux qu'il peut toutes ses réactions, et l'auteur, a-t-il aussi quelque droit imprescriptible une fois que son livre est paru ?... »
J'ai fait le choix de tenir un blogue quasi quotidien. Par conséquent, dans un billet dont l'écriture doit se caser quelque part dans une journée de 24 heures, je ne peux pas élaborer outre-mesure et m'appesantir sur toutes les dimensions du sujet.
« En fait, je rêve d'un blog où un auteur consentant pourrait discuter de son dernier livre avec des lecteurs-analystes-critiques ou autres évrivains... »
« Est-ce que cela existerait, à ta connaissance ? »
Il y a beaucoup de blogues et de forums d'écrivains. Pour la SF, j'ai inclus dans la marge de mon blogue des liens pour plusieurs blogueurs-écrivains. Parfois, les auteurs dialoguent bel et bien avec les lecteurs. Mais je crois que tu rêves d'un lecteur-critique dont il n'existe pas beaucoup d'exemplaires, et ceux qui exercent sont eux-mêmes contraints par le temps. Une discussion suivie pourrait s'engager autour d'un monument littéraire, mais il faudrait que les circonstances s'y prêtent.
Tu écris :
« J'ai pris connaissance tardivement de tes propos sur Mon père a tué la Terre, et je réagis un peu plus tard... »
L'avantage du blogue, c'est que les billets restent. J'aime bien d'ailleurs cette dimension historique du blogue.
« D'abord, merci.
« Ça devrait me situer par rapport à la réception possible du milieu de la SF... »
« Par ailleurs, (si on peu discuter un brin) je m'étonne, un peu, de ta sortie * contre les narrateurs-enfants.
« Les enfants, notre avenir, forment à peu près 20% de nos populations, mais ils ne représentent même pas 1% des narrateurs.
« On devrait plutôt s'étonner de leur rareté ! (surtout dans la SF qui, comme les enfants, regarde vers l'avenir...)
« C'est un peu comme si...
« comme si on ne voulait pas reconnaître la parole de l'enfance.
« Comme si elle était forcément naïve, et que naïve.
« Comme si tous les narrateurs-enfants étaient identiques.
« Comme si, disons-le, les enfants étaient niaiseux !!! »
Comme je le signalais, il s'agissait d'un mouvement d'humeur, et j'élargirais la condamnation à tout ce qui, dans la culture québécoise, prend les choses du côté le plus léger et moins fouillé, du vedettariat des humoristes aux pitreries des séries télévisées, jusqu'à ce choix de donner si souvent la parole aux gens simples, voire aux enfants (de la bouche desquels la vérité sort, n'est-ce pas). Quelque part, je diagnostique donc dans ce dernier choix un élément d'une culture anti-intellectuelle qui n'est pas exclusivement québécoise et qui est bien nord-américaine.
Si le point de vue des enfants est sous-représenté, que dira-t-on alors de celui des intellectuels, des professionnels, des universitaires et des gens de culture? Les auteurs québécois ne se retiennent-ils pas un peu quand il s'agit de donner la parole à des intellectuels? Il me semble qu'ils sont souvent secondaires, sinon ridicules, dans la fiction. Après tout, on en voit un reflet dans ton roman, justement, et le personnage de l'écrivain ignoré, voire méprisé par ceux qui l'entourent, n'est-il pas sauvé en quelque sorte par son recours à un personnage enfantin plus proche des lecteurs?
Mais ceci est une réaction plus sociologique qu'autre chose.
Du point de vue artistique, le point de vue des enfants ne me convainc pas vraiment. Il manque de réalisme. Un véritable enfant narrateur, cela donnerait quoi? Cela risquerait de donner le genre de textes sur lesquels les critiques lèvent le nez et dont je parle dans ce billet récent (et voir aussi les liens internes).
Étant passé par là, je suis peut-être d'autant plus sensible à l'artificialité des narrations d'enfants...
« Par ailleurs, il est vrai, « le lecteur a un droit imprescriptible à toutes ses réactions», le bloguiste a peut-être aussi le devoir moral d'expliquer du mieux qu'il peut toutes ses réactions, et l'auteur, a-t-il aussi quelque droit imprescriptible une fois que son livre est paru ?... »
J'ai fait le choix de tenir un blogue quasi quotidien. Par conséquent, dans un billet dont l'écriture doit se caser quelque part dans une journée de 24 heures, je ne peux pas élaborer outre-mesure et m'appesantir sur toutes les dimensions du sujet.
« En fait, je rêve d'un blog où un auteur consentant pourrait discuter de son dernier livre avec des lecteurs-analystes-critiques ou autres évrivains... »
« Est-ce que cela existerait, à ta connaissance ? »
Il y a beaucoup de blogues et de forums d'écrivains. Pour la SF, j'ai inclus dans la marge de mon blogue des liens pour plusieurs blogueurs-écrivains. Parfois, les auteurs dialoguent bel et bien avec les lecteurs. Mais je crois que tu rêves d'un lecteur-critique dont il n'existe pas beaucoup d'exemplaires, et ceux qui exercent sont eux-mêmes contraints par le temps. Une discussion suivie pourrait s'engager autour d'un monument littéraire, mais il faudrait que les circonstances s'y prêtent.
« L'enfant-narrateur et l'intellectuel-écrivain »
Salut Jean-Louis,
Très intéressant, ton point de vue, et stimulant !
Cela pourrait nous amener pas mal loin, mais… les «narrateurs-enfants», l’usage que j’en ai fait dans «Mon père a tué la Terre », et la discussion du bloguiste avec l’auteur du livre, est-ce que ça entrerait dans le cadre de ton blog ? Je te laisse en juger, et si tu crois que oui, dis-moi un peu comment ça se déroulerait…
[ En fait, je crois qu’il faudrait un autre type de blog (voir ci-bas mon projet de «bloglitt» : avis aux intéressés). ]
Et ce n’est pas évident de continuer la discussion si on part de deux prémisses opposées : dans mon cas, je crois que les enfants-narrateurs sont plutôt rares dans les romans «pour adultes», et dans ton cas, ce type de narrateur serait toujours trop présent.
Pourquoi donc ? Parce que le pseudo-langage d’enfant n’est pas réaliste ? Mais tout art est artifice, le réalisme pur n’existe pas, c’est un esthétisme parmi d’autres et… sinon quoi ? On ne donne plus la parole narrative à l’enfant ? Ou on le fait parler bébé pour «faire vrai» ?
Enfin, j’imagine que les narrateurs-enfants sont très présents dans la littérature «pour jeunes». Je l’espère, en fait, et que ces jeunes narrateurs ne sont pas des adultes miniatures ou de simples porte-parole du «message» de l’auteur-adulte-qui-sait-ce-qui-est-bon (pour lui-même!)…
Dans mon roman-nouvelles, tu as vu un «reflet» d’une observation sociologique fort intéressante quand tu parles de l’enfant sympa rédempteur du père intello incompris. Il est fort significatif que «l’intellectuel» se sente désarmé ou même menacé par l’apparente candeur de l’enfant. Si cet intellectuel-type est débranché de sa propre enfance et qu’il déploie un discours abstrait qui prétend tout expliquer, il se sent drôlement démuni s’il doit descendre de son piédestal pour se rabaisser à la «hauteur» de l’enfant. Le cas de cet intellectuel me paraît pathétique.
Dans mon roman-nouvelle, il me semble, le père joue tant bien que mal son rôle d’intellectuel tout en jouant son rôle de père, le premier rôle contribuant même au second. Lorsque la discussion pratiquement d’égal à égal s’engage entre le père et le fils au sujet de la conception et la réception des nouvelles de SF que le père écrit, c’est là qu’ils se rencontrent, et, formellement, c’est par la continuité de ce lien que le recueil de nouvelles devient aussi roman.
Donc, euh, finalement, serais-je en train de poursuivre la même idée que toi : le fils, lecteur du père, viendrait sauver le père, écrivain marginalisé ? Ça me semble assez «gros» (ça laisse de côté une large partie de l’engagement intello du père, qu’il faut supposer, puisque le fils ne peut le connaître, et que ça lui importe peu), mais, pourquoi pas ? C’est une lecture possible parmi d’autres, à partir de ta lecture de la lecture que le fils fait de la lecture que fait le père-écrivain lui-même de ses propres textes, lequel écrivain étant mon double transformé et que je ne peux plus guère commenter sous-peine de m’auto-phagocyter et d’imploser !!!
Ouf ! Je crois que je vais passer à autre chose… en continuité. J’ai terminé un manuscrit de roman de SF où la narratrice, au début du secondaire, prend la relève de Jimi, le narrateur de «Mon père…» qui terminait son primaire à la fin du roman-nouvelles. Cette fois, la narratrice sera en relation uniquement avec sa mère, le père anonyme provenant d’une banque de sperme. Et j’écris actuellement un roman réaliste où le narrateur est un collégien… Il me semble que ces tranches d’âges, l’enfant, l’ado et le jeune adulte sont sous-représentés en littérature pour adultes, alors que, ne nous y trompons pas, les intellos sont omniprésents en littérature, plus particulièrement dans une certaine littérature elle-même intello.
Il y a aussi une autre hypothèse, fort risquée, que j’ose donc risquer. Il y a très peu de pères parmi certains groupes d’auteurs : par exemple, dans la nouvelle génération d’écrivains du Plateau, ou dans le milieu de la SF, ou chez plusieurs universitaires. Ce phénomène social pourrait-il expliquer en partie la triste absence des enfants dans une très large production artistique, et ce, dans tous les domaines ? Est-ce pour cette raison que plusieurs personnages adultes se comportent comme des enfants égocentriques, qui ont écarté toute rivalité avec un véritable enfant, en oblitérant l’enfant ? Cachons ces enfants: ils sont si faciles à écarter, ne leur accordons pas la parole narrative, ou déprécions-la !…
Règle générale non-dite : les enfants, c’est dans la littérature-jeunesse ; dans la littérature-adulte, y a pas d’enfants, c’est l’enfance, c’est un concept intello !… Et voici mon cri du cœur : quelle est donc cette culture spécialisée (formatée, créneautée, marchandisée) où les enfants et les parents ne se retrouvent pas à l’intérieur de la même littérature ? Pourquoi ne serait-ce pas possible ? C’est en large partie pour répondre à cette question que j’ai écrit «Mon père…». Je rêve que des parents pseudo-intellos et des enfants pseudo-naïfs puissent partager ce même livre, et qu’il n’y ait pas de hiatus entre les deux générations qui auront à partager le même avenir. Je rêve…
Sur ce, l’intello en moi salue l’intello en toi, continuons de nous amuser comme des enfants, et…
bons futurs !
jpa
Projet de Bloglitt :
(tel que je l’ai déjà proposé à Carole Beaudoin, qui s’est montrée intéressée, mais qui a abandonné son blog, temporairement ou autrement )
Je suis depuis peu un amateur de littér@ture sur Internet. J’y recherche en particulier une possibilité de communication directe auteur-lecteurs. Je n’ai rien trouvé de tel, cependant. Pourquoi donc ? Parce que la grande majorité des lecteurs n’ont pas lu le livre dont on parle. Alors on intervient peu, et on a souvent des commentaires du genre «ouais, ça semble intéressant, je vais tâcher de lire ça». Et quand on lit le livre en question, il est comme «passé date», et sur Internet on parle d’autres livres plus récents (que très peu ont lu au moment où on en cause).
Comment remédier à ceci ? Avec une nouvelle chronique (un peu sur le modèle de «Le livre du mois»)où un auteur (intéressé) et des lecteurs (tout aussi intéressés) pourront discuter pendant un mois d’un livre que tous auront lu (tous ceux qui veulent participer, bien sûr) pour la simple raison que le livre du mois sera annoncé au début du mois précédent.
Si jamais ce truc vous intéresse, faites-moi signe ! J’aurai alors une suggestion complémentaire !
Salut Jean-Louis,
Très intéressant, ton point de vue, et stimulant !
Cela pourrait nous amener pas mal loin, mais… les «narrateurs-enfants», l’usage que j’en ai fait dans «Mon père a tué la Terre », et la discussion du bloguiste avec l’auteur du livre, est-ce que ça entrerait dans le cadre de ton blog ? Je te laisse en juger, et si tu crois que oui, dis-moi un peu comment ça se déroulerait…
[ En fait, je crois qu’il faudrait un autre type de blog (voir ci-bas mon projet de «bloglitt» : avis aux intéressés). ]
Et ce n’est pas évident de continuer la discussion si on part de deux prémisses opposées : dans mon cas, je crois que les enfants-narrateurs sont plutôt rares dans les romans «pour adultes», et dans ton cas, ce type de narrateur serait toujours trop présent.
Pourquoi donc ? Parce que le pseudo-langage d’enfant n’est pas réaliste ? Mais tout art est artifice, le réalisme pur n’existe pas, c’est un esthétisme parmi d’autres et… sinon quoi ? On ne donne plus la parole narrative à l’enfant ? Ou on le fait parler bébé pour «faire vrai» ?
Enfin, j’imagine que les narrateurs-enfants sont très présents dans la littérature «pour jeunes». Je l’espère, en fait, et que ces jeunes narrateurs ne sont pas des adultes miniatures ou de simples porte-parole du «message» de l’auteur-adulte-qui-sait-ce-qui-est-bon (pour lui-même!)…
Dans mon roman-nouvelles, tu as vu un «reflet» d’une observation sociologique fort intéressante quand tu parles de l’enfant sympa rédempteur du père intello incompris. Il est fort significatif que «l’intellectuel» se sente désarmé ou même menacé par l’apparente candeur de l’enfant. Si cet intellectuel-type est débranché de sa propre enfance et qu’il déploie un discours abstrait qui prétend tout expliquer, il se sent drôlement démuni s’il doit descendre de son piédestal pour se rabaisser à la «hauteur» de l’enfant. Le cas de cet intellectuel me paraît pathétique.
Dans mon roman-nouvelle, il me semble, le père joue tant bien que mal son rôle d’intellectuel tout en jouant son rôle de père, le premier rôle contribuant même au second. Lorsque la discussion pratiquement d’égal à égal s’engage entre le père et le fils au sujet de la conception et la réception des nouvelles de SF que le père écrit, c’est là qu’ils se rencontrent, et, formellement, c’est par la continuité de ce lien que le recueil de nouvelles devient aussi roman.
Donc, euh, finalement, serais-je en train de poursuivre la même idée que toi : le fils, lecteur du père, viendrait sauver le père, écrivain marginalisé ? Ça me semble assez «gros» (ça laisse de côté une large partie de l’engagement intello du père, qu’il faut supposer, puisque le fils ne peut le connaître, et que ça lui importe peu), mais, pourquoi pas ? C’est une lecture possible parmi d’autres, à partir de ta lecture de la lecture que le fils fait de la lecture que fait le père-écrivain lui-même de ses propres textes, lequel écrivain étant mon double transformé et que je ne peux plus guère commenter sous-peine de m’auto-phagocyter et d’imploser !!!
Ouf ! Je crois que je vais passer à autre chose… en continuité. J’ai terminé un manuscrit de roman de SF où la narratrice, au début du secondaire, prend la relève de Jimi, le narrateur de «Mon père…» qui terminait son primaire à la fin du roman-nouvelles. Cette fois, la narratrice sera en relation uniquement avec sa mère, le père anonyme provenant d’une banque de sperme. Et j’écris actuellement un roman réaliste où le narrateur est un collégien… Il me semble que ces tranches d’âges, l’enfant, l’ado et le jeune adulte sont sous-représentés en littérature pour adultes, alors que, ne nous y trompons pas, les intellos sont omniprésents en littérature, plus particulièrement dans une certaine littérature elle-même intello.
Il y a aussi une autre hypothèse, fort risquée, que j’ose donc risquer. Il y a très peu de pères parmi certains groupes d’auteurs : par exemple, dans la nouvelle génération d’écrivains du Plateau, ou dans le milieu de la SF, ou chez plusieurs universitaires. Ce phénomène social pourrait-il expliquer en partie la triste absence des enfants dans une très large production artistique, et ce, dans tous les domaines ? Est-ce pour cette raison que plusieurs personnages adultes se comportent comme des enfants égocentriques, qui ont écarté toute rivalité avec un véritable enfant, en oblitérant l’enfant ? Cachons ces enfants: ils sont si faciles à écarter, ne leur accordons pas la parole narrative, ou déprécions-la !…
Règle générale non-dite : les enfants, c’est dans la littérature-jeunesse ; dans la littérature-adulte, y a pas d’enfants, c’est l’enfance, c’est un concept intello !… Et voici mon cri du cœur : quelle est donc cette culture spécialisée (formatée, créneautée, marchandisée) où les enfants et les parents ne se retrouvent pas à l’intérieur de la même littérature ? Pourquoi ne serait-ce pas possible ? C’est en large partie pour répondre à cette question que j’ai écrit «Mon père…». Je rêve que des parents pseudo-intellos et des enfants pseudo-naïfs puissent partager ce même livre, et qu’il n’y ait pas de hiatus entre les deux générations qui auront à partager le même avenir. Je rêve…
Sur ce, l’intello en moi salue l’intello en toi, continuons de nous amuser comme des enfants, et…
bons futurs !
jpa
Projet de Bloglitt :
(tel que je l’ai déjà proposé à Carole Beaudoin, qui s’est montrée intéressée, mais qui a abandonné son blog, temporairement ou autrement )
Je suis depuis peu un amateur de littér@ture sur Internet. J’y recherche en particulier une possibilité de communication directe auteur-lecteurs. Je n’ai rien trouvé de tel, cependant. Pourquoi donc ? Parce que la grande majorité des lecteurs n’ont pas lu le livre dont on parle. Alors on intervient peu, et on a souvent des commentaires du genre «ouais, ça semble intéressant, je vais tâcher de lire ça». Et quand on lit le livre en question, il est comme «passé date», et sur Internet on parle d’autres livres plus récents (que très peu ont lu au moment où on en cause).
