2018-03-16
Annihilation
Mardi dernier, je suis allé voir le film Annihilation (2018), inspiré du premier volume de la trilogie Southern Reach de Jeff VanderMeer. Ce dernier cite comme influence (entre autres) La Montagne morte de la vie (1963) de l'auteur français Michel Bernanos, le fils de Georges Bernanos. Il s'agit d'un ouvrage que j'ai lu il y a longtemps et que je classerais volontiers, malgré le flou de mon souvenir, avec Le Mont Analogue (1952) de René Daumal. La charge symbolique est sans doute plus forte dans l'ouvrage de Daumal tandis que l'atmosphère surréaliste prime dans celui de Bernanos, il me semble. Dans tous les cas, on a un voyage qui se transforme en une quête initiatique, qui met à nu les motivations profondes des personnages. Le but du voyage compte moins que le sens qu'il prend pour les voyageurs.
À l'écran, toutefois, je n'ai pas songé spontanément à ces titres. L'expédition dans une zone coupée du monde (« Area X ») devient certes une aventure profondément personnelle pour chacune des cinq femmes qui pénètrent dans cette enclave en proie à des phénomènes étranges — et dont on ne revient pas, à une exception près. L'ambiance oppressante, lourde de dangers réels et de phénomènes mystérieux, m'a plutôt rappelé le film Stalker (1979) de Tarkovski. Tandis que la conclusion m'évoquait carrément le 2001 de Kubrick.
Comme je n'ai pas lu les livres de VanderMeer et que je n'en vois toujours pas la nécessité, j'ignore à quel point le film cadre avec la trilogie d'origine. Ce que je retiens du long métrage, ce sont surtout des belles images, permises par une prémisse qui reste vague et qui attribue à des intrus extraterrestres le rôle d'un deus ex machina bien commode. (Une vague explication scientifique articulée par la physicienne de l'équipe relève surtout de la simple métaphore à un cheveu du galimatias — de ce que j'ai appelé ailleurs une prouesse de rhétorique pour fonder l'altérité, mais de manière plutôt faible dans ce cas-ci.) De fait, les effets spéciaux accèdent à un niveau de perfection qui coupe le souffle et ils justifient à eux seuls la sortie au cinéma.
L'histoire n'est pas à la hauteur de la beauté des séquences filmées par Alex Garland (ou même de l'intrigue de son film Ex Machina en 2014). Elle se termine comme la plupart des scénarios hollywoodiens empreints depuis les années 1970 d'une paranoïa croissante. La menace d'un phénomène étranger est extirpée par le feu et le sang — mais il en reste assez pour préparer une suite. C'est ce qui est le moins intéressant, car on reste plus dans le registre de la peur que de la promesse. La science-fiction intelligente attend toujours sa renaissance non pas sur le plan formel mais sur celui du contenu.
Enfin, je trouve intéressant néanmoins que des créateurs étatsuniens, soixante ans après les Français et plus de quarante ans après les Russes, optent pour une version moins simpliste de la mise en scène de l'altérité, ou pour des récits moins platement manichéens. Et encore, Alex Garland est un Britannique d'origine, né à peine un an après la sortie de 2001... Hors des sentiers battus par les superproductions de Disney, la science-fiction cinématographique continue à évoluer, en attendant une nouvelle synthèse qui mariera la beauté formelle, la réflexion et l'action. Mais si cette combinaison n'est pas à la portée des cinéastes, il faudra que les écrivains s'y collent.
À l'écran, toutefois, je n'ai pas songé spontanément à ces titres. L'expédition dans une zone coupée du monde (« Area X ») devient certes une aventure profondément personnelle pour chacune des cinq femmes qui pénètrent dans cette enclave en proie à des phénomènes étranges — et dont on ne revient pas, à une exception près. L'ambiance oppressante, lourde de dangers réels et de phénomènes mystérieux, m'a plutôt rappelé le film Stalker (1979) de Tarkovski. Tandis que la conclusion m'évoquait carrément le 2001 de Kubrick.
Comme je n'ai pas lu les livres de VanderMeer et que je n'en vois toujours pas la nécessité, j'ignore à quel point le film cadre avec la trilogie d'origine. Ce que je retiens du long métrage, ce sont surtout des belles images, permises par une prémisse qui reste vague et qui attribue à des intrus extraterrestres le rôle d'un deus ex machina bien commode. (Une vague explication scientifique articulée par la physicienne de l'équipe relève surtout de la simple métaphore à un cheveu du galimatias — de ce que j'ai appelé ailleurs une prouesse de rhétorique pour fonder l'altérité, mais de manière plutôt faible dans ce cas-ci.) De fait, les effets spéciaux accèdent à un niveau de perfection qui coupe le souffle et ils justifient à eux seuls la sortie au cinéma.
L'histoire n'est pas à la hauteur de la beauté des séquences filmées par Alex Garland (ou même de l'intrigue de son film Ex Machina en 2014). Elle se termine comme la plupart des scénarios hollywoodiens empreints depuis les années 1970 d'une paranoïa croissante. La menace d'un phénomène étranger est extirpée par le feu et le sang — mais il en reste assez pour préparer une suite. C'est ce qui est le moins intéressant, car on reste plus dans le registre de la peur que de la promesse. La science-fiction intelligente attend toujours sa renaissance non pas sur le plan formel mais sur celui du contenu.
Enfin, je trouve intéressant néanmoins que des créateurs étatsuniens, soixante ans après les Français et plus de quarante ans après les Russes, optent pour une version moins simpliste de la mise en scène de l'altérité, ou pour des récits moins platement manichéens. Et encore, Alex Garland est un Britannique d'origine, né à peine un an après la sortie de 2001... Hors des sentiers battus par les superproductions de Disney, la science-fiction cinématographique continue à évoluer, en attendant une nouvelle synthèse qui mariera la beauté formelle, la réflexion et l'action. Mais si cette combinaison n'est pas à la portée des cinéastes, il faudra que les écrivains s'y collent.
Libellés : Films, Science-fiction