2007-01-04

 

L'attrait de l'uchronie

Le décès de Gerald Ford a remis en mémoire l'expression qu'il avait employée en devenant président des États-Unis.

A posteriori, on peut également appliquer ces mots à sa décision d'absoudre Nixon, dans la mesure où il sentait le besoin de mettre fin à un long cauchemar national (long national nightmare). Aujourd'hui, j'ai l'impression que de nombreux citoyens des États-Unis ont encore l'impression d'avoir plongé dans un cauchemar ou de vivre dans un monde bizarre et parallèle depuis le 11 septembre 2001. De temps en temps, il surgit des tentatives uchroniques d'imaginer un déroulement différent, d'atténuer l'horreur du 11 septembre, de revenir en arrière...

Un élan semblable est à l'œuvre dans le film Deja Vu de Tony Scott. Il s'agit après tout d'un attentat terroriste meurtrier qui a lieu en février 2006 à la Nouvelle-Orléans, ville dévastée par l'ouragan Katrina. Ce sont deux éléments du cauchemar de l'Amérique de Bush qui sont réunis dans un scénario et le thriller de science-fiction fait miroiter l'espoir de revenir en arrière pour sauver des victimes du terrorisme, à défaut de sauver les victimes de Katrina. Doug Carlin, un agent appelé sur les lieux d'un attentat meurtrier, fait des découvertes importantes avant d'être recruté pour faire partie d'un exercice de surveillance du passé permis par l'utilisation d'une connexion directe.

Les boucles temporelles ne sont pas toujours traitées avec rigueur par les scénaristes d'Hollywood, mais Deja Vu relève le défi avec maîtrise, en faisant appel (sans la nommer) à la théorie des univers multiples d'Everett. Les personnages parlent même d'un pont d'Einstein-Rosen...

Je ne révèle rien en disant que Carlin finit par remonter dans le temps. Et c'est ce voyage qui m'a conquis, car le film nous présente la chose comme un saut dans l'inconnu, un geste insensé de Carlin qui est poussé par un amour fou pour une jolie jeune femme qu'il ne connaissait pas deux jours plus tôt, Claire (dont le prénom est presque un anagramme de Carlin). Tout indique que Carlin parie sur un miracle pour s'en tirer puisque les physiciens aux commandes de la machine sont convaincus que le voyage dans le temps dégrade toute l'activité électrique des corps vivants. J'étais en train de me dire que les chances de Carlin seraient nettement meilleures s'il apparaissait dans un hôpital quand il émerge bel et bien sur une civière des urgences d'un hôpital !

C'est si rare qu'un film hollywoodien surprenne par son intelligence que je lui ai pardonné les quelques accrocs du scénario. (Le film semble suggérer que la première tentative d'intervenir dans le cours des événements oblige le terroriste à obtenir le VUS de Claire alors qu'il l'a déjà contactée... Et on comprend mal comment Carlin reste piégé dans le véhicule à la fin quand Claire réussit à s'en sortir, si ce n'est que pour la commodité du scénario.)

Néanmoins, le film démontre une fois de plus que la sf s'est vulgarisée. Les recettes et concepts de la sf ne sont plus inconnus du tout-venant des créateurs et du grand public, au point où on a reproché au film de recycler des ficelles éculées.

En fait, j'ai trouvé que le choix du film de laisser entendre qu'il était possible de changer le cours des événements, mais avec difficulté, introduisait un suspense délicat. Quand Carlin remonte dans le temps, il ne peut pas savoir s'il va réussir à modifier le dénouement meurtrier voulu par le terroriste. Malgré ses tentatives de modifier le cours des choses, il retombe dans un sentier déjà tracé. Paradoxalement, le film entretient le suspense parce que la fin est connue depuis les premiers instants du film et qu'on ne sait pas si elle va changer. C'est tout l'attrait de l'uchronie, vécu en direct, mais, comme je l'ai déjà dit, les uchronies qui présentent une version améliorée du présent sont délicates.

Je trouve intéressant que le film ne tente pas de changer le cours des événements un certain 11 septembre 2001 à New York. (Un héros seul dans le moule hollywoodien habituel aurait eu du mal puisqu'il y avait quatre avions...) Doug Carlin tente de prévenir un attentat complètement imaginaire qui a lieu dans une ville dévastée par une catastrophe tout ce qu'il y a de plus réel. Cela semble confirmer qu'il aurait été trop délicat d'imaginer un monde où les morts du 11 septembre 2001 n'auraient pas eu lieu...

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Comments:
Salut, Jean-Louis, et bonne année. J'ai besoin de te contacter, comment je fais ?

Bises,
Selene
 
Bonne Année !

Je viens de t'envoyer un courriel à
ton adresse gmail. Si elle n'est
pas bonne, dis-le moi.
 
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