Comment remédier à ceci ? Avec une nouvelle chronique (un peu sur le modèle de «Le livre du mois»)où un auteur (intéressé) et des lecteurs (tout aussi intéressés) pourront discuter pendant un mois d’un livre que tous auront lu (tous ceux qui veulent participer, bien sûr) pour la simple raison que le livre du mois sera annoncé au début du mois précédent.
Si jamais ce truc vous intéresse, faites-moi signe ! J’aurai alors une suggestion complémentaire !
Salut,
Tu dis :
« Cela pourrait nous amener pas mal loin, mais… les «narrateurs-enfants», l’usage que j’en ai fait dans «Mon père a tué la Terre », et la discussion du bloguiste avec l’auteur du livre, est-ce que ça entrerait dans le cadre de ton blog ? Je te laisse en juger, et si tu crois que oui, dis-moi un peu comment ça se déroulerait… »
Disons que ça dépend de la place que tu voudrais voir la discussion occuper. Je n’en ferais pas le sujet d’une série de billets, a priori, mais il y aurait de quoi occuper la section des commentaires, qui est ouverte à tous et qui n’a pas de limite d’espace (à ma connaissance).
Si une discussion s’engageait vraiment dans la section des commentaires sur ton roman, je pourrais toujours le signaler dans un billet.
« [ En fait, je crois qu’il faudrait un autre type de blog (voir ci-bas mon projet de «bloglitt» avis aux intéressés) ] »
En gros, tu proposes un club de lecture virtuel, mais avec la participation de l’auteur retenu. Ce serait peut-être nouveau. Au Québec, il y a celui-ci. Il y en a aussi pour jeunes.
Je reste un peu dubitatif. L’organisateur/trice d’un tel club lancerait-il la chose sans savoir s’il y aura toujours un auteur au rendez-vous pour y participer à chaque mois? Et, une fois le mois fixé, les lecteurs-critiques que tu recherches et espères seront-ils au rendez-vous? Qu’arrive-t-il si le mois en question est déjà pris pour eux et que tu te retrouves avec des lecteurs plus « ordinaires »?
« Et ce n’est pas évident de continuer la discussion si on part de deux prémisses opposées : dans mon cas, je crois que les enfants-narrateurs sont plutôt rares dans les romans «pour adultes», et dans ton cas, ce type de narrateur serait toujours trop présent. »
« Pourquoi donc ? Parce que le pseudo-langage d’enfant n’est pas réaliste ? Mais tout art est artifice, le réalisme pur n’existe pas, c’est un esthétisme parmi d’autres et… sinon quoi ? On ne donne plus la parole narrative à l’enfant ? Ou on le fait parler bébé pour « faire vrai » ? »
Disons que l’artifice doit quand même reposer sur une certaine vraisemblance pour faciliter l’adhésion du lecteur. Quand c’est un personnage adulte qui s’exprime ou que c’est un personnage adulte qui évoque son enfance (Marcel Pagnol, disons, ou Marcel Proust), on peut toujours admettre l’existence d’un tel personnage disert, éloquent, perspicace, parce qu’il s’en rencontre parmi les adultes, qu’ils s’intéressent à leur passé d’adulte ou d’enfant.
Mais quand on prête à un enfant-narrateur la maturité d’expression d’un adulte, avec une plus ou moins grande dose d’innocence pour « faire vrai », on crée un personnage aussi improbable que ces narrateurs qui sont un chien ou un pou. Parce que le lecteur aguerri n’aura jamais rencontré un narrateur de moins de quatorze ans capable de s’exprimer sous forme écrite avec une telle aisance sur autant de sujets. On bascule dans autre chose, dans une forme fantastique. (Je n’ai rien contre le fantastique, évidemment.)
« Enfin, j’imagine que les narrateurs-enfants sont très présents dans la littérature «pour jeunes». »
Assez, oui, mais pas tant que ça. Ce sont presque toujours les personnages principaux, mais les narrateurs ne sont pas omniprésents. Comme narrateurs, ils se bornent souvent à décrire l’action, sans émettre d’observations personnelles. De ce point de vue, on cherche en fait à faire oublier le narrateur au lecteur.
« Dans mon roman-nouvelles, tu as vu un «reflet» d’une observation sociologique fort intéressante quand tu parles de l’enfant sympa rédempteur du père intello incompris. Il est fort significatif que «l’intellectuel» se sente désarmé ou même menacé par l’apparente candeur de l’enfant. Si cet intellectuel-type est débranché de sa propre enfance et qu’il déploie un discours abstrait qui prétend tout expliquer, il se sent drôlement démuni s’il doit descendre de son piédestal pour se rabaisser à la «hauteur» de l’enfant. Le cas de cet intellectuel me semble pathétique. »
« Dans mon roman-nouvelle, il me semble, le père joue tant bien que mal son rôle d’intellectuel tout en jouant son rôle de père, le premier rôle contribuant même au second. Lorsque la discussion pratiquement d’égal à égal s’engage entre le père et le fils au sujet de la conception et la réception des nouvelles de SF que le père écrit, c’est là qu’ils se rencontrent, et, formellement, c’est par la continuité de ce lien que le recueil de nouvelles devient aussi roman. »
« Donc, euh, finalement, serais-je en train de poursuivre la même idée que toi : le fils, lecteur du père, viendrait sauver le père, écrivain marginalisé ? Ça me semble assez «gros» (ça laisse de côté une large partie de l’engagement intello du père, qu’il faut supposer, puisque le fils ne peut le connaître, et que ça lui importe peu), mais, pourquoi pas ? C’est une lecture possible parmi d’autres, à partir de ta lecture de la lecture que le fils fait de la lecture que fait le père-écrivain lui-même de ses propres textes, lequel écrivain étant mon double transformé et que je ne peux plus guère commenter sous-peine de m’auto-phagocyter et d’imploser !!! »
Sans oublier que j’ai lu ton livre depuis déjà plusieurs semaines...
« Ouf ! Je crois que je vais passer à autre chose… en continuité. J’ai terminé un manuscrit de roman de SF où la narratrice, au début du secondaire, prend la relève de Jimi, le narrateur de «Mon père…» qui terminait son primaire à la fin du roman-nouvelle. Cette fois, la narratrice sera en relation uniquement avec sa mère, le père anonyme provenant d’une banque de sperme. Et j’écris actuellement un roman réaliste où le narrateur est un collégien… Il me semble que ces tranches d’âges, l’enfant, l’ado et le jeune adulte sont sous-représentés en littérature, alors que, ne nous y trompons pas, les intellos sont omniprésents en littérature, plus particulièrement dans une certaine littérature elle-même intello. »
C’est vrai que les écrivains intellos qui se grattent le nombril sont une plaie. J’ai eu ma dose il y a déjà longtemps et je fuis donc assez assidûment ce genre de romans. Toutefois, s’il y a une pléthore de romans mettant en scène la pratique d’autres disciplines intellectuelles, j’aimerais qu’on me signale des titres. Combien de romans par des ingénieurs? des scientifiques? des médecins? des avocats? (Qui est le Grisham québécois?)
« Il y a aussi une autre hypothèse, fort risquée, que j’ose donc risquer. Il y a très peu de pères parmi certains groupes d’auteurs : par exemple, dans la nouvelle génération d’écrivains du Plateau, ou dans le milieu de la SF, ou chez plusieurs universitaires. Ce phénomène social pourrait-il expliquer en partie la triste absence des enfants dans une très large production artistique, et ce, dans tous les domaines ? Est-ce pour cette raison que plusieurs personnages adultes se comportent comme des enfants égocentriques, qui ont écarté toute rivalité avec un véritable enfant ? Cachons ces enfants: ils sont si faciles à écarter, ne leur accordons pas la parole narrative, ou déprécions-la !… »
Possible. Mais si cette dépréciation existe, elle serait aussi une réaction à l’abondance d’enfants-narrateurs parmi les œuvres les plus sacralisées de la littérature québécoise moderne (Réjean Ducharme, Jacques Poulin, Sylvain Trudel). Cette dernière année, un livre dont on a beaucoup parlé, Le froid modifie la trajectoire des poissons de Szalowski, tomberait dans cette catégorie une fois de plus. (Je ne l’ai pas lu.)
« Règle générale non-dite : les enfants, c’est dans la littérature-jeunesse ; dans la littérature-adulte, y a pas d’enfants, c’est l’enfance, c’est un concept intello !… Et voici mon cri du cœur : quelle est donc cette culture spécialisée (formatée, créneauté, marchandisée) où les enfants et les parents ne se retrouvent pas à l’intérieur de la même littérature ? Pourquoi ne serait-ce pas possible ? C’est en large partie pour répondre à cette question que j’ai écrit «Mon père…». Je rêve que des parents pseudo-intellos et des enfants pseudo-naïfs puissent partager ce même livre, et qu’il n’y ait pas de hiatus entre les deux générations qui auront à partager le même avenir. Je rêve… »
Il faut rêver. Je crois fermement qu'on rêve le monde avant d'y vivre. (C'était un peu le sujet de ma thèse de doctorat, d'ailleurs.) Donc, rêvons!
Tu dis :
« Cela pourrait nous amener pas mal loin, mais… les «narrateurs-enfants», l’usage que j’en ai fait dans «Mon père a tué la Terre », et la discussion du bloguiste avec l’auteur du livre, est-ce que ça entrerait dans le cadre de ton blog ? Je te laisse en juger, et si tu crois que oui, dis-moi un peu comment ça se déroulerait… »
Disons que ça dépend de la place que tu voudrais voir la discussion occuper. Je n’en ferais pas le sujet d’une série de billets, a priori, mais il y aurait de quoi occuper la section des commentaires, qui est ouverte à tous et qui n’a pas de limite d’espace (à ma connaissance).
Si une discussion s’engageait vraiment dans la section des commentaires sur ton roman, je pourrais toujours le signaler dans un billet.
« [ En fait, je crois qu’il faudrait un autre type de blog (voir ci-bas mon projet de «bloglitt» avis aux intéressés) ] »
En gros, tu proposes un club de lecture virtuel, mais avec la participation de l’auteur retenu. Ce serait peut-être nouveau. Au Québec, il y a celui-ci. Il y en a aussi pour jeunes.
Je reste un peu dubitatif. L’organisateur/trice d’un tel club lancerait-il la chose sans savoir s’il y aura toujours un auteur au rendez-vous pour y participer à chaque mois? Et, une fois le mois fixé, les lecteurs-critiques que tu recherches et espères seront-ils au rendez-vous? Qu’arrive-t-il si le mois en question est déjà pris pour eux et que tu te retrouves avec des lecteurs plus « ordinaires »?
« Et ce n’est pas évident de continuer la discussion si on part de deux prémisses opposées : dans mon cas, je crois que les enfants-narrateurs sont plutôt rares dans les romans «pour adultes», et dans ton cas, ce type de narrateur serait toujours trop présent. »
« Pourquoi donc ? Parce que le pseudo-langage d’enfant n’est pas réaliste ? Mais tout art est artifice, le réalisme pur n’existe pas, c’est un esthétisme parmi d’autres et… sinon quoi ? On ne donne plus la parole narrative à l’enfant ? Ou on le fait parler bébé pour « faire vrai » ? »
Disons que l’artifice doit quand même reposer sur une certaine vraisemblance pour faciliter l’adhésion du lecteur. Quand c’est un personnage adulte qui s’exprime ou que c’est un personnage adulte qui évoque son enfance (Marcel Pagnol, disons, ou Marcel Proust), on peut toujours admettre l’existence d’un tel personnage disert, éloquent, perspicace, parce qu’il s’en rencontre parmi les adultes, qu’ils s’intéressent à leur passé d’adulte ou d’enfant.
Mais quand on prête à un enfant-narrateur la maturité d’expression d’un adulte, avec une plus ou moins grande dose d’innocence pour « faire vrai », on crée un personnage aussi improbable que ces narrateurs qui sont un chien ou un pou. Parce que le lecteur aguerri n’aura jamais rencontré un narrateur de moins de quatorze ans capable de s’exprimer sous forme écrite avec une telle aisance sur autant de sujets. On bascule dans autre chose, dans une forme fantastique. (Je n’ai rien contre le fantastique, évidemment.)
« Enfin, j’imagine que les narrateurs-enfants sont très présents dans la littérature «pour jeunes». »
Assez, oui, mais pas tant que ça. Ce sont presque toujours les personnages principaux, mais les narrateurs ne sont pas omniprésents. Comme narrateurs, ils se bornent souvent à décrire l’action, sans émettre d’observations personnelles. De ce point de vue, on cherche en fait à faire oublier le narrateur au lecteur.
« Dans mon roman-nouvelles, tu as vu un «reflet» d’une observation sociologique fort intéressante quand tu parles de l’enfant sympa rédempteur du père intello incompris. Il est fort significatif que «l’intellectuel» se sente désarmé ou même menacé par l’apparente candeur de l’enfant. Si cet intellectuel-type est débranché de sa propre enfance et qu’il déploie un discours abstrait qui prétend tout expliquer, il se sent drôlement démuni s’il doit descendre de son piédestal pour se rabaisser à la «hauteur» de l’enfant. Le cas de cet intellectuel me semble pathétique. »
« Dans mon roman-nouvelle, il me semble, le père joue tant bien que mal son rôle d’intellectuel tout en jouant son rôle de père, le premier rôle contribuant même au second. Lorsque la discussion pratiquement d’égal à égal s’engage entre le père et le fils au sujet de la conception et la réception des nouvelles de SF que le père écrit, c’est là qu’ils se rencontrent, et, formellement, c’est par la continuité de ce lien que le recueil de nouvelles devient aussi roman. »
« Donc, euh, finalement, serais-je en train de poursuivre la même idée que toi : le fils, lecteur du père, viendrait sauver le père, écrivain marginalisé ? Ça me semble assez «gros» (ça laisse de côté une large partie de l’engagement intello du père, qu’il faut supposer, puisque le fils ne peut le connaître, et que ça lui importe peu), mais, pourquoi pas ? C’est une lecture possible parmi d’autres, à partir de ta lecture de la lecture que le fils fait de la lecture que fait le père-écrivain lui-même de ses propres textes, lequel écrivain étant mon double transformé et que je ne peux plus guère commenter sous-peine de m’auto-phagocyter et d’imploser !!! »
Sans oublier que j’ai lu ton livre depuis déjà plusieurs semaines...
« Ouf ! Je crois que je vais passer à autre chose… en continuité. J’ai terminé un manuscrit de roman de SF où la narratrice, au début du secondaire, prend la relève de Jimi, le narrateur de «Mon père…» qui terminait son primaire à la fin du roman-nouvelle. Cette fois, la narratrice sera en relation uniquement avec sa mère, le père anonyme provenant d’une banque de sperme. Et j’écris actuellement un roman réaliste où le narrateur est un collégien… Il me semble que ces tranches d’âges, l’enfant, l’ado et le jeune adulte sont sous-représentés en littérature, alors que, ne nous y trompons pas, les intellos sont omniprésents en littérature, plus particulièrement dans une certaine littérature elle-même intello. »
C’est vrai que les écrivains intellos qui se grattent le nombril sont une plaie. J’ai eu ma dose il y a déjà longtemps et je fuis donc assez assidûment ce genre de romans. Toutefois, s’il y a une pléthore de romans mettant en scène la pratique d’autres disciplines intellectuelles, j’aimerais qu’on me signale des titres. Combien de romans par des ingénieurs? des scientifiques? des médecins? des avocats? (Qui est le Grisham québécois?)
« Il y a aussi une autre hypothèse, fort risquée, que j’ose donc risquer. Il y a très peu de pères parmi certains groupes d’auteurs : par exemple, dans la nouvelle génération d’écrivains du Plateau, ou dans le milieu de la SF, ou chez plusieurs universitaires. Ce phénomène social pourrait-il expliquer en partie la triste absence des enfants dans une très large production artistique, et ce, dans tous les domaines ? Est-ce pour cette raison que plusieurs personnages adultes se comportent comme des enfants égocentriques, qui ont écarté toute rivalité avec un véritable enfant ? Cachons ces enfants: ils sont si faciles à écarter, ne leur accordons pas la parole narrative, ou déprécions-la !… »
Possible. Mais si cette dépréciation existe, elle serait aussi une réaction à l’abondance d’enfants-narrateurs parmi les œuvres les plus sacralisées de la littérature québécoise moderne (Réjean Ducharme, Jacques Poulin, Sylvain Trudel). Cette dernière année, un livre dont on a beaucoup parlé, Le froid modifie la trajectoire des poissons de Szalowski, tomberait dans cette catégorie une fois de plus. (Je ne l’ai pas lu.)
