2006-08-02

 

Il ne faut pas croire...

Dans son édito vidéo hebdomadaire, Denis Jeambar de L'Express affirme qu'il faut croire les extrémistes — nommément Ahmadinejad et Nasrallah — lorsqu'ils affirment que l'État israélien doit disparaître. Et certes, la rengaine antisémite (Delenda est Carthago!) de l'ultra-conservateur Caton l'Ancien a fini en son temps par produire, à force d'insistance, l'effet voulu. (Antisémite? Mais oui, puisque les Carthaginois d'origine phénicienne parlaient une langue sémitique, le punique...)

Mais Jeambar, qui a le don de s'exciter facilement comme tous les éditorialistes de métier, se contredit aussitôt en soutenant que la guerre au Liban a été commencée (et il faut clairement entendre : voulue) par le Hezbollah. Dans ce cas, il refuse de prendre au mot Nasrallah lui-même qui, dans une entrevue, refuse explicitement de considérer l'enlèvement des soldats israéliens comme un casus belli, qui avoue ne pas s'être attendu à une guerre et qui affirme qu'elle a été commencée par les Israéliens. (Le Hezbollah semble avoir surestimé l'effet dissuasif de son arsenal, comme je le disais.) Alors, il faut croire ou il ne faut pas croire?

Jeambar conclut en invoquant la survie d'Israël. Cette justification de la guerre actuelle revient souvent dans les propos des apologistes occidentaux, mais elle est rarement assortie d'une démonstration satisfaisante. Un État pourvu d'une centaine de bombes nucléaires, minimum, peut-il raisonnablement craindre pour sa survie? Ce ne sont pas les milliers de roquettes du Hezbollah qui constituent une menace réelle; au rythme actuel, l'utilisation de l'arsenal complet du Hezbollah produirait moins de victimes que les attentats de Madrid. Personne n'a craint alors pour la survie de l'Espagne...

Reste le spectre d'une bombe nucléaire iranienne, qui n'existe pas encore, qui n'existera pas avant deux ou trois ans au plus tôt selon les experts et qui ne représenterait une menace que si on croit que les dirigeants iraniens largueraient leur première bombe sur Tel-Aviv (on peut douter qu'ils viseraient Jérusalem, qui est aussi une ville sainte pour les Musulmans) en sachant que les missiles israéliens détruiraient ensuite des dizaines de villes iraniennes, en commençant par Téhéran. Pour crédibiliser une telle éventualité, on fait souvent allusion aux haines inexpiables du monde musulman ou de l'Orient, mais quand l'Inde et le Pakistan ont envisagé la possibilité d'un échange de bombes nucléaires (et il s'agit de deux pays populeux, qui pourrait tolérer des pertes plus élevées que l'Iran, si on va par là), des esprits plus sages l'ont emporté, malgré l'ancienneté et l'intensité des ressentiments qui les opposent. Et contre tout ennemi ne disposant que d'armes conventionnelles, Israël disposerait toujours de l'argument ultime en cas de défaite sur le terrain de ses forces armées.

Bref, c'est une obsession de la sécurité totale qui anime Israël. C'est une nouvelle forme de la poursuite du zéro mort, qui tient pour intolérable la moindre perte causée par un ennemi, terroriste ou non. C'est donc une nouvelle utopie, qui pourrait entraîner les mêmes dégâts que plusieurs autres utopies...

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