2005-04-20

 

Pour une culture du futur

Avons-nous la culture du futur? Si nous n'en avons pas, rien ne dit que le futur aura une culture.

L'expression "culture du futur" a acquis plusieurs sens ces dernières années. Pour les partisans de la prospective, une culture du futur est une culture tournée vers l'innovation et fondée sur l'économie du savoir. Elle joue avec les "futuribles" et les scénarios, elle présuppose la maîtrise du changement et son orientation à des fins profitables pour ceux qui le dirigent.

La culture du futur peut être aussi la culture qu'on attribue à un futur encore non advenu. Les auteurs de science-fiction ont imaginé de nombreuses cultures de l'avenir, des plus primaires aux plus baroques. Et tant les visionnaires que les prévisionnistes ont parfois tenté de dire ce que serait la culture demain. Dans tous ces cas, la culture était aussi bien la forme particulière prise par la vie quotidienne d'une société à venir que l'ensemble de ses activités artistiques.

Depuis un bon siècle, cependant, la culture du futur est d'abord celle qui fait du futur une préoccupation centrale de nos sociétés, voire de nos activités de tous les jours. Vers la fin du dix-neuvième siècle, les utopistes ont commencé à situer dans le futur leurs sociétés idéales, leurs rêves de progrès et la réalisation de toutes leurs espérances. Pour les Futuristes italiens, pour les Communistes qui rêvaient de lendemains qui chantent, pour les tenants de la planification rationnelle et systématique, le futur était une réalité que l'on construisait aujourd'hui.

En ce début d'un siècle nouveau, cette culture du futur s'est vulgarisée dans les officines des gestionnaires qui ne parlent que de buts et d'objectifs à atteindre. Les sociétés industrielles et post-industrielles sont asservies à des horaires et à des calendriers qui colonisent l'avenir sur des semaines, des mois, voire des années entières. Cette culture du futur purement utilitariste fait du présent une annexe de l'avenir.

C'est ce qui fait du futur un champ de bataille incontournable. Qu'on le veuille ou non, qu'on trouve odieux ou non ce contrôle minutieux de nos actes par la prévision de nos besoins dans cinq ou dix ans, qu'on rêve même de refuser cette enrégimentation insidieuse, le futur reste notre seule chance de liberté. Si façonner le futur nous est pénible , il est à peu près impossible de modeler le présent quand le futur a cessé d'être. Cela, nos ancêtres paysans le savaient et La Fontaine ne disait pas autre chose en plaignant la cigale qui se trouva fort dépourvue quand la bise fût venue — faute d'avoir préparé le futur.

Le futur n'est pas singulier. Il n'est pas fixé d'avance et il contient des multitudes de possibilités. C'est donc pour rendre manifeste l'espoir d'un futur à la convenance de chacun que je fais de la "culture des futurs" le sujet de cette rubrique.

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