« Règle générale non-dite : les enfants, c’est dans la littérature-jeunesse ; dans la littérature-adulte, y a pas d’enfants, c’est l’enfance, c’est un concept intello !… Et voici mon cri du cœur : quelle est donc cette culture spécialisée (formatée, créneauté, marchandisée) où les enfants et les parents ne se retrouvent pas à l’intérieur de la même littérature ? Pourquoi ne serait-ce pas possible ? C’est en large partie pour répondre à cette question que j’ai écrit «Mon père…». Je rêve que des parents pseudo-intellos et des enfants pseudo-naïfs puissent partager ce même livre, et qu’il n’y ait pas de hiatus entre les deux générations qui auront à partager le même avenir. Je rêve… »
Il faut rêver. Je crois fermement qu'on rêve le monde avant d'y vivre. (C'était un peu le sujet de ma thèse de doctorat, d'ailleurs.) Donc, rêvons!
L’enfant-narrateur : impossibilité, rareté ou abondance ?
Bonjour Jean-Louis,
je crois qu'on revient à la case départ : même si tu parles de « l’abondance d’enfants-narrateurs parmi les œuvres les plus sacralisées de la littérature québécoise moderne » , il me semble toujours évident que les enfants-narrateurs sont sous-représentés en littérature pour adultes, au Québec comme ailleurs. Les enfants forment jusqu'à 40% de la population de nombreux pays en voie développement, mais ils ne forment pas 1% des narrateurs.
Les rares exemples que tu mentionnes ne sont pas évidents. Ducharme n'a pas de narrateurs-enfants, mais plutôt un adulte qui refuse de vieillir et s'accroche à l'enfance (du moins dans «Les Enfantômes»). Je crois que Trudel n'a qu'un roman pour adultes où le narrateur est un enfant (ou plutôt, dans « Le souffle de l'Harmattan », il me semble que c'est un adulte revoyant son enfance) et, même si j'ai lu 5 ou 6 romans de Poulin, je n'en connais aucun qui ait un narrateur-adulte. (Lequel est-ce?)
Par ailleurs, tu demandais : «Combien de romans par des ingénieurs? des scientifiques? des médecins? des avocats? »
Ils sont rares au Québec, effectivement, mais en général il y a un peu partout des collections spécialisées ou des sous-genres littéraires où on voit par exemple des avocats, ou des médecins et des infirmières, et en SF on voit beaucoup de scientifiques. Ces romans sont sûrement moins nombreux que les romans où apparaissent des policiers, des criminels, des artistes ou des explorateurs, mais que veux-tu, il y a des professions qui ont un potentiel romanesque plus élevé que d'autres. Peu de lecteurs semblent intéressés à se mettre dans la tête d'un personnage d'ingénieur qui travaille, par exemple, mais tout le monde peut se mettre dans la tête d'un enfant : on a tous été enfant, pendant au moins dix ans, lesquels nous ont marqués pour la vie. D'où l'importance fondamentale de l'enfant-narrateur...
S'exprime-t-il d'une façon artificielle ? Bien sûr, comme tous les personnages de toute nature, ils sont un artifice, un produit de l'art. Par exemple, jamais personne n'a entendu dans les rues de Montréal le véritable «joual» littéraire de Michel Tremblay. Personne ne pourrait parler la langue littéraire de Marie-Claire Blais. VLB invente carrément un langage québécois… Jimi aussi a une langue inventée, la sienne. Dans « Mon père a tué la Terre », le narrateur-héros passe de la première année du primaire à la sixième année, il évolue, ses expressions aussi, et dans ces six années, on peut penser que l'enfant a donné des milliers de phrases «accidentellement poétiques» (ou mi-sérieuses, mi-candides); il est normal que le romancier en retienne quelques-unes, et qu'il oublie largement les phrases quelconques du parler-bébé.
Par ailleurs, en tant qu'écrivain de SF, j'ai déjà passé une demi-journée dans une classe du primaire, et des phrases «accidentellement poétiques», j'en ai entendu de toutes les couleurs. L'institutrice était un peu étonnée de voir ses élèves aussi «songés» et «flyés», mais c'est que je les provoquais, je les excitais, je rigolais, je n'avais pas une matière obligatoire à faire passer, pas d'examens !, et je les entraînais sur mon terrain, la spéculation ludique, comme le fait le père de Jimi avec son fiston, et comme je l'ai fait souvent avec mon jeune fils. Et je dois avouer que les enfants sont bien meilleurs que la majorité des adultes lorsque vient le moment de spéculer !
( Et il y a bien d'autres aspects ou registres du langage-enfant que je n'ai pas explorés. Aujourd'hui, au primaire, les agressions verbales, les grossièretés et les vulgarités sont monnaie courante, multipliées par la cyber-intimidation. L'argot-enfant est ausssi très riche, et les mots-valises «nouvelle tendance», etc. Voilà un riche champ d'exploration pour des écrivains...)
Si tu n'as pas l'occasion d'être en contact avec le langage imagé et surprenant des enfants, écoute «275-ALLO» à la radio de Radio-Canada, et tu verras aussi que les jeunes d'aujourd'hui sont pas mal plus évolués qu'on l'était à leur âge. Plusieurs ont même des réflexions adultes qui vont bien au-delà de la prise de conscience de mon jeune Jimi. Les réflexions, oui, mais le langage demeure inégal, il n'est pas suffisamment maîtrisé, et il y a encore de la place pour la poésie et les jeux de mots inhérents à l'enfance. La langue de bois viendra bien assez vite !
J'ai dernièrement entendu un élève du primaire qui parlait à un copain de la relation problématique de son père avec sa nouvelle amoureuse récemment installée à la maison : ce qu'il disait avait un contenu très mature et une forme un peu enfantin, et si je reproduisais son discours mot à mot dans un roman, ça risquerait de paraître artificiel aux yeux de nombreux lecteurs... Pourtant, le jeune avait l'air blasé, comme s'il en avait vu d'autres !
Enfin, il y a un passage de ton courriel que je ne sais trop comment interpréter. Quand tu dis :
«Mais quand on prête à un enfant-narrateur la maturité d’expression d’un adulte, avec une plus ou moins grande dose d’innocence pour « faire vrai », on crée un personnage aussi improbable que ces narrateurs qui sont un chien ou un pou. Parce que le lecteur aguerri n’aura jamais rencontré un narrateur de moins de quatorze ans capable de s’exprimer sous forme écrite avec une telle aisance sur autant de sujets. On bascule dans autre chose, dans une forme fantastique.»
Là, je me demande si tu parles de mon roman-nouvelles. En tout cas, je ne vois rien de fantastique dans ce livre -- et mon narrateur n'a évidemment rien d'un chien ou d'un pou ! En ce qui me concerne, des enfants mi-innocents mi-matures comme Jimi, j'en ai rencontré beaucoup, et plusieurs étaient pas mal plus doués que Jimi pour s’exprimer (comme à 275-ALLO). Sûr, un enfant ne parle pas toujours comme Jimi, j'ai en quelque sorte choisi ses meilleurs mots répartis sur six ans. Comme n'importe quel romancier, j'ai sélectionné des scènes significatives et laissé tomber les 90% de banalités qui forment notre quotidien.
Les romanciers ne reproduisent pas le réel, ils l'évoquent...
Enfin, peut-être que j'ai un certain don pour faire ressortir chez l'enfant ce langage mi-naïf mi-mature, parce que je suis moi-même mi-naïf mi-mature !!!
====
Maintenant, en ce qui concerne la façon dont notre discussion pourrait apparaître dans ton blogue, je ne m'y connais pas, c'est pas mon truc, et je te fais parfaitement confiance pour trouver la meilleure manière de mettre notre conversation en pages. Et je ne veux pas signifier qu'elle soit ici terminée, mais il nous faudrait dépasser notre divergence de vision : les narrateurs-enfants dans la littérature adulte, sont-ils rares ou abondants ? Espérons que des commentaires de tes lecteurs pourraient nous amener plus loin.
Je te remercie de me donner l'occasion de présenter mon point de vue à tes lecteurs. Qui sait ?, peut-être que ça peut nous amener sur la voie d'un « bloglitt » comme je l'imaginais dans mon courriel précédent, un blog ou enfin les lecteurs pourraient échanger avec un auteur... Comme auteur, je rêve d'un contact plus soutenu avec des lecteurs participatifs. Et comme lecteur, j'aimerais tellement qu'un écrivain réponde à quelques-unes de mes questions ou observations. C'est un désir que j'ai souvent aperçu chez mes élèves dans des cours de littérature, ils auraient aimé vérifier certaines interprétations risquées ou contradictoires auprès de l'auteur dont on étudiait une oeuvre.
Enfin, autre bienfait de ton blog, peut-être que mon souhait d'un bloglitt «auteur-lecteurs» pourrait trouver échos parmi ton lectorat. À tout hasard, on peut me courrieller ( april@boisfrancs.qc.ca ), et si je reçois un courrier significatif de personnes intéressées, je promets d'établir les contacts pour la suite des choses. Pourvu que ce bloglitt soit ouvert à toutes les tendances littéraires...
Amicalement, ciao !
JPA
P.S. - Tu disais dernièrement que la candeur de l'enfant rendait plus sympathique l'écrivain incompris. Tu étais en train de me convaincre, mais, d'un autre côté, l'enfant critique le père qui est quelque peu négligent à son endroit, surtout lorsque le divorce apparaît. Enfin, des lecteurs qui me connaissent trouvaient que j'étais dur à mon endroit (ou vis-à-vis Guido Aprili) via le regard critique de Jimi... En ce qui me concerne personnellement, comme écrivain, j'ai travaillé consciemment cette ambiguïté, bien sûr ! Dans la littérature pour adultes, les personnages sont rarement tout bons ou tout mauvais. Comme dans «la vraie vie»!
Bonjour Jean-Louis,
je crois qu'on revient à la case départ : même si tu parles de « l’abondance d’enfants-narrateurs parmi les œuvres les plus sacralisées de la littérature québécoise moderne » , il me semble toujours évident que les enfants-narrateurs sont sous-représentés en littérature pour adultes, au Québec comme ailleurs. Les enfants forment jusqu'à 40% de la population de nombreux pays en voie développement, mais ils ne forment pas 1% des narrateurs.
Les rares exemples que tu mentionnes ne sont pas évidents. Ducharme n'a pas de narrateurs-enfants, mais plutôt un adulte qui refuse de vieillir et s'accroche à l'enfance (du moins dans «Les Enfantômes»). Je crois que Trudel n'a qu'un roman pour adultes où le narrateur est un enfant (ou plutôt, dans « Le souffle de l'Harmattan », il me semble que c'est un adulte revoyant son enfance) et, même si j'ai lu 5 ou 6 romans de Poulin, je n'en connais aucun qui ait un narrateur-adulte. (Lequel est-ce?)
Par ailleurs, tu demandais : «Combien de romans par des ingénieurs? des scientifiques? des médecins? des avocats? »
Ils sont rares au Québec, effectivement, mais en général il y a un peu partout des collections spécialisées ou des sous-genres littéraires où on voit par exemple des avocats, ou des médecins et des infirmières, et en SF on voit beaucoup de scientifiques. Ces romans sont sûrement moins nombreux que les romans où apparaissent des policiers, des criminels, des artistes ou des explorateurs, mais que veux-tu, il y a des professions qui ont un potentiel romanesque plus élevé que d'autres. Peu de lecteurs semblent intéressés à se mettre dans la tête d'un personnage d'ingénieur qui travaille, par exemple, mais tout le monde peut se mettre dans la tête d'un enfant : on a tous été enfant, pendant au moins dix ans, lesquels nous ont marqués pour la vie. D'où l'importance fondamentale de l'enfant-narrateur...
S'exprime-t-il d'une façon artificielle ? Bien sûr, comme tous les personnages de toute nature, ils sont un artifice, un produit de l'art. Par exemple, jamais personne n'a entendu dans les rues de Montréal le véritable «joual» littéraire de Michel Tremblay. Personne ne pourrait parler la langue littéraire de Marie-Claire Blais. VLB invente carrément un langage québécois… Jimi aussi a une langue inventée, la sienne. Dans « Mon père a tué la Terre », le narrateur-héros passe de la première année du primaire à la sixième année, il évolue, ses expressions aussi, et dans ces six années, on peut penser que l'enfant a donné des milliers de phrases «accidentellement poétiques» (ou mi-sérieuses, mi-candides); il est normal que le romancier en retienne quelques-unes, et qu'il oublie largement les phrases quelconques du parler-bébé.
Par ailleurs, en tant qu'écrivain de SF, j'ai déjà passé une demi-journée dans une classe du primaire, et des phrases «accidentellement poétiques», j'en ai entendu de toutes les couleurs. L'institutrice était un peu étonnée de voir ses élèves aussi «songés» et «flyés», mais c'est que je les provoquais, je les excitais, je rigolais, je n'avais pas une matière obligatoire à faire passer, pas d'examens !, et je les entraînais sur mon terrain, la spéculation ludique, comme le fait le père de Jimi avec son fiston, et comme je l'ai fait souvent avec mon jeune fils. Et je dois avouer que les enfants sont bien meilleurs que la majorité des adultes lorsque vient le moment de spéculer !
( Et il y a bien d'autres aspects ou registres du langage-enfant que je n'ai pas explorés. Aujourd'hui, au primaire, les agressions verbales, les grossièretés et les vulgarités sont monnaie courante, multipliées par la cyber-intimidation. L'argot-enfant est ausssi très riche, et les mots-valises «nouvelle tendance», etc. Voilà un riche champ d'exploration pour des écrivains...)
Si tu n'as pas l'occasion d'être en contact avec le langage imagé et surprenant des enfants, écoute «275-ALLO» à la radio de Radio-Canada, et tu verras aussi que les jeunes d'aujourd'hui sont pas mal plus évolués qu'on l'était à leur âge. Plusieurs ont même des réflexions adultes qui vont bien au-delà de la prise de conscience de mon jeune Jimi. Les réflexions, oui, mais le langage demeure inégal, il n'est pas suffisamment maîtrisé, et il y a encore de la place pour la poésie et les jeux de mots inhérents à l'enfance. La langue de bois viendra bien assez vite !
J'ai dernièrement entendu un élève du primaire qui parlait à un copain de la relation problématique de son père avec sa nouvelle amoureuse récemment installée à la maison : ce qu'il disait avait un contenu très mature et une forme un peu enfantin, et si je reproduisais son discours mot à mot dans un roman, ça risquerait de paraître artificiel aux yeux de nombreux lecteurs... Pourtant, le jeune avait l'air blasé, comme s'il en avait vu d'autres !
Enfin, il y a un passage de ton courriel que je ne sais trop comment interpréter. Quand tu dis :
«Mais quand on prête à un enfant-narrateur la maturité d’expression d’un adulte, avec une plus ou moins grande dose d’innocence pour « faire vrai », on crée un personnage aussi improbable que ces narrateurs qui sont un chien ou un pou. Parce que le lecteur aguerri n’aura jamais rencontré un narrateur de moins de quatorze ans capable de s’exprimer sous forme écrite avec une telle aisance sur autant de sujets. On bascule dans autre chose, dans une forme fantastique.»
Là, je me demande si tu parles de mon roman-nouvelles. En tout cas, je ne vois rien de fantastique dans ce livre -- et mon narrateur n'a évidemment rien d'un chien ou d'un pou ! En ce qui me concerne, des enfants mi-innocents mi-matures comme Jimi, j'en ai rencontré beaucoup, et plusieurs étaient pas mal plus doués que Jimi pour s’exprimer (comme à 275-ALLO). Sûr, un enfant ne parle pas toujours comme Jimi, j'ai en quelque sorte choisi ses meilleurs mots répartis sur six ans. Comme n'importe quel romancier, j'ai sélectionné des scènes significatives et laissé tomber les 90% de banalités qui forment notre quotidien.
Les romanciers ne reproduisent pas le réel, ils l'évoquent...
Enfin, peut-être que j'ai un certain don pour faire ressortir chez l'enfant ce langage mi-naïf mi-mature, parce que je suis moi-même mi-naïf mi-mature !!!
====
Maintenant, en ce qui concerne la façon dont notre discussion pourrait apparaître dans ton blogue, je ne m'y connais pas, c'est pas mon truc, et je te fais parfaitement confiance pour trouver la meilleure manière de mettre notre conversation en pages. Et je ne veux pas signifier qu'elle soit ici terminée, mais il nous faudrait dépasser notre divergence de vision : les narrateurs-enfants dans la littérature adulte, sont-ils rares ou abondants ? Espérons que des commentaires de tes lecteurs pourraient nous amener plus loin.
Je te remercie de me donner l'occasion de présenter mon point de vue à tes lecteurs. Qui sait ?, peut-être que ça peut nous amener sur la voie d'un « bloglitt » comme je l'imaginais dans mon courriel précédent, un blog ou enfin les lecteurs pourraient échanger avec un auteur... Comme auteur, je rêve d'un contact plus soutenu avec des lecteurs participatifs. Et comme lecteur, j'aimerais tellement qu'un écrivain réponde à quelques-unes de mes questions ou observations. C'est un désir que j'ai souvent aperçu chez mes élèves dans des cours de littérature, ils auraient aimé vérifier certaines interprétations risquées ou contradictoires auprès de l'auteur dont on étudiait une oeuvre.
