2006-01-24

 

Premier ministre à l'essai

Un premier ministre s'en va, un autre arrive.

Paul Martin annonce qu'il se retire et Stephen Harper sera appelé à former le prochain gouvernment par la gouverneure-générale. Mais les espérances des Conservateurs retombent. Ils auront un gouvernement ultra-minoritaire et non la majorité apparue comme un mirage à l'horizon des sondages, il y a quelques semaines.

Une coalition est-elle possible? Il faut d'abord poser que le Bloc Québécois est hors-jeu. Les Conservateurs auraient donc le choix de s'allier aux Libéraux ou au NPD. Ils sont plus proches des Libéraux que du NPD, mais un parti au chef en partance pourrait-il conclure une alliance? Reste le NPD. Et André Arthur. Ensemble, les Conservateurs, le NPD et André Arthur pourraient disposer d'une majorité absolue — selon l'évolution des ultimes décomptes cette nuit. Moins le président de la chambre (forcément Conservateur), ils pourraient avoir les 154 voix qu'il leur faudrait. (Pour l'instant, il leur manque toujours une voix...)

Est-ce envisageable? J'ignore ce qu'André Arthur pourrait réclamer. Mais je crois que le NPD devrait exiger le prix fort, c'est-à-dire la réforme du mode de scrutin, soit la représentation proportionnelle soit une représentation plus équitable des citadins. Car il est clair que le NPD est un des plus grands perdants, une fois de plus, dans le cadre du mode de scrutin canadien. Avec 17,5% des voix, il obtient 9,1% des sièges en ce moment, tandis que le Bloc obtient 16,2% des sièges avec 10,5% des voix. (Mais le Parti Vert est certainement le plus cruellement floué : avec 4,5% des voix, il n'a aucune représentation.) Il faudrait que le NPD accepte d'entériner des politiques diamétralement opposées à ses convictions, à court terme, afin d'en tirer un bénéfice à long terme. À mon avis, toute autre entente entre les Conservateurs et le NPD serait un marché de dupes, en particulier pour le NPD.

Mais ce sont les seules possibilités. Il semble donc que le gouvernement conservateur sera obligé de gouverner comme les Libéraux de Paul Martin, en concluant des alliances au cas par cas. Difficile d'envier Stephen Harper, mais il a creusé sa propre tombe. Il a suffi d'une phrase malencontreuse, on dirait, pour faire douter de ce qu'il préparait pour le Canada. En évoquant un Sénat libéral, une fonction publique libérale et des juges libéraux, il a révélé d'abord une espèce de paranoïa assez présente dans l'extrême-droite mais qui n'était pas ce que l'électorat canadien recherchait. Bien plus qu'un changement d'orientations politiques, les électeurs désiraient de toute évidence un changement du personnel politique. Ensuite, il a semé le doute en suscitant la question de savoir ce qu'il planifiait qui serait à ce point contraire aux convictions de toute la Cour suprême, de toute la fonction publique et de tout le Sénat...

Dès lors, Stephen Harper ne se battait plus contre Paul Martin. Il se battait contre le fantôme de Michael Harris en Ontario et il se battait contre le spectre du néo-conservatisme de George W. Bush. De toute évidence, il a sous-estimé leur influence sur l'électorat, en particulier en Ontario et en Colombie-Britannique. Et dans les grandes villes du pays, où se trouvent souvent les circonscriptions les plus pauvres et les plus sensibles aux dangers d'un programme d'extrême-droite, il n'aura donc aucun député.

La prochaine élection s'annonce déjà, mais gageons que le Bloc Québécois ne sera pas si pressé cette fois de faire tomber le gouvernement conservateur. Les Conservateurs ont grugé le vote et les sièges bloquistes au Québec. Ils pourraient continuer à le faire, en particulier s'ils arrivent à s'entendre entre temps avec Mario Dumont et avec le gouvernement de Jean Charest, ce qui pourrait redonner un certain lustre au fédéralisme (mais à quel prix?).

Le choix des enjeux des Conservateurs durant la prochaine session parlementaire sera crucial. Un vote libre sur les mariages entre conjoints de même sexe sera une promesse facilement tenue. La baisse de la TPS aussi. Mais que se passera-t-il si Harper tente de faire sortir le Canada du traité de Kyoto? Surtout s'il tente de le faire durant les premiers mois de son administration? Comme les commentateurs le font déjà remarquer, le chef des Libéraux en 1979 avait également annoncé qu'il se retirait — pour mieux revenir lorsque les Progressistes Conservateurs avaient été défaits quelques mois plus tard.

On ne va pas s'ennuyer.

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