2007-03-11
Les mariages forcés au Québec
Les questions qu'on ne pose pas...
Hier, l'émission Ouvert le samedi de Radio-Canada s'est penchée sur le sujet des mariages forcés au sein des communautés culturelles au Québec, comme on dit. Quelle question n'a-t-on pas posée avant d'en faire une nouvelle crise? Eh bien, même si j'écoutais d'une oreille distraite, je n'ai entendu personne s'interroger sur l'ampleur réelle du phénomène. Les réactions suscitées par l'émission Enjeux ont été vigoureuses, et avec raison. Mais sans minimiser la tragédie des mariages forcés, il faudrait quand même pouvoir la situer dans le catalogue des autres tragédies sociales : meurtres, viols, coups et blessures, accidents de la route...
Des chiffres existent-ils? Les journalistes d'Enjeux semblent avoir surtout fourni des anecdotes, et non des statistiques. Encore une fois, je renvoie aux statistiques (.PDF) de l'immigration au Québec entre 2001 et 2005 : durant cette période, 58,4% des immigrants sont arrivés d'Asie et d'Afrique, soit 118 124 personnes. Durant cette même période, 62% des immigrants (de toutes provenances) avaient 14 années de scolarité et plus. Sans vouloir présumer, d'une part, que les mariages forcés sont le seul fait des Africains et des Asiatiques ou, d'autre part, qu'un haut niveau d'instruction exclut le recours aux mariages forcés, cela semble suggérer que les chiffres ont des chances d'être moins élevés que le bilan des accidents de la route associées à la prise d'alcool (200 morts, 1000 blessés graves, 2500 blessés légers).
En France, le candidat Philippe de Villiers proclame qu'il y aurait 70 000 mariages forcés (par année?), ce qui laisserait croire, ceteris paribus, à 7 000 mariages forcés au Québec... Toutefois, ce chiffre ne résiste pas à l'analyse, qui conclut qu'il y a eu confusion entre le nombre de jeunes filles exposées au risque de se faire imposer un mariage contre leur volonté et le nombre de tels mariages. Impossible de savoir donc ce qu'il en est en France.
Un rapport (.PDF) sur la situation britannique cite deux chiffres : 240 mariages forcés sur une période de 18 mois, soit 160 par année, et une évaluation approximative (remontant à 1999) de 1000 mariages forcés par année. Au Québec, on parlerait donc de 20 à 100 cas par année, ceteris paribus. C'est vague. Évidemment, il faudrait aussi tenir compte des mariages arrangés qui ne vont pas sans coercition, mais la variabilité des chiffres reflète sans doute la difficulté de les départager.
Lors de l'émission d'Ouvert le samedi, les participants se sont affrontés sur le respect de la loi par les immigrants. Encore une fois, on semble s'affronter sur la base d'un fort petit nombre de cas. La majorité reproche à la minorité de ne pas tenir compte de la loi; la minorité se braque et réclame le droit de ne pas se faire imposer des lois où elle ne se reconnaît pas.
La question qu'on ne pose pas : compte tenu de la réalité de la discrimination (.PDF) que subissent les minorités et du préjudice financier résultant, demandons-nous donc si les immigrants accepteraient plus facilement les contraintes de leur nouveau pays s'ils retiraient aussi les avantages associés à cette appartenance? Tant que les immigrants auront le sentiment (à raison) d'être exploités par une société qui profite de leur force de travail mais leur refuse des emplois dans la fonction publique ou des emplois à la hauteur de leurs diplômes, il ne faudra sûrement pas s'étonner qu'ils veulent faire bande à part!
Hier, l'émission Ouvert le samedi de Radio-Canada s'est penchée sur le sujet des mariages forcés au sein des communautés culturelles au Québec, comme on dit. Quelle question n'a-t-on pas posée avant d'en faire une nouvelle crise? Eh bien, même si j'écoutais d'une oreille distraite, je n'ai entendu personne s'interroger sur l'ampleur réelle du phénomène. Les réactions suscitées par l'émission Enjeux ont été vigoureuses, et avec raison. Mais sans minimiser la tragédie des mariages forcés, il faudrait quand même pouvoir la situer dans le catalogue des autres tragédies sociales : meurtres, viols, coups et blessures, accidents de la route...
Des chiffres existent-ils? Les journalistes d'Enjeux semblent avoir surtout fourni des anecdotes, et non des statistiques. Encore une fois, je renvoie aux statistiques (.PDF) de l'immigration au Québec entre 2001 et 2005 : durant cette période, 58,4% des immigrants sont arrivés d'Asie et d'Afrique, soit 118 124 personnes. Durant cette même période, 62% des immigrants (de toutes provenances) avaient 14 années de scolarité et plus. Sans vouloir présumer, d'une part, que les mariages forcés sont le seul fait des Africains et des Asiatiques ou, d'autre part, qu'un haut niveau d'instruction exclut le recours aux mariages forcés, cela semble suggérer que les chiffres ont des chances d'être moins élevés que le bilan des accidents de la route associées à la prise d'alcool (200 morts, 1000 blessés graves, 2500 blessés légers).
En France, le candidat Philippe de Villiers proclame qu'il y aurait 70 000 mariages forcés (par année?), ce qui laisserait croire, ceteris paribus, à 7 000 mariages forcés au Québec... Toutefois, ce chiffre ne résiste pas à l'analyse, qui conclut qu'il y a eu confusion entre le nombre de jeunes filles exposées au risque de se faire imposer un mariage contre leur volonté et le nombre de tels mariages. Impossible de savoir donc ce qu'il en est en France.
Un rapport (.PDF) sur la situation britannique cite deux chiffres : 240 mariages forcés sur une période de 18 mois, soit 160 par année, et une évaluation approximative (remontant à 1999) de 1000 mariages forcés par année. Au Québec, on parlerait donc de 20 à 100 cas par année, ceteris paribus. C'est vague. Évidemment, il faudrait aussi tenir compte des mariages arrangés qui ne vont pas sans coercition, mais la variabilité des chiffres reflète sans doute la difficulté de les départager.
Lors de l'émission d'Ouvert le samedi, les participants se sont affrontés sur le respect de la loi par les immigrants. Encore une fois, on semble s'affronter sur la base d'un fort petit nombre de cas. La majorité reproche à la minorité de ne pas tenir compte de la loi; la minorité se braque et réclame le droit de ne pas se faire imposer des lois où elle ne se reconnaît pas.
La question qu'on ne pose pas : compte tenu de la réalité de la discrimination (.PDF) que subissent les minorités et du préjudice financier résultant, demandons-nous donc si les immigrants accepteraient plus facilement les contraintes de leur nouveau pays s'ils retiraient aussi les avantages associés à cette appartenance? Tant que les immigrants auront le sentiment (à raison) d'être exploités par une société qui profite de leur force de travail mais leur refuse des emplois dans la fonction publique ou des emplois à la hauteur de leurs diplômes, il ne faudra sûrement pas s'étonner qu'ils veulent faire bande à part!
Libellés : Culture, Québec, Société