Enfin, autre bienfait de ton blog, peut-être que mon souhait d'un bloglitt «auteur-lecteurs» pourrait trouver échos parmi ton lectorat. À tout hasard, on peut me courrieller ( april@boisfrancs.qc.ca ), et si je reçois un courrier significatif de personnes intéressées, je promets d'établir les contacts pour la suite des choses. Pourvu que ce bloglitt soit ouvert à toutes les tendances littéraires...
Amicalement, ciao !
JPA
P.S. - Tu disais dernièrement que la candeur de l'enfant rendait plus sympathique l'écrivain incompris. Tu étais en train de me convaincre, mais, d'un autre côté, l'enfant critique le père qui est quelque peu négligent à son endroit, surtout lorsque le divorce apparaît. Enfin, des lecteurs qui me connaissent trouvaient que j'étais dur à mon endroit (ou vis-à-vis Guido Aprili) via le regard critique de Jimi... En ce qui me concerne personnellement, comme écrivain, j'ai travaillé consciemment cette ambiguïté, bien sûr ! Dans la littérature pour adultes, les personnages sont rarement tout bons ou tout mauvais. Comme dans «la vraie vie»!
Salut,
> je crois qu'on revient à la case départ : même si tu parles
> de «l'abondance d'enfants-narrateurs parmi les oeuvres les plus
> sacralisées de la littérature québécoise moderne » , il me semble
> toujours évident que les enfants-narrateurs sont sous-représentés
> en littérature pour adultes. Les enfants forment jusqu'à 40% de la
> population de nombreux pays en voie
> développement, mais ils ne forment pas 1% des narrateurs.
Oui, mais nous sommes au Canada et les moins de 20 ans représentent moins de 24% de la population. Les "enfants" (les moins de 15 ans, disons) représentent actuellement 17% de la population canadienne (et sans doute moins au Québec proprement dit). Les moins de 10 ans sont environ 10% de la population canadienne.
Si on tient compte de la masse de la littérature jeunesse, on doit pouvoir hausser le taux d'enfants-narrateurs à la première personne (si c'est bien de cela dont on parle) aux alentours de 5-10% pour
l'ensemble de la littérature québécoise en français, du moins pour les moins de 15 ans. (Là, je devine.)
> Les rares exemples que tu mentionnes ne sont pas évidents.
> Ducharme n'a pas de narateurs-enfants, mais plutôt un adulte qui
> refuse de vieillir et s'accroche à l'enfance (du moins dans «Les
> Enfantômes»).
Je te cite L'Avalée des avalées (p. 17) : "J'ai neuf ans." Donc, au début du roman, nous avons le point de vue à la première personne d'une enfant, Bérénice, qui parle au présent. Elle n'a pas neuf ans jusqu'au bout, mais c'est elle qui porte une bonne partie du livre avant de devenir adolescente, puis jeune adulte.
> Je crois que Trudel n'a qu'un roman pour adultes où le narrateur est
> un enfant (ou plutôt, dans « Le souffle de l'Harmattan »,c'est un adulte
> revoyant son enfance) et, même
Pour Le Souffle de l'harmattan, je te fais confiance, car je ne l'ai pas lu depuis longtemps et je ne l'ai pas sous la main. Il me semblait, pourtant... Pour Poulin, je pensais à Jimmy. Notons aussi qu'on a par moments un narrateur-bébé (!) dans Une saison dans la vie d'Emmanuel de Marie-Claire Blais. (Ajoutons aussi à la liste C'est pas moi, je le jure! de Bruno Hébert et, à la limite de l'adolescence,
La petite fille qui aimait trop les allumettes de Soucy.)
> Par ailleurs, tu demandais : «Combien de romans par des ingénieurs?
> des scientifiques? des médecins? des avocats? » Ils sont rares
> aux Québec, effectivement, mais en général il y a un peu
> partout des collections spécialisées où on voit par
> exemple des avocats, ou des médecins et des infirmière,
> et en SF on voit beaucoup de scientifiques.
Au Québec? Cela me semble rare. Moi-même, je n'en ai pas beaucoup, en partie pour les raisons romanesques que tu identifies ci-dessous. Chez moi, le contenu scientifique passe autrement. La science n'y est pas seulement le fait des scientifiques!
> Ces romans sont sûrement moins nombreux que les romans où
> on voit des policiers, des criminels, des artistes ou des
> explorateurs, mais que veux-tu, il y a des professions qui ont un
> potentiel romanesque plus élevé que d'autres. Il y a peu de lecteurs
> intéressés à se mettre dans la tête d'un personnage d'ingénieur qui
> travaille, par exemple, mais tout le monde
> peut se mettre dans la tête d'un enfant : on a tous
> été enfant, pendant au moins dix ans, lesquels nous ont marqués pour
> la vie. D'où l'importance fondamentale de l'enfant-narrateur...
Est-ce que l'enfance est si universelle que cela? Il y a des enfances heureuses et malheureuses, prolongées ou précoces, vite finies ou non, etc.
> S'exprime-t-il d'une façon artificielle ? Bien sûr, comme tous les
> personnages de toute nature, ils sont un artifice, un produit de
> l'art. Par exemple, jamais personne n'a entendu dans les rues de
> Montréal le «joual» littéraire de Michel Tremblay.
Oui, mais Michel Tremblay est, lui, un adulte qui manie cette langue. L'existence de cette langue sur la page, couchée par une plume adulte, prouve ipso facto qu'elle peut être maniée par au moins une personne adulte. Du coup, si un adulte peut s'exprimer ainsi, le lecteur peut accepter que d'autres adultes, ne serait-ce que dans une seule et unique cuisine du Plateau, puissent s'exprimer ainsi.
En revanche, la langue faussement candide (souvent riche d'ironie et de sous-entendus) des enfants-narrateurs ne ressemble en rien à celle des véritables enfants. Le jour où on me montrera ne serait-ce qu'un seul enfant capable de s'exprimer ainsi sur plusieurs pages d'affilée, je pourrai admettre cette langue dans un ouvrage romanesque.
C'est une différence ontologique.
> Jimi aussi a une langue inventée, la sienne. Dans «Mon père a
> tué la Terre», le narrateur-héros passe de la première année du
> primaire à la sixième année, il évolue, ses expressions aussi, et dans
> ces six années, on peut penser que l'enfant a donné des milliers de
> phrases «accidentellement poétiques» (ou
> mi-sérieuses, mi-candides); il est normal que le romancier
> en retienne quelques-unes, et qu'il oublie largement les phrases
> quelconques du parler-bébé.
Tu me convaincs presque, mais il reste que la vision de l'événementiel dans les textes signés par des jeunes est souvent radicalement différente de ce qu'on retrouve sous la plume d'un auteur aguerri, même quand il essaie de retrouver cette expérience différente de la temporalité qui est propre à l'enfance. C'est là que le bât blesse, pas seulement dans l'art de signer une phrase bien faite ou une pensée soudain pénétrante.
> En tant qu'écrivain de SF, j'ai déjà passé une demi-journée dans une
> classe du primaire, et des phrases «accidentellement
> poétiques», j'en ai entendu de toutes les couleurs. L'institutrice
> était un peu étonnée de voir ses élèves aussi «songés» et «flyés»,
> mais c'est que je les provoquais, je les excitais, je rigolais, je
> n'avais pas une matière obligatoire à faire
> passer, pas d'examens !, et je les entraînais sur mon
> terrain, la spéculation ludique, comme le fait le père de Jimi avec
> lui, et comme je l'ai fait très souvent avec mon jeune fils. Et je
> dois avouer que les enfants sont bien meilleurs que la majorité des
> adultes lorsque vient le moment de spéculer !
J'ai fait quelques visites d'école et j'ai constaté qu'effectivement, quand les conditions s'y prêtent, les jeunes débordent d'idées. Savoir si elles sont toutes originales, c'est autre chose.
> ( Et il y a bien d'autres aspects ou registres du langage-enfant que
> je n'ai pas explorés. Aujourd'hui, au primaire, les agressions
> verbales, les grossièretés et les vulgarités sont monnaie courante,
Elles ne l'étaient pas quand tu étais au primaire? Heureux homme!
> comme la violence physique. L'argot-enfant est ausssi très riche.
> Et les mots-valises «nouvelle tendance», etc. Voilà un riche champ
> d'exploration pour des écrivains...)
>
> Si tu n'as pas l'occasion d'être en contact avec le langage imagé et
> surprenant des enfants, écoute «275-ALLO» à la radio de Radio-Canada,
> et tu verras aussi que les jeunes d'aujourd'hui sont pas mal plus
> évolués qu'on l'était à leur âge.
J'écoute assez souvent en tant qu'écrivain pour jeunes, ou j'écoutais, devrais-je dire, puisque je me détache un peu de l'écriture pour jeunes. Parfois, oui, je l'avoue, j'avais clairement l'impression de sous-estimer mes lecteurs...
Sauf qu'il faut se rappeler que l'échantillon d'une telle émission n'est pas choisi au hasard. Tout d'abord, il faut que ce soit des foyers où on écoute Radio-Canada, ce qui établit tout de suite, ceteris paribus, un certain niveau familial. Il faut ensuite que la famille ou l'enfant ait suffisamment de confiance et d'assurance pour appeler parce qu'ils trouvent que le jeune a quelque chose à dire, a les mots pour le faire et ne figera pas le moment venu. Enfin, il faut que les producteurs de l'émission retiennent tel ou tel appel comme étant digne de passer à l'antenne.
Cela fait beaucoup de filtres et les jeunes au final ne sont pas nécessairement très représentatifs de leur classe d'âge. La rumeur veut d'ailleurs que les réalisateurs resteraient beaucoup dans les cercles d'amis et d'amis de leurs amis, etc. Quoi qu'il en soit, si on écoute l'émission assidûment, on remarque qu'il y a des habitués qui reviennent plus d'une fois et je crois avoir entendu au moins une fois ou deux des jeunes qui laissaient couler qu'ils connaissaient personnellement l'animatrice...
> Enfin, il y a un passage de ton courriel que je ne sais
> trop comment
> interpréter. Quand tu dis :
> «Mais quand on prête à un enfant-narrateur la
> maturité d'expression d'un adulte, avec une plus ou moins
> grande dose d'innocence pour « faire vrai », on crée un personnage
> aussi improbable que ces narrateurs qui sont un chien (*) ou un
(*) allusion à un texte de Kipling
> pou (**). Parce que le lecteur aguerri n'aura
(**) allusion à un texte de Lautréamont, si ma mémoire est fidèle
> jamais rencontré un narrateur de moins de quatorze ans capable de
> s'exprimer sous forme écrite avec une telle aisance sur autant de
> sujets. On bascule
> dans autre chose, dans une forme fantastique.»
> Là, je me demande si tu parles de mon roman-nouvelle.
Je parlais en général et sans doute que je pensais un peu à un texte comme le roman de Blais dont l'ambiance, même sans monstres ou créatures surnaturelles, est fantastique. (Idem pour Le Souffle de l'harmattan et L'Avalée des avalées.) La prise de parole par des personnages dont on n'attend pas l'intervention contribue certainement à cette ambiance.
Dans le cas de ton roman-nouvelle, le texte bascule pour moi quand l'écrivain Guido et son fils entament un dialogue qui mènent trop rapidement à l'inclusion de textes que j'avais déjà lus ailleurs. Comme lecteur, j'étais dans une position inconfortable puisque je savais qu'il s'agissait de pièces rapportées de l'auteur-April et non de textes issus de la plume du personnage-Aprili. Le problème de trop bien connaître ton oeuvre antérieure... Si je ne la connaissais pas, j'aurais peut-être réagi différemment... Bref, la main de l'auteur était trop visible. L'était-elle aussi dans le choix de commencer par la relation du 11 septembre? Là, je suis moins sûr, mais il nous faudra un peu plus de recul pour juger de l'importance de l'événement dans la tête des prochaines générations. Une fois que l'importance d'un événement, personne ne se plaint si un jeune narrateur commence par rappeler, mettons, le début de la Seconde Guerre mondiale.
Néanmoins, ta remarque me rappelle un des inconvénients de tout dialogue suivi entre l'auteur et le critique. Le critique parlera parfois du texte de l'auteur, mais il parlera aussi en général, et l'auteur se sentira parfois visé quand le critique pense à autre chose.
> En tout cas, je ne vois rien de fantastique dans ce livre -- et mon
> narrateur n'a évidemment rien d'un chien ou d'un pou ! En ce qui
> me concerne, des enfants mi-innocents mi-matures comme Jimi, j'en ai
> rencontré beaucoup, et plusieurs étaient pas mal plus doués que Jimi
> (comme à 275-ALLO).
Je crois que tu te sous-estimes. La patte de l'écrivain n'est pas seulement dans les mots que tu places dans la bouche de Jimi, mais dans sa façon de rappeler les événements, et de choisir ceux qui sont significatifs.
> Sûr, un enfant ne parle pas toujours comme Jimi, j'ai en quelque
> sorte choisi ses meilleurs mots répartis sur six ans. Comme
> n'importe quel romancier, j'ai sélectionné
> des scènes significatives et laissé tomber les 90% de
> banalités qui forment notre quotidien. Les romanciers ne
> reproduisent pas le réel, ils l'évoquent... Enfin, peut-être
> que j'ai un certain don pour faire ressortir
> chez l'enfant ce langage mi-naïf mi-mature, parce que
> je suis moi-même mi-naïf mi-mature !!!
>
> ====
>
> C'est un désir que j'ai souvent aperçu chez mes
> élèves dans des cours de littérature, ils auraient aimé
> vérifier certaines
> interprétations risquées ou contradictoires auprès de
> l'auteur qu'on étudiait.
Parfois, l'auteur ne répondra pas autre chose que Walt Whitman :
" Do I contradict myself?
Very well then I contradict myself,
(I am large, I contain multitudes.)"
> Enfin, autre bienfait de ton blog, peut-être que mon souhait d'un
> bloglitt «auteur-lecteurs» pourrait trouver échos parmi ton
> lectorat. À tout hasard, on peut me courrieller
> ( april@boisfrancs.qc.ca ), et si je reçois un
> courrier significatif de personnes intéressées, je
> promets d'établir les contacts pour la suite des choses. Pourvu que
> ce bloglitt soit ouvert à toutes les tendances littéraires...
Tu surestimes sans doute le lectorat de mon blogue, mais, si le dialogue s'engage, j'essaierai de lui donner un certain écho via d'autres listes.
Cordialement,
Jean-Louis
> je crois qu'on revient à la case départ : même si tu parles
> de «l'abondance d'enfants-narrateurs parmi les oeuvres les plus
> sacralisées de la littérature québécoise moderne » , il me semble
> toujours évident que les enfants-narrateurs sont sous-représentés
> en littérature pour adultes. Les enfants forment jusqu'à 40% de la
> population de nombreux pays en voie
> développement, mais ils ne forment pas 1% des narrateurs.
Oui, mais nous sommes au Canada et les moins de 20 ans représentent moins de 24% de la population. Les "enfants" (les moins de 15 ans, disons) représentent actuellement 17% de la population canadienne (et sans doute moins au Québec proprement dit). Les moins de 10 ans sont environ 10% de la population canadienne.
Si on tient compte de la masse de la littérature jeunesse, on doit pouvoir hausser le taux d'enfants-narrateurs à la première personne (si c'est bien de cela dont on parle) aux alentours de 5-10% pour
l'ensemble de la littérature québécoise en français, du moins pour les moins de 15 ans. (Là, je devine.)
> Les rares exemples que tu mentionnes ne sont pas évidents.
> Ducharme n'a pas de narateurs-enfants, mais plutôt un adulte qui
> refuse de vieillir et s'accroche à l'enfance (du moins dans «Les
> Enfantômes»).
Je te cite L'Avalée des avalées (p. 17) : "J'ai neuf ans." Donc, au début du roman, nous avons le point de vue à la première personne d'une enfant, Bérénice, qui parle au présent. Elle n'a pas neuf ans jusqu'au bout, mais c'est elle qui porte une bonne partie du livre avant de devenir adolescente, puis jeune adulte.
> Je crois que Trudel n'a qu'un roman pour adultes où le narrateur est
> un enfant (ou plutôt, dans « Le souffle de l'Harmattan »,c'est un adulte
> revoyant son enfance) et, même
Pour Le Souffle de l'harmattan, je te fais confiance, car je ne l'ai pas lu depuis longtemps et je ne l'ai pas sous la main. Il me semblait, pourtant... Pour Poulin, je pensais à Jimmy. Notons aussi qu'on a par moments un narrateur-bébé (!) dans Une saison dans la vie d'Emmanuel de Marie-Claire Blais. (Ajoutons aussi à la liste C'est pas moi, je le jure! de Bruno Hébert et, à la limite de l'adolescence,
La petite fille qui aimait trop les allumettes de Soucy.)
> Par ailleurs, tu demandais : «Combien de romans par des ingénieurs?
> des scientifiques? des médecins? des avocats? » Ils sont rares
> aux Québec, effectivement, mais en général il y a un peu
> partout des collections spécialisées où on voit par
> exemple des avocats, ou des médecins et des infirmière,
> et en SF on voit beaucoup de scientifiques.
Au Québec? Cela me semble rare. Moi-même, je n'en ai pas beaucoup, en partie pour les raisons romanesques que tu identifies ci-dessous. Chez moi, le contenu scientifique passe autrement. La science n'y est pas seulement le fait des scientifiques!
