2007-01-05

 

Le conservatisme en marche

Reçu aujourd'hui : un exemplaire gratuit de la revue Maclean's.

Une promotion quelconque, sans doute. Il ne me faut pas longtemps pour décider que je ne m'y abonnerai pas. Cela fait longtemps que j'ai cessé de la lire, ou même de la feuilleter dans les magasins de journaux. Internet me fournit une ration suffisante de nouvelles et de commentaires. De plus, ce qu'il y avait de rafraîchissant (si si!) dans l'iconoclasme des commentateurs de droite qui sévissaient déjà dans les pages de la revue au cours des années 80 ne l'était plus après la chute du mur de Berlin et a été carrément discrédité par la seconde ère Bush aux États-Unis. Mais sans doute la revue continue-t-elle à miser sur les mêmes lecteurs, maintenant vieillissants, qui n'ont pas encore le réflexe de se tourner vers internet pour obtenir leur dose.

De fait, dans le numéro fourni en guise d'échantillon, la tendance est au conservatisme tous azimuts. Mark Steyn recense un nouveau roman de Crichton en félicitant l'auteur pour sa critique des environnementalistes dans State of Fear. Le dossier de couverture porte sur l'habillement trop sexy des fillettes et jeunes filles, ce qui sert de prétexte à des jérémiades sur les temps et les mœurs. Barbara Amiel vilipende la délation trop en vogue, ce qui ne doit pas surprendre de la part de quelqu'un que l'on dénonce pour avoir profité (avec son mari ou grâce à lui) de nombreux passe-droits et autres avantages plus ou moins défendables.

De fait, l'initiative de Black de lancer le National Post pour dynamiser le conservatisme canadien continue à rapporter. Les anciens du journal n'ont pas été purgés du système politique canadien, au contraire, et ils colportent toujours leur évangile d'extrême-droite, même lorsque l'expérience n'a en rien démontré la justesse de leurs idées. (Dernière démonstration en date de l'inanité de la vénération du secteur privé : l'élection de Larry O'Brien comme maire d'Ottawa. Népotisme, incompétence et gaspillage des fonds publics en augmentations de salaires sont déjà au rendez-vous.) Le gouvernement de Stephen Harper, qui représente une minorité du spectre politique, s'appuie sur les discours de cette cinquième colonne pour se faire passer pour réaliste et raisonnable.

C'est ce conservatisme idéologique basé dans l'Ouest canadien qui repousse un nombre grandissant de Québécois de gauches qui ne sont pas nécessairement séparatistes, mais qui n'ont pas envie de loger à la même enseigne qu'une telle bande de réactionnaires. (Mais il faudrait alors renoncer aux sous du pétrole, ce qui est moins évident.)

De plus en plus, je me pose des questions sur la géopolitique canadienne. Dans des circonstances plus extrêmes, des observateurs comme Ricardo Hausmann (JSTOR, « Prisoners of Geography », Foreign Policy, janvier-février 2001) ou Manus I. Midlarsky (JSTOR, « Environmental Influences on Democracy », The Journal of Conflict Resolution, juin 1995) ont fait des rapprochements entre le degré de développement et de démocratisation des pays et l'éloignement de la mer. Les mécanismes postulés font intervenir la pluviosité plus grande des contrées littorales et la sécurité plus grande des entités insulaires ou péninsulaires, deux facteurs qui favoriseraient le développement de sociétés moins autoritaires et moins militarisées. Moins concrètement, l'accès à la mer a favorisé dans le passé la circulation des idées, et donc la tolérance de la diversité, et ainsi de suite. Est-ce un hasard si l'Alberta, bastion du conservatisme canadien, est une des deux provinces les plus éloignées de la mer?

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Comments:
Maudit communisse! J'ai hâte que des hommes à poigne prennent le contrôle de l'Internet pour nous épargner cette diahrrée geignarde et gauchisante. Va donc travailler à quelque chose d'utile au lieu de salir ceux qui bâtissent le pays!

Un Canadien, fier de l'être,

Joël Champetier

PS: Intriguante, cette relation possible entre le développement et l'éloignement maritime. Notons qu'aux USA, le Colorado est assez novateur et libéral.
 
Quelque chose d'utile... pour Solaris ? Mais comme j'ai déjà une nouvelle en banque...

C'est une corrélation approximative, et qui admet bien des modulations. Après tout, au Canada, l'autre province dépourvue d'accès à la mer est la Saskatchewan, qui est relativement à gauche...

Mais aux Etats-Unis, les red states récents, généralement conservateurs, occupent le centre du continent (et aussi le sud, pour des raisons historiques). Notons qu'au fil des ans, le conservatisme a parfois changé de camp. Au XIXe s., les Démocrates (bleus) étaient plus conservateurs à plusieurs égards.

Mais cette corrélation a d'abord été appliquée à des cas historiques (l'Angleterre d'avant la Révolution industrielle) ou plus extrêmes (si on compare l'Afghanistan ou les autres Etats enclavés d'Asie centrale à des Etats littoraux). A l'ère des voyages aériens, la corrélation pourrait sembler moins bien fondée, mais c'est toujours moins cher, quand on vient de l'extérieur, d'aborder dans une ville côtière. (Le billet d'avion pour New York est moins cher quand on vient d'Europe que celui pour Chicago ou Kansas City.)

Le Canada est un cas assez curieux parce que la Voie maritime du Saint-Laurent fait de Thunder Bay (et de toutes les villes majeures jusqu'à Thunder Bay, à part Ottawa) un port de mer, tandis que même le Manitoba a un accès à la mer par le nord. La Voie maritime sert surtout au commerce, mais elle fait de l'économie canadienne une partie intégrante de l'économie mondiale, et plus qu'aux Etats-Unis, sauf erreur.
 
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