2007-08-01
Refaire la carte du Proche-Orient
Au stratège en chambre, il vient parfois des tentations. De refaire la carte du Proche-Orient, par exemple, en partant de deux constatations en attente d'un rapprochement...
Première constatation : la Turquie veut faire partie de l'Europe, mais elle n'a pas encore réglé son problème kurde, ce qui alimente une (petite?) partie des réserves européennes.
Seconde constatation : les Kurdes de la Turquie réclament plus d'autonomie, au moins culturelle, et les Kurdes irakiens rêvent d'indépendance, tandis que des politiciens et commentateurs étatsuniens proposent de scinder l'Irak en trois États : un État chiite, un État sunnite et un État kurde. À l'intérieur d'un État fédéral ou non...
Solution? L'Union européenne devrait profiter du fait qu'elle a le gros bout du bâton et exiger de la Turquie une refonte constitutionnelle (ce ne serait pas la première) qui en ferait une fédération. Un État kurde serait une des composantes de la nouvelle fédération turque, assurant aux Kurdes turcs la protection de leurs droits et une certaine autonomie.
Pourquoi la Turquie accepterait-elle de renoncer à l'ensemble de son histoire politique depuis Ataturk et à l'idéal d'un État-nation entièrement dominé par l'ethnie turque? D'abord, l'Union européenne accepterait aussitôt de lancer le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union. Ensuite, l'Union européenne proposerait aux États-Unis le rattachement à la Turquie des gouvernorats kurdes de l'Irak.
La Turquie agrandirait son territoire, mettrait peut-être la main sur quelques gisements pétroliers et pourrait assurer directement la protection des minorités turcophones en territoire kurde.
Les Kurdes irakiens se verraient offrir tout à la fois l'appartenance à l'Union européenne et le contrôle d'un État majeur à l'intérieur d'une fédération moderne et musulmane, sans parler de la réunification avec les Kurdes turcs. Diraient-ils non?
Le reste de l'Irak objecterait sans doute à cette partition, qui ferait pourtant l'économie d'une guerre civile éventuelle, mais les États-Unis pourraient en profiter pour annoncer leur retrait de l'Irak, exception faite des unités postées sur la ligne de partage, au nom de la défense d'un allié de l'OTAN — la nouvelle Turquie. Dans ces conditions, la première priorité des autres Irakiens serait la conquête du pouvoir au profit de groupes soit chiites soit sunnites, ce qui pourrait prendre un certain temps...
À plus longue échéance, on se doute qu'une telle solution pourrait susciter une forme d'irrédentisme. Après tout, c'est une modification semblables des frontières par les Britanniques qui a officialisé l'existence du Koweït, longtemps revendiqué par la suite par les dirigeants irakiens, et que Saddam Hussein a envahi en 1990 au nom de cette ancienne revendication. La solution au problème irakien exige-t-elle vraiment de boucler la boucle ainsi? Ou cela ne ferait-il que relancer l'agitation dans la région pour un autre siècle?
Les solutions sur papier sont simples, mais la carte n'est pas le territoire.
Première constatation : la Turquie veut faire partie de l'Europe, mais elle n'a pas encore réglé son problème kurde, ce qui alimente une (petite?) partie des réserves européennes.
Seconde constatation : les Kurdes de la Turquie réclament plus d'autonomie, au moins culturelle, et les Kurdes irakiens rêvent d'indépendance, tandis que des politiciens et commentateurs étatsuniens proposent de scinder l'Irak en trois États : un État chiite, un État sunnite et un État kurde. À l'intérieur d'un État fédéral ou non...
Solution? L'Union européenne devrait profiter du fait qu'elle a le gros bout du bâton et exiger de la Turquie une refonte constitutionnelle (ce ne serait pas la première) qui en ferait une fédération. Un État kurde serait une des composantes de la nouvelle fédération turque, assurant aux Kurdes turcs la protection de leurs droits et une certaine autonomie.
Pourquoi la Turquie accepterait-elle de renoncer à l'ensemble de son histoire politique depuis Ataturk et à l'idéal d'un État-nation entièrement dominé par l'ethnie turque? D'abord, l'Union européenne accepterait aussitôt de lancer le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union. Ensuite, l'Union européenne proposerait aux États-Unis le rattachement à la Turquie des gouvernorats kurdes de l'Irak.
La Turquie agrandirait son territoire, mettrait peut-être la main sur quelques gisements pétroliers et pourrait assurer directement la protection des minorités turcophones en territoire kurde.
Les Kurdes irakiens se verraient offrir tout à la fois l'appartenance à l'Union européenne et le contrôle d'un État majeur à l'intérieur d'une fédération moderne et musulmane, sans parler de la réunification avec les Kurdes turcs. Diraient-ils non?
Le reste de l'Irak objecterait sans doute à cette partition, qui ferait pourtant l'économie d'une guerre civile éventuelle, mais les États-Unis pourraient en profiter pour annoncer leur retrait de l'Irak, exception faite des unités postées sur la ligne de partage, au nom de la défense d'un allié de l'OTAN — la nouvelle Turquie. Dans ces conditions, la première priorité des autres Irakiens serait la conquête du pouvoir au profit de groupes soit chiites soit sunnites, ce qui pourrait prendre un certain temps...
À plus longue échéance, on se doute qu'une telle solution pourrait susciter une forme d'irrédentisme. Après tout, c'est une modification semblables des frontières par les Britanniques qui a officialisé l'existence du Koweït, longtemps revendiqué par la suite par les dirigeants irakiens, et que Saddam Hussein a envahi en 1990 au nom de cette ancienne revendication. La solution au problème irakien exige-t-elle vraiment de boucler la boucle ainsi? Ou cela ne ferait-il que relancer l'agitation dans la région pour un autre siècle?
Les solutions sur papier sont simples, mais la carte n'est pas le territoire.
Libellés : Futurisme, Irak, Politique