> Ces romans sont sûrement moins nombreux que les romans où
> on voit des policiers, des criminels, des artistes ou des
> explorateurs, mais que veux-tu, il y a des professions qui ont un
> potentiel romanesque plus élevé que d'autres. Il y a peu de lecteurs
> intéressés à se mettre dans la tête d'un personnage d'ingénieur qui
> travaille, par exemple, mais tout le monde
> peut se mettre dans la tête d'un enfant : on a tous
> été enfant, pendant au moins dix ans, lesquels nous ont marqués pour
> la vie. D'où l'importance fondamentale de l'enfant-narrateur...
Est-ce que l'enfance est si universelle que cela? Il y a des enfances heureuses et malheureuses, prolongées ou précoces, vite finies ou non, etc.
> S'exprime-t-il d'une façon artificielle ? Bien sûr, comme tous les
> personnages de toute nature, ils sont un artifice, un produit de
> l'art. Par exemple, jamais personne n'a entendu dans les rues de
> Montréal le «joual» littéraire de Michel Tremblay.
Oui, mais Michel Tremblay est, lui, un adulte qui manie cette langue. L'existence de cette langue sur la page, couchée par une plume adulte, prouve ipso facto qu'elle peut être maniée par au moins une personne adulte. Du coup, si un adulte peut s'exprimer ainsi, le lecteur peut accepter que d'autres adultes, ne serait-ce que dans une seule et unique cuisine du Plateau, puissent s'exprimer ainsi.
En revanche, la langue faussement candide (souvent riche d'ironie et de sous-entendus) des enfants-narrateurs ne ressemble en rien à celle des véritables enfants. Le jour où on me montrera ne serait-ce qu'un seul enfant capable de s'exprimer ainsi sur plusieurs pages d'affilée, je pourrai admettre cette langue dans un ouvrage romanesque.
C'est une différence ontologique.
> Jimi aussi a une langue inventée, la sienne. Dans «Mon père a
> tué la Terre», le narrateur-héros passe de la première année du
> primaire à la sixième année, il évolue, ses expressions aussi, et dans
> ces six années, on peut penser que l'enfant a donné des milliers de
> phrases «accidentellement poétiques» (ou
> mi-sérieuses, mi-candides); il est normal que le romancier
> en retienne quelques-unes, et qu'il oublie largement les phrases
> quelconques du parler-bébé.
Tu me convaincs presque, mais il reste que la vision de l'événementiel dans les textes signés par des jeunes est souvent radicalement différente de ce qu'on retrouve sous la plume d'un auteur aguerri, même quand il essaie de retrouver cette expérience différente de la temporalité qui est propre à l'enfance. C'est là que le bât blesse, pas seulement dans l'art de signer une phrase bien faite ou une pensée soudain pénétrante.
> En tant qu'écrivain de SF, j'ai déjà passé une demi-journée dans une
> classe du primaire, et des phrases «accidentellement
> poétiques», j'en ai entendu de toutes les couleurs. L'institutrice
> était un peu étonnée de voir ses élèves aussi «songés» et «flyés»,
> mais c'est que je les provoquais, je les excitais, je rigolais, je
> n'avais pas une matière obligatoire à faire
> passer, pas d'examens !, et je les entraînais sur mon
> terrain, la spéculation ludique, comme le fait le père de Jimi avec
> lui, et comme je l'ai fait très souvent avec mon jeune fils. Et je
> dois avouer que les enfants sont bien meilleurs que la majorité des
> adultes lorsque vient le moment de spéculer !
J'ai fait quelques visites d'école et j'ai constaté qu'effectivement, quand les conditions s'y prêtent, les jeunes débordent d'idées. Savoir si elles sont toutes originales, c'est autre chose.
> ( Et il y a bien d'autres aspects ou registres du langage-enfant que
> je n'ai pas explorés. Aujourd'hui, au primaire, les agressions
> verbales, les grossièretés et les vulgarités sont monnaie courante,
Elles ne l'étaient pas quand tu étais au primaire? Heureux homme!
> comme la violence physique. L'argot-enfant est ausssi très riche.
> Et les mots-valises «nouvelle tendance», etc. Voilà un riche champ
> d'exploration pour des écrivains...)
>
> Si tu n'as pas l'occasion d'être en contact avec le langage imagé et
> surprenant des enfants, écoute «275-ALLO» à la radio de Radio-Canada,
> et tu verras aussi que les jeunes d'aujourd'hui sont pas mal plus
> évolués qu'on l'était à leur âge.
J'écoute assez souvent en tant qu'écrivain pour jeunes, ou j'écoutais, devrais-je dire, puisque je me détache un peu de l'écriture pour jeunes. Parfois, oui, je l'avoue, j'avais clairement l'impression de sous-estimer mes lecteurs...
Sauf qu'il faut se rappeler que l'échantillon d'une telle émission n'est pas choisi au hasard. Tout d'abord, il faut que ce soit des foyers où on écoute Radio-Canada, ce qui établit tout de suite, ceteris paribus, un certain niveau familial. Il faut ensuite que la famille ou l'enfant ait suffisamment de confiance et d'assurance pour appeler parce qu'ils trouvent que le jeune a quelque chose à dire, a les mots pour le faire et ne figera pas le moment venu. Enfin, il faut que les producteurs de l'émission retiennent tel ou tel appel comme étant digne de passer à l'antenne.
Cela fait beaucoup de filtres et les jeunes au final ne sont pas nécessairement très représentatifs de leur classe d'âge. La rumeur veut d'ailleurs que les réalisateurs resteraient beaucoup dans les cercles d'amis et d'amis de leurs amis, etc. Quoi qu'il en soit, si on écoute l'émission assidûment, on remarque qu'il y a des habitués qui reviennent plus d'une fois et je crois avoir entendu au moins une fois ou deux des jeunes qui laissaient couler qu'ils connaissaient personnellement l'animatrice...
> Enfin, il y a un passage de ton courriel que je ne sais
> trop comment
> interpréter. Quand tu dis :
> «Mais quand on prête à un enfant-narrateur la
> maturité d'expression d'un adulte, avec une plus ou moins
> grande dose d'innocence pour « faire vrai », on crée un personnage
> aussi improbable que ces narrateurs qui sont un chien (*) ou un
(*) allusion à un texte de Kipling
> pou (**). Parce que le lecteur aguerri n'aura
(**) allusion à un texte de Lautréamont, si ma mémoire est fidèle
> jamais rencontré un narrateur de moins de quatorze ans capable de
> s'exprimer sous forme écrite avec une telle aisance sur autant de
> sujets. On bascule
> dans autre chose, dans une forme fantastique.»
> Là, je me demande si tu parles de mon roman-nouvelle.
Je parlais en général et sans doute que je pensais un peu à un texte comme le roman de Blais dont l'ambiance, même sans monstres ou créatures surnaturelles, est fantastique. (Idem pour Le Souffle de l'harmattan et L'Avalée des avalées.) La prise de parole par des personnages dont on n'attend pas l'intervention contribue certainement à cette ambiance.
Dans le cas de ton roman-nouvelle, le texte bascule pour moi quand l'écrivain Guido et son fils entament un dialogue qui mènent trop rapidement à l'inclusion de textes que j'avais déjà lus ailleurs. Comme lecteur, j'étais dans une position inconfortable puisque je savais qu'il s'agissait de pièces rapportées de l'auteur-April et non de textes issus de la plume du personnage-Aprili. Le problème de trop bien connaître ton oeuvre antérieure... Si je ne la connaissais pas, j'aurais peut-être réagi différemment... Bref, la main de l'auteur était trop visible. L'était-elle aussi dans le choix de commencer par la relation du 11 septembre? Là, je suis moins sûr, mais il nous faudra un peu plus de recul pour juger de l'importance de l'événement dans la tête des prochaines générations. Une fois que l'importance d'un événement, personne ne se plaint si un jeune narrateur commence par rappeler, mettons, le début de la Seconde Guerre mondiale.
Néanmoins, ta remarque me rappelle un des inconvénients de tout dialogue suivi entre l'auteur et le critique. Le critique parlera parfois du texte de l'auteur, mais il parlera aussi en général, et l'auteur se sentira parfois visé quand le critique pense à autre chose.
> En tout cas, je ne vois rien de fantastique dans ce livre -- et mon
> narrateur n'a évidemment rien d'un chien ou d'un pou ! En ce qui
> me concerne, des enfants mi-innocents mi-matures comme Jimi, j'en ai
> rencontré beaucoup, et plusieurs étaient pas mal plus doués que Jimi
> (comme à 275-ALLO).
Je crois que tu te sous-estimes. La patte de l'écrivain n'est pas seulement dans les mots que tu places dans la bouche de Jimi, mais dans sa façon de rappeler les événements, et de choisir ceux qui sont significatifs.
> Sûr, un enfant ne parle pas toujours comme Jimi, j'ai en quelque
> sorte choisi ses meilleurs mots répartis sur six ans. Comme
> n'importe quel romancier, j'ai sélectionné
> des scènes significatives et laissé tomber les 90% de
> banalités qui forment notre quotidien. Les romanciers ne
> reproduisent pas le réel, ils l'évoquent... Enfin, peut-être
> que j'ai un certain don pour faire ressortir
> chez l'enfant ce langage mi-naïf mi-mature, parce que
> je suis moi-même mi-naïf mi-mature !!!
>
> ====
>
> C'est un désir que j'ai souvent aperçu chez mes
> élèves dans des cours de littérature, ils auraient aimé
> vérifier certaines
> interprétations risquées ou contradictoires auprès de
> l'auteur qu'on étudiait.
Parfois, l'auteur ne répondra pas autre chose que Walt Whitman :
" Do I contradict myself?
Very well then I contradict myself,
(I am large, I contain multitudes.)"
> Enfin, autre bienfait de ton blog, peut-être que mon souhait d'un
> bloglitt «auteur-lecteurs» pourrait trouver échos parmi ton
> lectorat. À tout hasard, on peut me courrieller
> ( april@boisfrancs.qc.ca ), et si je reçois un
> courrier significatif de personnes intéressées, je
> promets d'établir les contacts pour la suite des choses. Pourvu que
> ce bloglitt soit ouvert à toutes les tendances littéraires...
Tu surestimes sans doute le lectorat de mon blogue, mais, si le dialogue s'engage, j'essaierai de lui donner un certain écho via d'autres listes.
Cordialement,
Jean-Louis
« 0,3 % ! »
Salut Jean-Louis,
Depuis le début, je parle de littérature pour adultes. J’ai évoqué une fois la litt-jeunesse pour signifier que je ne la connaissais pas, mais j’imagine facilement que de toute évidence à peu près tous les narrateurs-je de la litt-jeunesse sont des enfants, quoi de plus «normal»? (Quoique…)
Et je ne vois pas trop pourquoi il faudrait s’en tenir à la seule population vieillissante du Québec, qui serait bien peu pourvue d’enfants s’il n’y avait pas les familles plus nombreuses de certains immigrants.
Tes 5 ou 6 exemples de romans québécois ne me paraissent pas très probants. Par exemple, dans «L’Avalée des avalées», la narratrice n’est enfant que dans une partie du roman. Par ailleurs, ce roman est sorti il y a quarante ans, et, à raison de disons 150 romans québécois pour adultes par année (mais sans doute plus ces dernières années), on aurait depuis lors une production de 6,000 romans, et admettons qu’en grattant un peu on pourrait trouver une vingtaine de romans pour adultes avec un narrateur-je enfant, ces romans correspondraient donc à 20/6000 de la production globale pour adultes, soit 0,3%. C’est ce que j’appelle une sacrée rareté.
Par ailleurs, tu dis «la langue faussement candide (souvent riche d'ironie et de sous-entendus) des enfants-narrateurs ne ressemble en rien à celle des véritables enfants ». En bonne partie d’accord, cette langue n’est pas identique à celle des enfants, mais elle l’évoque (et j’imagine que la langue conventionnelle des enfants standard de la litt-jeunesse évoque elle aussi le langage des jeunes, mais d’une autre façon. Rien de plus normal, les romans ne sont jamais une reproduction identique du réel, même dans la littérature la plus réaliste. Pourquoi refuser à un écrivain pour adultes la liberté ou la fantaisie de recréer une langue d’enfant qui soit plus vraie que la vraie ?
En littérature, très souvent, on doit inventer pour révéler une vérité. C’est un des plaisirs de la littérature, et je ne m’en priverai jamais, à plus forte raison quand le narrateur est un enfant qui aime s’amuser avec la langue qu’il découvre chaque jour, et peu importe que cette langue, forcément littéraire, soit plus ou moins fidèle au réel…
= = =
J’ai beaucoup hésité à participer à ton blog, te confierais-je, parce que ce type de discussion auteur-critique (ou auteur-lecteur) risque d’apparaître comme un corps étranger dans ton blog. Enfin, je considère que c’est une expérience pour évaluer l’intérêt d’un possible bloglitt auteur-lecteurs tel que je te le mentionnais auparavant, et je t’en remercie.
Salutations cordiales,
jpa
Pour ma part, j’ai tenté de rapprocher SF et Mainstream dans mon «roman-nouvelles», et je me rends compte que certains lecteurs spécialisés n’apprécient dans mon livre que la seule des deux composantes à laquelle ils sont habitués… C’est souvent ce qui arrive quand on veut rapprocher des éléments opposés. Mais ce n’est ce qui va m’empêcher d’explorer la richesse extrême de l’oxymore. (À mon sens, l’humanité à deux choix : l’oxymore, ou la guerre ! )
Et merci aussi pour tes infos sur 275-ALLO : je ne croyais pas avoir affaire à un quasi-spécialiste de l’émission ! Ce qui me fait penser que, même dans une émission où les jeunes s’expriment d’eux-mêmes, même là, leur langage est plus ou moins représentatif du réel, et on sélectionne ou oriente certaines interventions ! C’est à croire que tout média, la radio comme le roman, modifie la réalité qu’il voudrait évoquer ! En tout cas, je le crois.
Avant de t’envoyer les lignes qui précèdent, j’ai relu notre correspondance, en sentant le besoin de compléter certains points de vue et d’en arriver à une conclusion (sûrement partielle…).
Je remarque d’abord que les statistiques qui précèdent (le 0,3%) sont fort discutables, l’impact des œuvres ne se mesurant pas à leur seule quantité, bien sûr, et en considérant qu’un seul roman comme «L’Avalée des avalées » a sans doute plus de poids qu’une centaine de romans «conventionnels» écrits au «il» ou au «je» adulte… Mon désir de mesurer le phénomène et le jeu de la discussion ont dû m’amener un peu trop loin. Tout de même, ces chiffres sont peut-être éloquents à leur façon : il s’agit de les faire parler, et les interprétations pourront varier.
Salut Jean-Louis,
Depuis le début, je parle de littérature pour adultes. J’ai évoqué une fois la litt-jeunesse pour signifier que je ne la connaissais pas, mais j’imagine facilement que de toute évidence à peu près tous les narrateurs-je de la litt-jeunesse sont des enfants, quoi de plus «normal»? (Quoique…)
Et je ne vois pas trop pourquoi il faudrait s’en tenir à la seule population vieillissante du Québec, qui serait bien peu pourvue d’enfants s’il n’y avait pas les familles plus nombreuses de certains immigrants.
Tes 5 ou 6 exemples de romans québécois ne me paraissent pas très probants. Par exemple, dans «L’Avalée des avalées», la narratrice n’est enfant que dans une partie du roman. Par ailleurs, ce roman est sorti il y a quarante ans, et, à raison de disons 150 romans québécois pour adultes par année (mais sans doute plus ces dernières années), on aurait depuis lors une production de 6,000 romans, et admettons qu’en grattant un peu on pourrait trouver une vingtaine de romans pour adultes avec un narrateur-je enfant, ces romans correspondraient donc à 20/6000 de la production globale pour adultes, soit 0,3%. C’est ce que j’appelle une sacrée rareté.
Par ailleurs, tu dis «la langue faussement candide (souvent riche d'ironie et de sous-entendus) des enfants-narrateurs ne ressemble en rien à celle des véritables enfants ». En bonne partie d’accord, cette langue n’est pas identique à celle des enfants, mais elle l’évoque (et j’imagine que la langue conventionnelle des enfants standard de la litt-jeunesse évoque elle aussi le langage des jeunes, mais d’une autre façon. Rien de plus normal, les romans ne sont jamais une reproduction identique du réel, même dans la littérature la plus réaliste. Pourquoi refuser à un écrivain pour adultes la liberté ou la fantaisie de recréer une langue d’enfant qui soit plus vraie que la vraie ?
En littérature, très souvent, on doit inventer pour révéler une vérité. C’est un des plaisirs de la littérature, et je ne m’en priverai jamais, à plus forte raison quand le narrateur est un enfant qui aime s’amuser avec la langue qu’il découvre chaque jour, et peu importe que cette langue, forcément littéraire, soit plus ou moins fidèle au réel…
= = =
J’ai beaucoup hésité à participer à ton blog, te confierais-je, parce que ce type de discussion auteur-critique (ou auteur-lecteur) risque d’apparaître comme un corps étranger dans ton blog. Enfin, je considère que c’est une expérience pour évaluer l’intérêt d’un possible bloglitt auteur-lecteurs tel que je te le mentionnais auparavant, et je t’en remercie.
