2006-01-28

 

Participation électorale

Au Canada, la participation au vote de lundi dernier était en hausse, mais il n'y avait pas de quoi se vanter (elle était tout juste sous la barre des 65%). La discussion repart donc de plus belle, comme en témoigne un article de Carl Wilson dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, qui mentionne une étude — enfin, une expérience — de chercheurs des universités Tufts et Yale. En effet, Elizabeth Addonizio et Donald Green (de Yale), en collaboration avec Timothy J. Ryan (de Tufts), sont partis d'une observation historique. Au XIXe s., les bureaux de scrutin aux États-Unis étaient souvent installés dans des lieux au centre de la vie collective, en particulier dans les saloons. L'atmosphère était donc assez festive.

En 2005, ces trois chercheurs ont donc choisi deux villages de l'État du New Hampshire. Dans le premier, ils ont organisé une petite fête (avec clowns, DJ, barbe-à-papa et popote en plein air) aux portes du bureau de scrutin. Dans l'autre, le vote avait lieu comme d'habitude. Or, près de 1500 électeurs ont voté dans le premier cas, tandis que le second village n'avait attiré que 400 électeurs. Ils en concluent qu'un contexte plus festif favoriserait la participation.

En tout cas, je suis assez porté à croire qu'une amélioration de la logistique du vote, en particulier en multipliant les lieux de vote, ne ferait pas de mal. (À l'ère de l'informatique, pourquoi donc ne pourrait-on pas voter dans n'importe quel bureau, partout en ville?) Pour aller voter lundi dernier, j'ai dû marcher plus de deux kilomètres sur des trottoirs glacés ou enneigés (sans compter quelques volées de marches à monter et descendre aussi dans ces conditions hivernales) et j'ai eu une pensée pour les moins ingambes que moins. En ville, tout le monde n'a pas une voiture et les transports en commun dans une circonscription aussi grande que la mienne ne facilitent pas toujours la tâche de se rendre dans le bon bureau de scrutin. Certes, voter n'avait rien de particulièrement ardu, mais si on veut augmenter le niveau de participation, il faudrait s'interroger sur de nouvelles pistes.

Même si cela coûterait plus cher, par exemple, on pourrait multiplier les bureaux de scrutin. Au lieu de tout centraliser en un seul endroit, on trouverait des mini-bureaux de scrutin dans de nombreux lieux publics — et même dans les rez-de-chaussée de grands immeubles (il faut aller là où se trouvent les électeurs). Dans les restaurants et les centres commerciaux, par exemple. Dans certains cas, les bureaux ne seraient pas ouverts en permanence; ils pourraient viser les heures de grande affluence. Le départ au travail le matin. Le retour au foyer le soir. Le magasinage ou la pause repas durant l'heure du midi. Les frais de sécurité et de transport des urnes seraient plus élevés, mais il serait aussi plus difficile d'oublier qu'il y a élection, car l'électeur moyen ne pourrait se rendre nulle part sans tomber sur un isoloir... Tout simplement.

Sociologiquement, on relève aussi le nombre en baisse des jeunes électeurs. Apparemment qu'ils ne se sentent pas concernés... Parmi les hypothèses qu'on ne semble pas formuler très souvent mais qu'il me semblerait évident d'examiner, il y a deux choses : la longueur croissante des études postsecondaires et la paupérisation relative des jeunes couples et travailleurs. En effet, il y a quelques décennies, les jeunes passaient pour la plupart directement de l'école au marché du travail. En quelques années, ils fondaient une famille et acquéraient un foyer. Or, quand on a un bien et une position dans la société à défendre, sans parler des enfants, on se sent concerné par beaucoup plus de mesures politiques que si on est un simple étudiant toujours accaparé par l'université, un chômeur précarisé par les jobines et les contrats à court terme ou même un célibataire au travail mais encore simple locataire dans la cité.

Comme on le sait, la participation électorale est beaucoup plus basse aux États-Unis. Et la société étatsunienne est de plus en plus polarisée entre riches et pauvres, ceux-ci devenant de plus en plus nombreux. Faut-il s'étonner que les exclus de la prospérité ne se soucient pas de voter?

On ne voudrait pas réduire le nombre d'étudiants (mais il s'agit de faciliter le vote sur place à l'université, et non dans leur région d'origine). Par contre, il faudrait se pencher sur l'appauvrissement des jeunes. En luttant contre cet appauvrissement, on découvrirait peut-être un plus grand intérêt pour les enjeux et les rendez-vous électoraux...

Libellés : , ,


Comments:
Salut Jean-Louis,
J'ai maintenant une connexion internet à haut débit, ce qui me permet d'explorer un peu cet univers. J'ai parcouru ton site en diagonale: tres interessant. Je te felicite pour la qualite de reproduction de tes photos et autres documents de domaine public. J'aimerais que tout les bloggers et autres avocats de l'internet en fasse autant: j'ai souvent trouvé fascinant que les auteurs qui choisissent d'avoir un site promotionnel n'y offrent pas des photos de bonne qualité, problème que j'ai souvent rencontré pour Solaris.
Continue!
Joël Champetier
 
Hum... je me relis et je me rends compte que ce "j'ai parcouru en diagonale" ne sonne pas très flatteur. Je voulais dire que j'avais fait un survol des sujets, bien entendu. J'ai lu quelques entrées avec attention, promis.
Joël Champetier
 
Publier un commentaire

<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?