2006-04-23
À Québec comme à Glasgow
Bouquinville se dissout dans la pluie. Les flaques aspirent les lumières de la ville et la tristesse des dimanches enfuis éteint les vitrines avant l'heure. Les rues se vident, les pubs s'emplissent, mais pas pour longtemps. C'est dimanche, c'est la fin du salon, que tout le monde rentre chez soi et tourne la page.
Petite journée au Salon international du Livre de Québec, donc. Francine et René sont les seuls nouveaux visages et je rate l'occasion de faire signer à Max et Monique Nemni leur nouveau livre sur la jeunesse de Trudeau — ils ont quitté plus tôt que prévu leur table de dédicaces. Je salue Hervé Fischer dont le dernier livre, malgré un titre alléchant, Nous serons des dieux, ne consacre que quelques pages au post-humain ou au transhumanisme. Et c'est le dernier tour : derniers achats et ultimes salutations.
Arpentant les rues de la vieille ville sous la pluie battante, je me souviens de Glasgow... en juillet. Québec a aussi des racines gaéliques — irlandaises et écossaises et bretonnes. L'architecture de certains quartiers de la capitale rappelle les édifices sobres et victoriens de Glasgow. La pluie aussi.
Mais Glasgow est également une ville évoquée par Ken MacLeod (un résidant d'Édimbourg) dès les premières pages de son roman The Sky Road. Celui-ci est paru après The Cassini Division, mais une partie du récit est chronologiquement antérieur.
The Cassini Division est un space-op moderne. Les ingrédients du sous-genre (fondé ou refondé par Iain Banks, entre autres) sont au rendez-vous : IA transcendantes, physique à la page (mais pas nécessairement rigoureuse), action soutenue et schémas politiques qui échappent aux catégories habituelles. J'ai aimé.
La Division Cassini du titre est le bras armé d'une entité politique communiste — au sens original du terme chez Marx, c'est-à-dire post-dictature du prolétariat — qui s'étend sur l'essentiel du système solaire. Cette force militaire spatiale est chargée du blocus de Jupiter, ultime refuge de personnalités téléchargées devenues des IA rapides, qui pensent et vivent à un rythme plus élevé que les humains ordinaires. La Division Cassini surveille aussi un trou de ver qui donne accès à la Nouvelle-Mars, une planète à dix mille années-lumière de la Terre, colonisée par des propriétaires d'esclaves robotisés, dotés de personnalités téléchargées de force ou de personnalités entièrement artificielles, au service d'une élite longève.
La mission sur Terre de la commandante (de facto) du Terrible Beauty de la Division Cassini permet aux lecteurs de découvrir les grands traits de cette société d'un futur pas trop éloigné. L'accroissement de la longévité fait de certains personnages des témoins privilégiés de toute l'histoire récente, depuis l'effondrement de la civilisation au vingt-et-unième siècle jusqu'à l'époque du livre.
Le seul défaut du livre, c'est sans doute d'être trop systématique. Tous les grands mystères présentés par l'auteur au début du récit sont éclaircis ou résolus. Il devrait toujours rester une part de mystère, si on tient à la vraisemblance... Et le personnage principal, malgré quelques préjugés un peu trop facilement surmontés, est une héroïne qui a, en fin de compte, raison sur presque toute la ligne et qui va remporter une victoire presque complète. Un tel triomphe est trop beau pour être tout à fait honnête. Heureusement, MacLeod injecte une note plus dubitative en suggérant que le système de l'Union devra faire face à une menace encore plus insidieuse que celle des IA joviennes, menace représentée par les capitalistes forcenés (yankees jusqu'à la caricature) de la Nouvelle-Mars. C'est Aelita à l'envers!
Petite journée au Salon international du Livre de Québec, donc. Francine et René sont les seuls nouveaux visages et je rate l'occasion de faire signer à Max et Monique Nemni leur nouveau livre sur la jeunesse de Trudeau — ils ont quitté plus tôt que prévu leur table de dédicaces. Je salue Hervé Fischer dont le dernier livre, malgré un titre alléchant, Nous serons des dieux, ne consacre que quelques pages au post-humain ou au transhumanisme. Et c'est le dernier tour : derniers achats et ultimes salutations.
Arpentant les rues de la vieille ville sous la pluie battante, je me souviens de Glasgow... en juillet. Québec a aussi des racines gaéliques — irlandaises et écossaises et bretonnes. L'architecture de certains quartiers de la capitale rappelle les édifices sobres et victoriens de Glasgow. La pluie aussi.
Mais Glasgow est également une ville évoquée par Ken MacLeod (un résidant d'Édimbourg) dès les premières pages de son roman The Sky Road. Celui-ci est paru après The Cassini Division, mais une partie du récit est chronologiquement antérieur.
The Cassini Division est un space-op moderne. Les ingrédients du sous-genre (fondé ou refondé par Iain Banks, entre autres) sont au rendez-vous : IA transcendantes, physique à la page (mais pas nécessairement rigoureuse), action soutenue et schémas politiques qui échappent aux catégories habituelles. J'ai aimé.
La Division Cassini du titre est le bras armé d'une entité politique communiste — au sens original du terme chez Marx, c'est-à-dire post-dictature du prolétariat — qui s'étend sur l'essentiel du système solaire. Cette force militaire spatiale est chargée du blocus de Jupiter, ultime refuge de personnalités téléchargées devenues des IA rapides, qui pensent et vivent à un rythme plus élevé que les humains ordinaires. La Division Cassini surveille aussi un trou de ver qui donne accès à la Nouvelle-Mars, une planète à dix mille années-lumière de la Terre, colonisée par des propriétaires d'esclaves robotisés, dotés de personnalités téléchargées de force ou de personnalités entièrement artificielles, au service d'une élite longève.
La mission sur Terre de la commandante (de facto) du Terrible Beauty de la Division Cassini permet aux lecteurs de découvrir les grands traits de cette société d'un futur pas trop éloigné. L'accroissement de la longévité fait de certains personnages des témoins privilégiés de toute l'histoire récente, depuis l'effondrement de la civilisation au vingt-et-unième siècle jusqu'à l'époque du livre.
Le seul défaut du livre, c'est sans doute d'être trop systématique. Tous les grands mystères présentés par l'auteur au début du récit sont éclaircis ou résolus. Il devrait toujours rester une part de mystère, si on tient à la vraisemblance... Et le personnage principal, malgré quelques préjugés un peu trop facilement surmontés, est une héroïne qui a, en fin de compte, raison sur presque toute la ligne et qui va remporter une victoire presque complète. Un tel triomphe est trop beau pour être tout à fait honnête. Heureusement, MacLeod injecte une note plus dubitative en suggérant que le système de l'Union devra faire face à une menace encore plus insidieuse que celle des IA joviennes, menace représentée par les capitalistes forcenés (yankees jusqu'à la caricature) de la Nouvelle-Mars. C'est Aelita à l'envers!
Libellés : Livres, Québec, Salon du livre