Salutations cordiales,
jpa
Pour ma part, j’ai tenté de rapprocher SF et Mainstream dans mon «roman-nouvelles», et je me rends compte que certains lecteurs spécialisés n’apprécient dans mon livre que la seule des deux composantes à laquelle ils sont habitués… C’est souvent ce qui arrive quand on veut rapprocher des éléments opposés. Mais ce n’est ce qui va m’empêcher d’explorer la richesse extrême de l’oxymore. (À mon sens, l’humanité à deux choix : l’oxymore, ou la guerre ! )
Et merci aussi pour tes infos sur 275-ALLO : je ne croyais pas avoir affaire à un quasi-spécialiste de l’émission ! Ce qui me fait penser que, même dans une émission où les jeunes s’expriment d’eux-mêmes, même là, leur langage est plus ou moins représentatif du réel, et on sélectionne ou oriente certaines interventions ! C’est à croire que tout média, la radio comme le roman, modifie la réalité qu’il voudrait évoquer ! En tout cas, je le crois.
Avant de t’envoyer les lignes qui précèdent, j’ai relu notre correspondance, en sentant le besoin de compléter certains points de vue et d’en arriver à une conclusion (sûrement partielle…).
Je remarque d’abord que les statistiques qui précèdent (le 0,3%) sont fort discutables, l’impact des œuvres ne se mesurant pas à leur seule quantité, bien sûr, et en considérant qu’un seul roman comme «L’Avalée des avalées » a sans doute plus de poids qu’une centaine de romans «conventionnels» écrits au «il» ou au «je» adulte… Mon désir de mesurer le phénomène et le jeu de la discussion ont dû m’amener un peu trop loin. Tout de même, ces chiffres sont peut-être éloquents à leur façon : il s’agit de les faire parler, et les interprétations pourront varier.
[suite]
À propos des narrateurs-enfants, en faisant une petite recherche sur Google, j’ai déniché des résumés du colloque 2004 de l’ACFAS portant sur ce type de narration. Même si le champ d’étude est restreint à la seule litt-jeunesse, ce peut être très éclairant, particulièrement ce concept d’enfant-lecteur qui convient particulièrement à Jimi. Ces résumés apparaissent dans un « Supplément Internet de Lurelu, mai 2004 » dont j’ai malheureusement oublié de noter l’adresse électronique, mais j’avais tout de même copié-collé quelques comptes rendus pertinents, reproduits ci-bas.
À propos du 11 septembre, thème central du premier chapitre-nouvelle de mon roman-nouvelles, il y aurait beaucoup à dire. Peut-être dans une autre discussion, si le cœur t’en dit ?… Pour le moment, je m’en tiendrai à ceci : je viens de découvrir un autre narrateur-enfant qui réagit au 11 septembre, cette fois dans un roman américain ayant connu un succès retentissant en anglophonie et qui semble connaître un certain impact en francophonie, dans sa récente traduction : Extrêmement fort et incroyablement près, de Jonathan Safran Foer. Mais je crains que tu ne sois agacé (ou irrité?) par son narrateur, un enfant naïf et d’une intelligence exceptionnelle, de toute évidence excessivement romanesque. Figure-toi que ce petit Oskar, 9 ans, est végétalien, francophile, pacifiste, fasciné par Stephen Hawking, collectionneur polyvalent de souvenirs sur les Beatles jusqu’aux pierres semi-précieuses, et que dans ses loisirs il élabore des inventions pour le moins saugrenues !
Et pourtant, si on lit la vingtaine de critiques des principaux journaux ou revues anglophones qui ont parlé de ce roman, rares sont ceux qui voient un problème dans ce type de narrateur plus ou moins artificiel. (voir le merveilleux site metacritic.com qui réunit toutes ces critiques à partir desquelles on donne une note globale, en l’occurrence pour le roman de Foer : 8/10 : http://www.metacritic.com/books/authors .
Je ne suis pas surpris que les critiques en général, franco- ou anglophones, ne voient pas de problème dans la composition de ce personnage : des génies, ça existe aussi chez les enfants… Nous avons tous une enfance en commun, disais-je, mais elle varie beaucoup, disais-tu, et je suis bien d’accord : s’il y a beaucoup d’adultes qui se comportent en enfant, il y a aussi des enfants qui sont plus brillants que des adultes… -- quand ils ne font pas caca dans leur culotte !
Dans toute notre conversation, nous n’avons pas tiré d’exemples d’expressions de Jimi, un peu comme si on parlait en général. Ce serait assez difficile de montrer que Jimi s’exprime ici ou là comme un adulte, tout dépendant du type d’adulte et d’enfant auquel on se réfère, et il ne faut jamais oublier que l’adulte écoutant l’enfant peut saisir dans son langage des subtilités ou des références qui échappent au jeune locuteur lui-même. C’est du moins dans cette optique, parmi d’autres, que j’ai élaboré le langage de Jimi. Mais je serais bien curieux de voir comment réagit un jeune lecteur du secondaire, que j’ai également tâché de viser…
À propos du nom de Jimi, je suis bien amusé de constater qu’un autre jeune narrateur québécois porte pratiquement le même nom, dans «Jimmy» de Jacques Poulin, roman que je ne connaissais pas. Dans mon cas, le nom «Jimi» est calqué sur un des mes surnoms, «JP», souvent prononcé «Jipi», et «Ji-mi» dérive également de «Je-me», vu que ce jeune personnage n’est nul autre qu’un alter ego, bien sûr, car il s’agit ici d’une… autofiction distanciée !
Par ailleurs, dans une de tes interventions, tu évoques « le Petit Nicolas» de Goscinny, que je ne connais pas, mais je connais bien d’autres personnages semblables en BD, comme Charlie Brown, et ses observations socio-psycho-philosophico-naïves, et surtout Mafalda, bien informée des problèmes planétaires, et dont le point de vue politique a du mordant. Et personne ne semble s’offusquer que la BD offre plusieurs personnages semblables, mi-candides mi-malins, comme on en rencontre très peu dans la réalité et, heureusement, un peu plus en art, surtout en BD, sans doute parce que cette forme d’expression est restée plus près de l’enfance tout en évoluant vers un public adulte.
Enfin, j’ai tellement été sérieux, depuis le début de cette conversation, que j’ai envie de terminer sur une boutade : n’étais-tu pas un enfant sérieux, dans tes jeunes années ?! J’imagine que ça ne t’a pas empêché de t’amuser, et que tu continues encore à t’amuser sérieusement en écrivant pour les jeunes !
Voilà, j’en ai assez dit, il me reste maintenant à écouter les lecteurs, en espérant en trouver plusieurs autres de ta qualité. Mais je suppose qu’ils sont aussi rares que les enfants-génies, et je ne m’en ferai pas si on ne réagit pas à mon idée de bloglitt auteur/lecteurS !
Amicales salutations,
Jipi
= = = =
Extraits du « Supplément Internet de Lurelu, mai 2004 » :
( extraits présentés ici dans l’optique, plutôt tortillée, où Jimi est un lecteur fictif des œuvres réelles d’un certain «J.P. April» présenté dans le roman-nouvelles comme le pseudonyme de l’auteur fictif qu’est Guido Aprili, nom pas si fictif d’ailleurs, puisque mes ancêtres débarqués au Canada étaient alors des Aprili, de Genova, ou Gênes. )
De l’enfant soumis à l’enfant lecteur
Michel Defourny, Université de Liège
M. Defourny a brossé un tableau historique de la
représentation de l’enfant dans les albums de la
Belgique francophone.
[…] Les albums contemporains font de
plus en plus de place à la participation de l’enfant
lecteur à la construction de sens dans des textes
qui n’offrent plus de réponses mais poussent au
questionnement.
L’aventure de la lecture dans les oeuvres pour
la jeunesse, ou une certaine représentation
du jeune lecteur
Noëlle Sorin, UQTR
En ce début de millénaire, on observe une tendance:
celle de l’autoreprésentation, de la lecture
et de l’écriture. Plusieurs livres parlent des livres,
les évoquent ou les citent, ce phénomène de l’intertextualité
étant de plus en plus marqué.
Albums et mini-romans à l’appui, Mme Sorin, a
montré l’émergence d’un nouveau genre littéraire
qu’elle qualifie d’aventure de lecture. Il s’agit d’un
récit d’aventure littéraire où la lecture est prise
comme objet, participant de manière importante à
l’intrigue en présentant la fin d’une histoire
comme quête (Un gnome à la mer, Le délire de
Somerset), le salut par le livre (Tibert et Romuald)
ou le voyage à travers le temps et l’espace (La
rose et le diable).
Les représentations de l’enfant lecteur dans
les romans pour les 9-12 ans
Monique Noël-Gaudreault et Flore Gervais,
Université de Montréal
Les conférencières ont comparé les représentations
faites des enfants lecteurs dans les romans
destinés aux enfants de 9-12 ans en lien avec une
enquête préalablement réalisée. Il en ressort que,
si les personnages ressemblent assez aux enfants
réels, ils s’en distinguent également par certains
aspects. Ainsi, l’enquête montre que c’est à la
maison que les enfants lisent le moins alors que
c’est là que lisent les personnages lecteurs. Tandis
que 47% des enfants sont des lecteurs occasionnels,
avec une prédilection pour les bandes dessinées
et les revues, c’est le personnage lecteur
passionné qui est le plus souvent représenté et
celui-ci ne lit que des romans. Les raisons de ne
pas lire ne sont pas évoquées dans les récits, de
même qu’est absente la bande dessinée. En outre,
y figurent très peu de personnages adultes lecteurs.
Selon les conférencières, il y aurait intérêt à
donner une vision plus nuancée des différents
types de lecteurs réels.
© 2004, Lurelu et Ginette Landreville
À propos du site de lectures-critiques auquel tu nous référais, il ne s’agit pas d’un site ou un auteur discute avec des lecteurs. Par ailleurs, ce site hébergé au Québec parle de littérature éditée en français, et on y sélectionne très extrêmement rarement des romans québécois, pour la simple raison que les participants européens n’ont pas accès aux oeuvres québécoises, lesquelles ne circulent pratiquement pas ailleurs qu’au Québec. Vaste problème, qu’il nous faudra un jour aborder de front…
À propos des narrateurs-enfants, en faisant une petite recherche sur Google, j’ai déniché des résumés du colloque 2004 de l’ACFAS portant sur ce type de narration. Même si le champ d’étude est restreint à la seule litt-jeunesse, ce peut être très éclairant, particulièrement ce concept d’enfant-lecteur qui convient particulièrement à Jimi. Ces résumés apparaissent dans un « Supplément Internet de Lurelu, mai 2004 » dont j’ai malheureusement oublié de noter l’adresse électronique, mais j’avais tout de même copié-collé quelques comptes rendus pertinents, reproduits ci-bas.
À propos du 11 septembre, thème central du premier chapitre-nouvelle de mon roman-nouvelles, il y aurait beaucoup à dire. Peut-être dans une autre discussion, si le cœur t’en dit ?… Pour le moment, je m’en tiendrai à ceci : je viens de découvrir un autre narrateur-enfant qui réagit au 11 septembre, cette fois dans un roman américain ayant connu un succès retentissant en anglophonie et qui semble connaître un certain impact en francophonie, dans sa récente traduction : Extrêmement fort et incroyablement près, de Jonathan Safran Foer. Mais je crains que tu ne sois agacé (ou irrité?) par son narrateur, un enfant naïf et d’une intelligence exceptionnelle, de toute évidence excessivement romanesque. Figure-toi que ce petit Oskar, 9 ans, est végétalien, francophile, pacifiste, fasciné par Stephen Hawking, collectionneur polyvalent de souvenirs sur les Beatles jusqu’aux pierres semi-précieuses, et que dans ses loisirs il élabore des inventions pour le moins saugrenues !
Et pourtant, si on lit la vingtaine de critiques des principaux journaux ou revues anglophones qui ont parlé de ce roman, rares sont ceux qui voient un problème dans ce type de narrateur plus ou moins artificiel. (voir le merveilleux site metacritic.com qui réunit toutes ces critiques à partir desquelles on donne une note globale, en l’occurrence pour le roman de Foer : 8/10 : http://www.metacritic.com/books/authors .
Je ne suis pas surpris que les critiques en général, franco- ou anglophones, ne voient pas de problème dans la composition de ce personnage : des génies, ça existe aussi chez les enfants… Nous avons tous une enfance en commun, disais-je, mais elle varie beaucoup, disais-tu, et je suis bien d’accord : s’il y a beaucoup d’adultes qui se comportent en enfant, il y a aussi des enfants qui sont plus brillants que des adultes… -- quand ils ne font pas caca dans leur culotte !
Dans toute notre conversation, nous n’avons pas tiré d’exemples d’expressions de Jimi, un peu comme si on parlait en général. Ce serait assez difficile de montrer que Jimi s’exprime ici ou là comme un adulte, tout dépendant du type d’adulte et d’enfant auquel on se réfère, et il ne faut jamais oublier que l’adulte écoutant l’enfant peut saisir dans son langage des subtilités ou des références qui échappent au jeune locuteur lui-même. C’est du moins dans cette optique, parmi d’autres, que j’ai élaboré le langage de Jimi. Mais je serais bien curieux de voir comment réagit un jeune lecteur du secondaire, que j’ai également tâché de viser…
À propos du nom de Jimi, je suis bien amusé de constater qu’un autre jeune narrateur québécois porte pratiquement le même nom, dans «Jimmy» de Jacques Poulin, roman que je ne connaissais pas. Dans mon cas, le nom «Jimi» est calqué sur un des mes surnoms, «JP», souvent prononcé «Jipi», et «Ji-mi» dérive également de «Je-me», vu que ce jeune personnage n’est nul autre qu’un alter ego, bien sûr, car il s’agit ici d’une… autofiction distanciée !
Par ailleurs, dans une de tes interventions, tu évoques « le Petit Nicolas» de Goscinny, que je ne connais pas, mais je connais bien d’autres personnages semblables en BD, comme Charlie Brown, et ses observations socio-psycho-philosophico-naïves, et surtout Mafalda, bien informée des problèmes planétaires, et dont le point de vue politique a du mordant. Et personne ne semble s’offusquer que la BD offre plusieurs personnages semblables, mi-candides mi-malins, comme on en rencontre très peu dans la réalité et, heureusement, un peu plus en art, surtout en BD, sans doute parce que cette forme d’expression est restée plus près de l’enfance tout en évoluant vers un public adulte.
Enfin, j’ai tellement été sérieux, depuis le début de cette conversation, que j’ai envie de terminer sur une boutade : n’étais-tu pas un enfant sérieux, dans tes jeunes années ?! J’imagine que ça ne t’a pas empêché de t’amuser, et que tu continues encore à t’amuser sérieusement en écrivant pour les jeunes !
Voilà, j’en ai assez dit, il me reste maintenant à écouter les lecteurs, en espérant en trouver plusieurs autres de ta qualité. Mais je suppose qu’ils sont aussi rares que les enfants-génies, et je ne m’en ferai pas si on ne réagit pas à mon idée de bloglitt auteur/lecteurS !
Amicales salutations,
Jipi
= = = =
Extraits du « Supplément Internet de Lurelu, mai 2004 » :
( extraits présentés ici dans l’optique, plutôt tortillée, où Jimi est un lecteur fictif des œuvres réelles d’un certain «J.P. April» présenté dans le roman-nouvelles comme le pseudonyme de l’auteur fictif qu’est Guido Aprili, nom pas si fictif d’ailleurs, puisque mes ancêtres débarqués au Canada étaient alors des Aprili, de Genova, ou Gênes. )
De l’enfant soumis à l’enfant lecteur
Michel Defourny, Université de Liège
M. Defourny a brossé un tableau historique de la
représentation de l’enfant dans les albums de la
Belgique francophone.
[…] Les albums contemporains font de
plus en plus de place à la participation de l’enfant
lecteur à la construction de sens dans des textes
qui n’offrent plus de réponses mais poussent au
questionnement.
L’aventure de la lecture dans les oeuvres pour
la jeunesse, ou une certaine représentation
du jeune lecteur
Noëlle Sorin, UQTR
En ce début de millénaire, on observe une tendance:
celle de l’autoreprésentation, de la lecture
et de l’écriture. Plusieurs livres parlent des livres,
les évoquent ou les citent, ce phénomène de l’intertextualité
étant de plus en plus marqué.
Albums et mini-romans à l’appui, Mme Sorin, a
montré l’émergence d’un nouveau genre littéraire
qu’elle qualifie d’aventure de lecture. Il s’agit d’un
récit d’aventure littéraire où la lecture est prise
comme objet, participant de manière importante à
l’intrigue en présentant la fin d’une histoire
comme quête (Un gnome à la mer, Le délire de
Somerset), le salut par le livre (Tibert et Romuald)
ou le voyage à travers le temps et l’espace (La
rose et le diable).
Les représentations de l’enfant lecteur dans
les romans pour les 9-12 ans
Monique Noël-Gaudreault et Flore Gervais,
Université de Montréal
Les conférencières ont comparé les représentations
faites des enfants lecteurs dans les romans
destinés aux enfants de 9-12 ans en lien avec une
enquête préalablement réalisée. Il en ressort que,
si les personnages ressemblent assez aux enfants
réels, ils s’en distinguent également par certains
aspects. Ainsi, l’enquête montre que c’est à la
maison que les enfants lisent le moins alors que
c’est là que lisent les personnages lecteurs. Tandis
que 47% des enfants sont des lecteurs occasionnels,
avec une prédilection pour les bandes dessinées
et les revues, c’est le personnage lecteur
passionné qui est le plus souvent représenté et
celui-ci ne lit que des romans. Les raisons de ne
pas lire ne sont pas évoquées dans les récits, de
même qu’est absente la bande dessinée. En outre,
y figurent très peu de personnages adultes lecteurs.
