2007-02-12

 

L'affaire « Autres Mondes »

La semaine dernière, Denis Guiot, le directeur littéraire de la collection « Autres Mondes », a émis un communiqué qui est maintenant reproduit sur le site privé de la collection. Comme il a l'avantage d'être court, je le cite in extenso :

« La direction éditoriale de Fleurus - Mango Jeunesse vient de m'annoncer qu'elle s'oppose à la parution du futur roman de Nathalie Le Gendre Les Orphelins de Naja, que j'avais prévu de publier en mai 2007.

« La raison : le roman de Nathalie dénonce certaines pratiques pédophiles au sein d'une Église du futur (l'histoire se passe au XXIIIème siècle) sur une planète nouvellement colonisée.

« La direction éditoriale, je cite : « ne veut pas d'emmerdes avec les actionnaires ».

« C'est vrai que dans une collection appartenant à un groupe publiant nombre d'ouvrages religieux et leader du marché européen du missel, ça ferait désordre...

« Sauf revirement — fort improbable — de la direction, j'envisage donc de démissionner, estimant ne plus pouvoir travailler dans de bonnes conditions et garantir l'esprit et la qualité de la collection Autres Mondes.
»

Le sujet a depuis fait l'objet de discussions dans plusieurs forums, dont celui d'ActuSF, et de commentaires sur divers blogues du grand milieu littéraire français et francophone. Il est question d'une lettre ouverte et collective qui sera mise à la disposition de tous ceux qui souhaiteraient s'opposer, sur ActuSF et le Cafard Cosmique.

Pour contacter les Éditions Mango, on peut soit passer par internet soit par la poste : 15-27 rue Moussorgski, 75018, Paris, France.

Il reste certaines zones d'ombre. Un contrat aurait été signé avant le refus de publication, ce qui soulève la question du sort du roman de Nathalie Le Gendre. Si l'ingérence éditoriale en cause est déplorable, il serait encore plus grave que l'autrice en paie le prix, sous quelque forme que ce soit. Et il serait attristant de voir disparaître une des dernières collections pour la jeunesse francophone à publier de la science-fiction.

Il est quelque peu curieux qu'en France, pays nettement moins religieux que la moyenne en Occident, de si grands pans de l'édition soient contrôlés par des groupes d'allégeance ouvertement catholique. C'est le cœur du problème, en fait, car l'éditeur exerce ici son droit légitime de regard sur ce qu'il publie. Même s'il se trompe, à mon avis. Seulement, il reste de moins en moins de place pour publier ailleurs. (Nathalie Le Gendre pourrait soumettre son manuscrit à Médiaspaul en visant la collection Jeunesse-Plus, ce qui ne serait pas dénué d'ironie.) Il faut sans doute l'imputer en partie à la polarisation de la société française qui fait que plus les uns renoncent aux croyances traditionnelles plus les autres font des pieds et des mains pour conserver une certaine influence. Et quand cela s'unit à la tendance mondiale à la concentration des médias, cela donne un pouvoir démesuré à quelques décideurs.

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