2006-09-28

 

Décisions politiques et politiques de la décision

Les coupures de programme annoncées par le gouvernement Harper confirment, s'il le fallait, que les Conservateurs ont décidé de tout faire pour avoir l'air décisifs, même s'il faut pour cela friser l'obstination malheureuse dans certains dossiers. C'est une stratégie — et c'est aussi un pari. D'une part, il s'agit de se distinguer du gouvernement précédent de Paul Martin, qui a fait beaucoup d'annonces sans jamais donner l'impression de trancher et qui tendait, de surcroît, à marcher dans les plates-bandes des provinces. Le gouvernement Harper a bien retenu la leçon, en se concentrant sur les dossiers (la défense) où il n'a pas besoin de négocier pour arriver à ses fins. D'autre part, il s'agit de quelque chose de plus flou, c'est-à-dire de conférer à Harper l'aura d'un chef avec de la poigne.

Les Canadiens — c'est presque un secret honteux — aiment les chefs qui en ont. Le pays s'est fatigué de Jean Chrétien, rattrapé par l'usure du pouvoir, les scandales et une liste de réalisations un peu courte. Mais la popularité de Chrétien n'a pas vraiment souffert de la main de fer avec laquelle il dirigeait son parti et de sa fermeté presque brutale dans certains dossiers. Même Pierre Elliott Trudeau, honni dans tout le pays quand il s'est retiré, a été réhabilité au Canada anglais parce que sa légende souligne ses refus de se faire intimider. En revanche, Paul Martin est vite tombé dans l'oubli parce qu'il était incapable de dire non — et pareillement incapable de dire oui.

Néanmoins, si Harper mise sur la politique de la décision, il n'échappera à personne que ses décisions sont très orientées politiquement. Dans la liste de ses coupures figurent des victimes qui suscitent déjà les protestations. Le programme de remboursement de la TPS pour les touristes (qui tombe bien mal pour Boréal, qui essaie de recruter des visiteurs étrangers l'an prochain). Un programme d'appui aux musées. Un organisme de réflexion sur l'avenir des lois. Un organisme de soutien aux contestations judiciaires par les minorités. Des programmes d'aide aux plus démunis.

Le risque, à mon avis, c'est que cela renforce aussi une autre réputation qu'il est en passe d'acquérir, en particulier depuis ses remarques cet été sur les mesures de rétorsion d'Israël. Plus il cultive sa base idéologique, plus il risque d'apparaître comme un idéologue dépourvu de compassion, de tolérance et d'ouverture d'esprit.

Au point de lui coûter des voix? Oui, sans doute. Au point de lui faire perdre les prochaines élections? Pas si sûr. Les Libéraux ont commis l'erreur, durant leurs dernières années au pouvoir, de se montrer également peu réceptifs aux priorités plus culturelles ou sociales. On se souviendra de la promesse de dernière minute d'augmenter le budget du Conseil des Arts du Canada... Par conséquent, ils sont mal placés pour bénéficier d'un rejet des Conservateurs de Harper sur ce front. Quant au Québec, tant que le Bloc continue à jouer le blocage, il ne pourra pas vraiment peser dans la balance. Son importance va diminuer, d'ailleurs, maintenant que l'Alberta et la Colombie-Britannique ont le même poids démographique ensemble que le Québec.

Avec le Québec hors-jeu, l'Ouest aux Conservateurs et les provinces de l'Atlantique qui font contrepoids aux provinces des Prairies, la décision reviendra sans doute une fois de plus à l'Ontario...

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