Selon les conférencières, il y aurait intérêt à
donner une vision plus nuancée des différents
types de lecteurs réels.
© 2004, Lurelu et Ginette Landreville
À propos du site de lectures-critiques auquel tu nous référais, il ne s’agit pas d’un site ou un auteur discute avec des lecteurs. Par ailleurs, ce site hébergé au Québec parle de littérature éditée en français, et on y sélectionne très extrêmement rarement des romans québécois, pour la simple raison que les participants européens n’ont pas accès aux oeuvres québécoises, lesquelles ne circulent pratiquement pas ailleurs qu’au Québec. Vaste problème, qu’il nous faudra un jour aborder de front…
Salut,
Ma réponse à l'avant-dernier commentaire :
> Depuis le début, je parle de
> littérature pour adultes. J’ai
> évoqué une fois la litt-jeunesse
> pour signifier que je ne la
> connaissais pas, mais j’imagine
> facilement que de toute évidence
> à peu près tous les
> narrateurs-je de la
> litt-jeunesse sont des enfants,
> quoi de plus «normal»? (Quoique…)
Eh bien, justement, il y a là une question de symétrie. Si tu trouves normal que la majorité des narrateurs-je de la littérature jeunesse sont des jeunes, pourquoi ne pas trouver normal que la majorité des narrateurs-je de la littérature pour adultes sont des adultes?
Tu sembles partir d'une exigence de représentativité de la réalité dans la littérature pour adultes. Je répondais en disant, en somme, que si la littérature doit refléter toute la réalité sociale (celle des hommes et des femmes, des adultes et des jeunes), il faudrait tenir compte de toute la littérature, c-à-d de celle qui s'adresse à l'ensemble de la population.
Mais j'admets qu'il est également défendable de revendiquer une conception holographique de la littérature : chaque partie du tout devrait refléter l'ensemble de la réalité. La seule littérature pour adultes devrait incorporer les voix et les réalités de tous, jeunes et vieux, hommes et femmes, etc. (mais la seule littérature pour jeunes ne le fait pas).
Cependant, si toute la réalité du monde peut et doit se retrouver dans la littérature pour adultes, cela veut-il dire pour autant que la proportion de narrateurs-je qui sont des enfants devrait reproduire la proportion d'enfants dans la population? J'ai déjà fait remarquer que fort peu de romans se sentent obligés d'accorder la parole, par souci de représentativité, aux chiens, aux pous ou aux bébés. Tout simplement parce qu'on les conçoit difficilement tenir un discours élaboré.
Quant il s'agit des enfants, on se trouve dans un cas intermédiaire. Dans la plupart des cas, je soutiens qu'on peut malaisément attribuer à des moins de 15 ans un discours le moindrement adulte. Il peut exister des exceptions, mais tout ce que je connais indique qu'elles sont rarissimes et/ou qu'elles tiendront rarement la route sur plus de quelques pages. D'où la difficulté d'embarquer dans un roman complet qui donne la parole à un narrateur-je enfant. Et je rappelle que c'est la base de mon argumentation : je n'attends pas plus de narrateurs-je enfants que de narrateurs-je qui sont des tables ou des lampes.
La question de la représentativité est bien entendu piégée pour la littérature : tu parles de 0,3% en utilisant mes exemples, mais il faudrait faire un décompte systématique pour en parler avec exactitude. Et si on s'attaque à ce genre de décompte pour les jeunes narrateurs, il faudrait le faire aussi pour les hommes, les femmes, les retraités, les personnes atteintes de déficits cognitifs, les biculturels et bilingues (dont la réalité ne s'exprimerait pas qu'en français de Paris ou du Plateau), les noirs, les autochtones, les allophones, etc. Bref, tenir ce genre de raisonnement quantitatif exige de la rigueur dans le maniement des chiffres et de l'uniformité dans l'application du raisonnement. Si tu veux avoir raison pour les enfants, il faudra aussi me rendre raison pour la proportion déficiente ou non de narrateurs d'origine asiatique dans la littérature québécoise.
Il me semble nettement plus réaliste de traiter le rôle de miroir social de la littérature (en admettant qu'elle en ait un) sous l'angle de ce qui est décrit et non de qui décrit. Par conséquent, si on veut juger de la représentation des enfants, il faudrait compter non seulement les narrateurs-je mais tous les personnages avant de hasarder une opinion sur la sous-représentation ou non des enfants dans la littérature québécoise.
> Par ailleurs, tu dis «la langue
> faussement candide (souvent riche
> d'ironie et de sous-entendus)
> des enfants-narrateurs ne
> ressemble en rien à celle des
> véritables enfants ». En bonne
> partie d’accord, cette langue
> n’est pas identique à celle des
> enfants, mais elle l’évoque (et
> j’imagine que la langue
> conventionnelle des enfants
> standard de la litt-jeunesse
> évoque elle aussi le langage des
> jeunes, mais d’une autre
> façon. Rien de plus normal, les
> romans ne sont jamais une
> reproduction identique du réel,
> même dans la littérature la plus
> réaliste. Pourquoi refuser à un
> écrivain pour adultes la liberté
> ou la fantaisie de recréer une
> langue d’enfant qui soit plus
> vraie que la vraie ?
Eh bien, justement, je ne refuse pas cette fantaisie, mais c'est bien ce que je disais : on bascule alors dans une forme de fantastique. Et, en ce qui me concerne, il demeure une distinction fondamentale entre un discours que l'on peut vraisemblablement attribuer à un adulte et un discours qui est uniquement assigné à un enfant par la force du fiat de l'auteur.
> En littérature, très souvent, on
> doit inventer pour révéler une
> vérité. C’est un des plaisirs
> de la littérature, et je ne m’en
> priverai jamais, à plus forte
> raison quand le narrateur est un
> enfant qui aime s’amuser avec la
> langue qu’il découvre chaque
> jour, et peu importe que cette
> langue, forcément littéraire,
> soit plus ou moins fidèle
> au réel…
Je ne cherche pas à te priver de cette liberté, mais à te rappeler qu'elle doit composer avec la liberté du lecteur de recevoir un texte comme plus ou moins réaliste. Il me semble que tu te contredis un peu. D'une part, tu revendiques une plus juste représentation des enfants au nom d'une forme de réalisme. D'autre part, tu revendiques le droit de les faire parler comme ils ne parlent pas vraiment...
> J’ai beaucoup hésité à
> participer à ton blog, te
> confierais-je, parce que ce type
> de discussion auteur-critique
> (ou auteur-lecteur) risque
> d’apparaître comme un corps
> étranger dans ton blog.
> Enfin, je considère que c’est
> une expérience pour évaluer
> l’intérêt d’un possible bloglitt
> auteur-lecteurs tel que je te le
> mentionnais auparavant, et
> je t’en remercie.
À mon avis, ces échanges sont entièrement à leur place ici, mais c'est aussi une expérience de mon point de vue. Et je serai curieux de voir si, au fil des mois, cette page individuelle attirera plus de lecteurs (en particulier ceux qui auront lu ton livre).
À suivre...
Ma réponse à l'avant-dernier commentaire :
> Depuis le début, je parle de
> littérature pour adultes. J’ai
> évoqué une fois la litt-jeunesse
> pour signifier que je ne la
> connaissais pas, mais j’imagine
> facilement que de toute évidence
> à peu près tous les
> narrateurs-je de la
> litt-jeunesse sont des enfants,
> quoi de plus «normal»? (Quoique…)
Eh bien, justement, il y a là une question de symétrie. Si tu trouves normal que la majorité des narrateurs-je de la littérature jeunesse sont des jeunes, pourquoi ne pas trouver normal que la majorité des narrateurs-je de la littérature pour adultes sont des adultes?
Tu sembles partir d'une exigence de représentativité de la réalité dans la littérature pour adultes. Je répondais en disant, en somme, que si la littérature doit refléter toute la réalité sociale (celle des hommes et des femmes, des adultes et des jeunes), il faudrait tenir compte de toute la littérature, c-à-d de celle qui s'adresse à l'ensemble de la population.
Mais j'admets qu'il est également défendable de revendiquer une conception holographique de la littérature : chaque partie du tout devrait refléter l'ensemble de la réalité. La seule littérature pour adultes devrait incorporer les voix et les réalités de tous, jeunes et vieux, hommes et femmes, etc. (mais la seule littérature pour jeunes ne le fait pas).
Cependant, si toute la réalité du monde peut et doit se retrouver dans la littérature pour adultes, cela veut-il dire pour autant que la proportion de narrateurs-je qui sont des enfants devrait reproduire la proportion d'enfants dans la population? J'ai déjà fait remarquer que fort peu de romans se sentent obligés d'accorder la parole, par souci de représentativité, aux chiens, aux pous ou aux bébés. Tout simplement parce qu'on les conçoit difficilement tenir un discours élaboré.
Quant il s'agit des enfants, on se trouve dans un cas intermédiaire. Dans la plupart des cas, je soutiens qu'on peut malaisément attribuer à des moins de 15 ans un discours le moindrement adulte. Il peut exister des exceptions, mais tout ce que je connais indique qu'elles sont rarissimes et/ou qu'elles tiendront rarement la route sur plus de quelques pages. D'où la difficulté d'embarquer dans un roman complet qui donne la parole à un narrateur-je enfant. Et je rappelle que c'est la base de mon argumentation : je n'attends pas plus de narrateurs-je enfants que de narrateurs-je qui sont des tables ou des lampes.
La question de la représentativité est bien entendu piégée pour la littérature : tu parles de 0,3% en utilisant mes exemples, mais il faudrait faire un décompte systématique pour en parler avec exactitude. Et si on s'attaque à ce genre de décompte pour les jeunes narrateurs, il faudrait le faire aussi pour les hommes, les femmes, les retraités, les personnes atteintes de déficits cognitifs, les biculturels et bilingues (dont la réalité ne s'exprimerait pas qu'en français de Paris ou du Plateau), les noirs, les autochtones, les allophones, etc. Bref, tenir ce genre de raisonnement quantitatif exige de la rigueur dans le maniement des chiffres et de l'uniformité dans l'application du raisonnement. Si tu veux avoir raison pour les enfants, il faudra aussi me rendre raison pour la proportion déficiente ou non de narrateurs d'origine asiatique dans la littérature québécoise.
Il me semble nettement plus réaliste de traiter le rôle de miroir social de la littérature (en admettant qu'elle en ait un) sous l'angle de ce qui est décrit et non de qui décrit. Par conséquent, si on veut juger de la représentation des enfants, il faudrait compter non seulement les narrateurs-je mais tous les personnages avant de hasarder une opinion sur la sous-représentation ou non des enfants dans la littérature québécoise.
> Par ailleurs, tu dis «la langue
> faussement candide (souvent riche
> d'ironie et de sous-entendus)
> des enfants-narrateurs ne
> ressemble en rien à celle des
> véritables enfants ». En bonne
> partie d’accord, cette langue
> n’est pas identique à celle des
> enfants, mais elle l’évoque (et
> j’imagine que la langue
> conventionnelle des enfants
> standard de la litt-jeunesse
> évoque elle aussi le langage des
> jeunes, mais d’une autre
> façon. Rien de plus normal, les
> romans ne sont jamais une
> reproduction identique du réel,
> même dans la littérature la plus
> réaliste. Pourquoi refuser à un
> écrivain pour adultes la liberté
> ou la fantaisie de recréer une
> langue d’enfant qui soit plus
> vraie que la vraie ?
Eh bien, justement, je ne refuse pas cette fantaisie, mais c'est bien ce que je disais : on bascule alors dans une forme de fantastique. Et, en ce qui me concerne, il demeure une distinction fondamentale entre un discours que l'on peut vraisemblablement attribuer à un adulte et un discours qui est uniquement assigné à un enfant par la force du fiat de l'auteur.
> En littérature, très souvent, on
> doit inventer pour révéler une
> vérité. C’est un des plaisirs
> de la littérature, et je ne m’en
> priverai jamais, à plus forte
> raison quand le narrateur est un
> enfant qui aime s’amuser avec la
> langue qu’il découvre chaque
> jour, et peu importe que cette
> langue, forcément littéraire,
> soit plus ou moins fidèle
> au réel…
Je ne cherche pas à te priver de cette liberté, mais à te rappeler qu'elle doit composer avec la liberté du lecteur de recevoir un texte comme plus ou moins réaliste. Il me semble que tu te contredis un peu. D'une part, tu revendiques une plus juste représentation des enfants au nom d'une forme de réalisme. D'autre part, tu revendiques le droit de les faire parler comme ils ne parlent pas vraiment...
> J’ai beaucoup hésité à
> participer à ton blog, te
> confierais-je, parce que ce type
> de discussion auteur-critique
> (ou auteur-lecteur) risque
> d’apparaître comme un corps
> étranger dans ton blog.
> Enfin, je considère que c’est
> une expérience pour évaluer
> l’intérêt d’un possible bloglitt
> auteur-lecteurs tel que je te le
> mentionnais auparavant, et
> je t’en remercie.
À mon avis, ces échanges sont entièrement à leur place ici, mais c'est aussi une expérience de mon point de vue. Et je serai curieux de voir si, au fil des mois, cette page individuelle attirera plus de lecteurs (en particulier ceux qui auront lu ton livre).
À suivre...
Et ma réponse au plus récent commentaire de Jean-Pierre :
> À propos du 11 septembre, thème
> central du premier
> chapitre-nouvelle de mon
> roman-nouvelles, il y aurait
> beaucoup à dire. Peut-être
> dans une autre discussion, si
> le cœur t’en dit ?…
Il a souvent été question du 11 septembre sur ce blogue — dans ce billet, par exemple — et je n'ai pas grand-chose à ajouter en ce moment.
En ce qui concerne la représentation littéraire du 11 septembre, j'ai plutôt évité que recherché les ouvrages qui en traitent. Je pourrais parler du principe de la chose, mais non des ouvrages.
> Pour le moment, je m’en
> tiendrai à ceci : je viens de
> découvrir un autre
> narrateur-enfant qui réagit au
> 11 septembre, cette fois dans
> un roman américain ayant connu
> un succès retentissant en
> anglophonie et qui semble
> connaître un certain impact en
> francophonie, dans sa récente
> traduction : Extrêmement fort
> et incroyablement près, de
> Jonathan Safran Foer. Mais
> je crains que tu ne sois agacé
> (ou irrité?) par son narrateur,
> un enfant naïf et d’une
> intelligence exceptionnelle, de
> toute évidence excessivement
> romanesque. Figure-toi que ce
> petit Oskar, 9 ans, est
> végétalien, francophile,
> pacifiste, fasciné par Stephen
> Hawking, collectionneur
> polyvalent de souvenirs sur les
> Beatles jusqu’aux pierres
> semi-précieuses, et que dans ses
> loisirs il élabore des
> inventions pour le moins
> saugrenues ! Et pourtant, si
> on lit la vingtaine de critiques
> des principaux journaux ou
> revues anglophones qui ont parlé
> de ce roman, rares sont ceux qui
> voient un problème dans ce type
> de narrateur plus ou moins
> artificiel.
Rares, mais parfois éloquents. J'ai lu avec le sourire cette critique de Harry Siegel. Quant à la critique du London Review of Books, qui n'est pas la dernière revue littéraire venue, elle inclut ce passage :
« The improbability of this conceit, particularly in the light of the black and white photographs reminding us of the reality of 9/11 New York (including the one of a real man falling from a real tower to a real death), seems sure to topple the enterprise with coyness. One can’t have it both ways, and the tug between the improbable and the factual opens a gulf that calls into question just how in control of things Foer is. This improbability gulf is only widened by inconsistencies that nip at the novel’s heels: as a number of American reviews have noticed, a nine-year-old who knows, thanks to the wonders of the internet, what cum is, would also know that a pussy isn’t only a tabby; and no nine-year-old, however brainy, would have the emotional maturity to observe of his sudden, post-traumatic tendency to use valuable stamps from his collection on common mail that it ‘made me wonder if what I was really doing was trying to get rid of things’. »
Et le New York Times note : « The core problem has to do with the novel's 9-year-old hero. Oskar Schell, whose father died in the World Trade Center on Sept. 11, should be a highly sympathetic character: a clever, sensitive boy, grief-stricken over his father's death, neglected by his self-absorbed mother, and beset by insomnia, depression and panic attacks. Unfortunately, he comes across as an entirely synthetic creation, assembled out of bits and pieces of famous literary heroes past. Like J. D. Salinger's Holden Caulfield, Oskar wanders around New York City, lonely, alienated and on the verge, possibly, of an emotional breakdown. Like Günter Grass's Oskar Matzerath in "The Tin Drum," he plays a musical instrument (in his case, a tambourine) while commenting on the fearful state of the world around him. And like Saul Bellow's Herzog, he writes letters to people he doesn't know.
