2006-12-06

 

Pour vaincre les pourriels

Sur internet, je suis un vieux de la vieille. Pas un Grand Ancien, non, pas un de ceux qui étaient déjà en-ligne durant les années 1970, mais je me suis branché au grand réseau en 1989 environ. (J'ai encore l'imprimé d'un appel à l'aide lancé les étudiants chinois de la place Tiananmen en 1989 et relayé autour du monde par internet.)

Et, de temps en temps, je regrette l'ancien temps.

Autrefois, il n'y avait pas de pourriels. Ils sont apparus d'abord dans les forums, mais il était facile alors de les ignorer. Puis, ils sont apparus dans les boîtes à lettres, mais il était encore possible de bombarder les adresses d'origine pour les décourager. Puis, les expéditeurs ont appris à déguiser leur identité, à créer de nouvelles adresses, à en créer de fausses... C'était le début de la fin.

Mais les pourriels sont toujours faciles à reconnaître. Aujourd'hui encore, deux de mes boîtes à lettres sont opérées en mode texte et je n'ai aucun mal à déceler d'un coup d'œil les messages frauduleux, et ceci sans avoir à gaspiller de la bande passante en ouvrant des images qui sont parfois des liens vers des sites suspects. En fait, dans la plupart des cas, je peux effacer 90% des pourriels parce que les intitulés sont en anglais, sont grevés de fautes ou correspondent aux mêmes grandes catégories d'escroqueries.

Du coup, on voit toute la différence qu'il y a encore entre l'intelligence humaine et l'intelligence artificielle. Je peux éliminer de nombreux pourriels sur la base d'une poignée de mots (entre autres, parce que je connais mes correspondants et parce que je sais que la plupart s'expriment dans une langue correcte), mais les logiciels de filtrage actuels doivent passer tout le message au crible, et sans obtenir un résultat équivalent.

La solution passera sans doute un jour soit par une attaque du mal à la racine (en poursuivant les criminels) soit par une identification de plus en plus serrée des logiciels et de leurs propriétaires. Quand les logiciels sauront tout ce que je sais, ils seront beaucoup plus performants. Mais j'aurai renoncé à une partie de ma vie privée...

Il paraît que les nouveaux pourriels convainquent un certain nombre de pigeons d'acheter les actions des compagnies vantées par les destinataires, ce qui profite aux détenteurs d'actions dont la valeur monte ou aux propriétaires qui peuvent revendre au prix fort. Il me semble qu'il devrait y avoir là un moyen de retracer les coupables, en y mettant le temps. Ce qui est clair, en revanche, c'est qu'il ne faut pas compter sur les pigeons. D'eux, on ne se débarrassera jamais. Barnum (ou un certain Hannum) avait raison.

L'autre jour, un expert fixait à 5% des destinataires le taux de naïfs. Cela me semble élevé, mais, en fin de semaine, un journaliste suisse expliquait à la radio que son enquête sur les cas rapportés de signalements d'OVNI montrait que 10% des cas étaient inexplicables. Les témoins semblaient de bonne foi et rien ne permettait de croire à une méprise avec un phénomène connu. Il fallait donc croire à la véracité des témoignages, ou croire qu'il s'agissait d'affabulations... de bonne foi, peut-être.

En tout cas, le taux de réponses aux pourriels me semble être une aussi bonne mesure de la crédulité aveugle que le pourcentage de cas inexpliqués d'OVNIs. Après tout, selon Stewart Guthrie, la suggestibilité est une qualité sans doute sélectionnée par l'évolution. Il est préférable de voir des choses qui n'existent pas que de ne pas voir des choses qui existent. Le seuil de discrimination est donc très bas chez l'humain, d'où l'existence des pourriels, malheureusement.

Libellés : , ,


Comments: Publier un commentaire

<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?