To make matters worse, Mr. Foer has endowed Oskar with an exasperating precocity that's reminiscent less of Salinger's Glass-family kids than those annoying child guests on late-night talk shows. A devotee of the Internet, Oskar is a chatty font of trivia on everything from the number of birds that die smashing into windows to the number of locks installed every day in New York City. He hands out calling cards that identify him as an "inventor, jewelry designer, jewelry fabricator, amateur entomologist, Francophile, vegan, origamist, pacifist, percussionist, amateur astronomer, computer consultant, amateur archeologist, collector." And like the smarmy Eddie Haskell on "Leave It to Beaver," he's constantly flattering women his mother's age by telling them they're beautiful, sometimes adding that he'd like to kiss them. » Le reste de la critique souligne que cet enfant-narrateur rapproche le roman de la fable et l'éloigne du réalisme. Bref, sans aller voir toutes les autres opinions, je n'ai pas l'impression d'être le seul à juger que les narrateurs trop jeunes, trop précoces et trop improbables ne relèvent plus du réalisme strict en littérature.
> Enfin, j’ai tellement été
> sérieux, depuis le début de cette
> conversation, que j’ai envie de
> terminer sur une boutade :
> n’étais-tu pas un enfant
> sérieux, dans tes jeunes
> années ?! J’imagine que ça ne
> t’a pas empêché de t’amuser, et
> que tu continues encore à
> t’amuser sérieusement en
> écrivant pour les jeunes !
Sérieux? Sans doute que j'étais sérieux puisque je lisais et que j'écrivais, ce qui suffit à classer d'habitude les auteurs comme des gens sérieux, et a fortiori les enfants... Mais cela ne faisait pas de moi quelqu'un capable d'écrire comme un adulte (voir le billet que je citais plus haut sur mes écrits d'enfance).
> À propos du site de
> lectures-critiques auquel tu nous
> référais, il ne s’agit pas d’un
> site ou un auteur discute avec
> des lecteurs. Par ailleurs, ce
> site hébergé au Québec parle de
> littérature éditée en français,
> et on y sélectionne très
> extrêmement rarement des romans
> québécois, pour la simple raison
> que les participants européens
> n’ont pas accès aux oeuvres
> québécoises, lesquelles ne
> circulent pratiquement pas
> ailleurs qu’au Québec. Vaste
> problème, qu’il nous faudra un
> jour aborder de front…
Sans doute que je donnais ce site en exemple, mais j'ai déjà indiqué ci-dessus que je trouve le concept logistiquement improbable.
Je vais maintenant signer un billet pour signaler cette enfilade de commentaires...
> À propos du 11 septembre, thème
> central du premier
> chapitre-nouvelle de mon
> roman-nouvelles, il y aurait
> beaucoup à dire. Peut-être
> dans une autre discussion, si
> le cœur t’en dit ?…
Il a souvent été question du 11 septembre sur ce blogue — dans ce billet, par exemple — et je n'ai pas grand-chose à ajouter en ce moment.
En ce qui concerne la représentation littéraire du 11 septembre, j'ai plutôt évité que recherché les ouvrages qui en traitent. Je pourrais parler du principe de la chose, mais non des ouvrages.
> Pour le moment, je m’en
> tiendrai à ceci : je viens de
> découvrir un autre
> narrateur-enfant qui réagit au
> 11 septembre, cette fois dans
> un roman américain ayant connu
> un succès retentissant en
> anglophonie et qui semble
> connaître un certain impact en
> francophonie, dans sa récente
> traduction : Extrêmement fort
> et incroyablement près, de
> Jonathan Safran Foer. Mais
> je crains que tu ne sois agacé
> (ou irrité?) par son narrateur,
> un enfant naïf et d’une
> intelligence exceptionnelle, de
> toute évidence excessivement
> romanesque. Figure-toi que ce
> petit Oskar, 9 ans, est
> végétalien, francophile,
> pacifiste, fasciné par Stephen
> Hawking, collectionneur
> polyvalent de souvenirs sur les
> Beatles jusqu’aux pierres
> semi-précieuses, et que dans ses
> loisirs il élabore des
> inventions pour le moins
> saugrenues ! Et pourtant, si
> on lit la vingtaine de critiques
> des principaux journaux ou
> revues anglophones qui ont parlé
> de ce roman, rares sont ceux qui
> voient un problème dans ce type
> de narrateur plus ou moins
> artificiel.
Rares, mais parfois éloquents. J'ai lu avec le sourire cette critique de Harry Siegel. Quant à la critique du London Review of Books, qui n'est pas la dernière revue littéraire venue, elle inclut ce passage :
« The improbability of this conceit, particularly in the light of the black and white photographs reminding us of the reality of 9/11 New York (including the one of a real man falling from a real tower to a real death), seems sure to topple the enterprise with coyness. One can’t have it both ways, and the tug between the improbable and the factual opens a gulf that calls into question just how in control of things Foer is. This improbability gulf is only widened by inconsistencies that nip at the novel’s heels: as a number of American reviews have noticed, a nine-year-old who knows, thanks to the wonders of the internet, what cum is, would also know that a pussy isn’t only a tabby; and no nine-year-old, however brainy, would have the emotional maturity to observe of his sudden, post-traumatic tendency to use valuable stamps from his collection on common mail that it ‘made me wonder if what I was really doing was trying to get rid of things’. »
Et le New York Times note : « The core problem has to do with the novel's 9-year-old hero. Oskar Schell, whose father died in the World Trade Center on Sept. 11, should be a highly sympathetic character: a clever, sensitive boy, grief-stricken over his father's death, neglected by his self-absorbed mother, and beset by insomnia, depression and panic attacks. Unfortunately, he comes across as an entirely synthetic creation, assembled out of bits and pieces of famous literary heroes past. Like J. D. Salinger's Holden Caulfield, Oskar wanders around New York City, lonely, alienated and on the verge, possibly, of an emotional breakdown. Like Günter Grass's Oskar Matzerath in "The Tin Drum," he plays a musical instrument (in his case, a tambourine) while commenting on the fearful state of the world around him. And like Saul Bellow's Herzog, he writes letters to people he doesn't know.
To make matters worse, Mr. Foer has endowed Oskar with an exasperating precocity that's reminiscent less of Salinger's Glass-family kids than those annoying child guests on late-night talk shows. A devotee of the Internet, Oskar is a chatty font of trivia on everything from the number of birds that die smashing into windows to the number of locks installed every day in New York City. He hands out calling cards that identify him as an "inventor, jewelry designer, jewelry fabricator, amateur entomologist, Francophile, vegan, origamist, pacifist, percussionist, amateur astronomer, computer consultant, amateur archeologist, collector." And like the smarmy Eddie Haskell on "Leave It to Beaver," he's constantly flattering women his mother's age by telling them they're beautiful, sometimes adding that he'd like to kiss them. » Le reste de la critique souligne que cet enfant-narrateur rapproche le roman de la fable et l'éloigne du réalisme. Bref, sans aller voir toutes les autres opinions, je n'ai pas l'impression d'être le seul à juger que les narrateurs trop jeunes, trop précoces et trop improbables ne relèvent plus du réalisme strict en littérature.
> Enfin, j’ai tellement été
> sérieux, depuis le début de cette
> conversation, que j’ai envie de
> terminer sur une boutade :
> n’étais-tu pas un enfant
> sérieux, dans tes jeunes
> années ?! J’imagine que ça ne
> t’a pas empêché de t’amuser, et
> que tu continues encore à
> t’amuser sérieusement en
> écrivant pour les jeunes !
Sérieux? Sans doute que j'étais sérieux puisque je lisais et que j'écrivais, ce qui suffit à classer d'habitude les auteurs comme des gens sérieux, et a fortiori les enfants... Mais cela ne faisait pas de moi quelqu'un capable d'écrire comme un adulte (voir le billet que je citais plus haut sur mes écrits d'enfance).
> À propos du site de
> lectures-critiques auquel tu nous
> référais, il ne s’agit pas d’un
> site ou un auteur discute avec
> des lecteurs. Par ailleurs, ce
> site hébergé au Québec parle de
> littérature éditée en français,
> et on y sélectionne très
> extrêmement rarement des romans
> québécois, pour la simple raison
> que les participants européens
> n’ont pas accès aux oeuvres
> québécoises, lesquelles ne
> circulent pratiquement pas
> ailleurs qu’au Québec. Vaste
> problème, qu’il nous faudra un
> jour aborder de front…
Sans doute que je donnais ce site en exemple, mais j'ai déjà indiqué ci-dessus que je trouve le concept logistiquement improbable.
Je vais maintenant signer un billet pour signaler cette enfilade de commentaires...
Salut Jiel ;-)
Comment puis-je terminer ? Pas évident, quand il n’y a pas de modérateur. Peut-être en revenant sur la phrase de ta recension qui m’a fait réagir au point de départ, et je souligne ici (en mettant en majuscules) les mots qui m’ont… chatouillé :
« Pourquoi faut-il TOUJOURS que la littérature québécoise revienne ENCORE et TOUJOURS à ces personnages faussement enfantins que nous devons à Réjean Ducharme ? »
Cette phrase donnait à penser que la littérature québécoise était constamment envahie par des narrateurs-enfants, d’où le besoin que j’ai senti de recourir à des mesures quantifiées qui, comme toutes les statistiques, ne valent pas plus que l’interprétation qu’on en fait.
Mais je ne vois toujours pas en quoi mon petit Jimi verserait dans le fantastique, comme si c’était un pou ou un objet qui parlerait, mon personnage et ses expressions n’ayant absolument rien de rattaché à l’irruption du surnaturel.
En fait, on n’a même pas parlé des expressions utilisées par Jimi, : on est resté dans l’abstraction intellectuelle et dans les généralités. Ce genre de langage situé à des années-lumière des enfants…
Si j’ai évoqué le jeune narrateur surdoué de Foer, qui fait penser au jeune narrateur du «Tambour» de Günter Grass, c’est comme une illustration type des narrateurs-je quasi «fantastiques» que tu évoques, et qui, néanmoins, reçoivent l’adhésion et l’admiration d’un immense lectorat. Mais pas de tout le monde, bien sûr, chaque lecteur étant libre d’adhérer ou non à ce type de convention, qui passe tellement plus facilement en BD.
Enfin, si on lit mon petit Jimi, on se rendra compte qu’il a très peu à voir avec le jeune Oskar de Foer : il n’a rien d’un névrosé ni d’un génie, il a plutôt du cœur et de la personnalité, on peut facilement s’identifier à lui, et on trouvera difficilement une seule phrase de lui qui, en contexte, ne peut être dite par un enfant. Et si certains adultes lecteurs y voient une portée qui dépasserait la maturité supposée de l’enfant, tant mieux ! C’est tout simplement que «la vérité sort de la bouche des enfants».
Par ailleurs, comme je le disais quelque part, le problème que je perçois dans la plupart des discussions sommaires que j’ai vues sur des blogs littéraires, c’est que trop souvent on s’y prononce sur des livres qu’on n’a pas lus, et on reste donc en surface, ou dans les préjugés. Mais, tu as sûrement raison, le genre de «bloglitt auteur-lecteurS» dont je rêve serait peu viable, parce plus exigent, vu qu’on ne pourrait pas s’y maintenir dans des questions de généralités ou de principes.
De plus, à partir de notre expérience de discussion, je me rends compte maintenant qu’il serait très difficile pour un auteur d’aborder ou d’analyser l’essentiel, les mots mêmes de son propre texte, qui ne lui appartiennent plus, et dont le lecteur peut disposer à sa guise.
Je crois effectivement que l’auteur de ne peut que dire :
«Bonnes lectures» !
Sur ce, salutations à tous les lecteurs de ton blog, à qui tu m’as généreusement donné accès.
Ciao !
Jipi
Comment puis-je terminer ? Pas évident, quand il n’y a pas de modérateur. Peut-être en revenant sur la phrase de ta recension qui m’a fait réagir au point de départ, et je souligne ici (en mettant en majuscules) les mots qui m’ont… chatouillé :
« Pourquoi faut-il TOUJOURS que la littérature québécoise revienne ENCORE et TOUJOURS à ces personnages faussement enfantins que nous devons à Réjean Ducharme ? »
Cette phrase donnait à penser que la littérature québécoise était constamment envahie par des narrateurs-enfants, d’où le besoin que j’ai senti de recourir à des mesures quantifiées qui, comme toutes les statistiques, ne valent pas plus que l’interprétation qu’on en fait.
Mais je ne vois toujours pas en quoi mon petit Jimi verserait dans le fantastique, comme si c’était un pou ou un objet qui parlerait, mon personnage et ses expressions n’ayant absolument rien de rattaché à l’irruption du surnaturel.
En fait, on n’a même pas parlé des expressions utilisées par Jimi, : on est resté dans l’abstraction intellectuelle et dans les généralités. Ce genre de langage situé à des années-lumière des enfants…
Si j’ai évoqué le jeune narrateur surdoué de Foer, qui fait penser au jeune narrateur du «Tambour» de Günter Grass, c’est comme une illustration type des narrateurs-je quasi «fantastiques» que tu évoques, et qui, néanmoins, reçoivent l’adhésion et l’admiration d’un immense lectorat. Mais pas de tout le monde, bien sûr, chaque lecteur étant libre d’adhérer ou non à ce type de convention, qui passe tellement plus facilement en BD.
Enfin, si on lit mon petit Jimi, on se rendra compte qu’il a très peu à voir avec le jeune Oskar de Foer : il n’a rien d’un névrosé ni d’un génie, il a plutôt du cœur et de la personnalité, on peut facilement s’identifier à lui, et on trouvera difficilement une seule phrase de lui qui, en contexte, ne peut être dite par un enfant. Et si certains adultes lecteurs y voient une portée qui dépasserait la maturité supposée de l’enfant, tant mieux ! C’est tout simplement que «la vérité sort de la bouche des enfants».
Par ailleurs, comme je le disais quelque part, le problème que je perçois dans la plupart des discussions sommaires que j’ai vues sur des blogs littéraires, c’est que trop souvent on s’y prononce sur des livres qu’on n’a pas lus, et on reste donc en surface, ou dans les préjugés. Mais, tu as sûrement raison, le genre de «bloglitt auteur-lecteurS» dont je rêve serait peu viable, parce plus exigent, vu qu’on ne pourrait pas s’y maintenir dans des questions de généralités ou de principes.
De plus, à partir de notre expérience de discussion, je me rends compte maintenant qu’il serait très difficile pour un auteur d’aborder ou d’analyser l’essentiel, les mots mêmes de son propre texte, qui ne lui appartiennent plus, et dont le lecteur peut disposer à sa guise.
Je crois effectivement que l’auteur de ne peut que dire :
«Bonnes lectures» !
Sur ce, salutations à tous les lecteurs de ton blog, à qui tu m’as généreusement donné accès.
Ciao !
Jipi
Salut,
C'était peut-être une faiblesse de cette enfilade que d'embrayer sur une phrase que j'avais explicitement signalée comme l'expression d'un mouvement d'humeur (relevant donc de l'hyperbole) que j'assumais dans la même mesure que tu assumes les propos de Jimi. Doit-on t'attribuer toutes les opinions de Jimi? Est-ce que j'adhère entièrement aux positions de mon « lecteur impatient »? De plus, on peut la lire autrement en mettant les majuscules ailleurs :
« Pourquoi faut-il toujours que la littérature québécoise REVIENNE encore et toujours à ces personnages faussement enfantins que nous devons à Réjean Ducharme? »
Ceci suggère que l'agacement en cause puise son origine non dans la surabondance des jeunes narrateurs, mais dans la reprise, réitération, répétition, reproduction à l'identique d'un type de personnage déjà utilisé, sinon usé ou usagé. Ergo, ce serait le manque d'originalité qui blesse et non l'excès.
Mais je m'arrête là, quoique ravi qu'une seule phrase ait déclenché tout ceci... Et je conclurai en indiquant que j'aime bien Jimi, mais plus dans la première partie du livre que dans la seconde. Quand il est le plus authentiquement enfant, même s'il est à l'âge le plus improbable pour ce qu'il signe... Le paradoxe ne me déplaît pas.
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C'était peut-être une faiblesse de cette enfilade que d'embrayer sur une phrase que j'avais explicitement signalée comme l'expression d'un mouvement d'humeur (relevant donc de l'hyperbole) que j'assumais dans la même mesure que tu assumes les propos de Jimi. Doit-on t'attribuer toutes les opinions de Jimi? Est-ce que j'adhère entièrement aux positions de mon « lecteur impatient »? De plus, on peut la lire autrement en mettant les majuscules ailleurs :
« Pourquoi faut-il toujours que la littérature québécoise REVIENNE encore et toujours à ces personnages faussement enfantins que nous devons à Réjean Ducharme? »
Ceci suggère que l'agacement en cause puise son origine non dans la surabondance des jeunes narrateurs, mais dans la reprise, réitération, répétition, reproduction à l'identique d'un type de personnage déjà utilisé, sinon usé ou usagé. Ergo, ce serait le manque d'originalité qui blesse et non l'excès.
Mais je m'arrête là, quoique ravi qu'une seule phrase ait déclenché tout ceci... Et je conclurai en indiquant que j'aime bien Jimi, mais plus dans la première partie du livre que dans la seconde. Quand il est le plus authentiquement enfant, même s'il est à l'âge le plus improbable pour ce qu'il signe... Le paradoxe ne me déplaît pas.
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