2017-02-12
Le Cyclotron
Rares sont les longs métrages conventionnels à relever au Québec d'une science-fiction franche et assumée. Si on excepte en fonction de ce dernier critère ce qui sera bientôt une trilogie de sf parodique, Dans une galaxie près de chez vous (2004, 2008, 2018) ou un hommage proche du pastiche comme Turbo Kid, il ne reste guère que Mars et Avril, Truffe et Dans le ventre du dragon dans cette catégorie. En incluant les films pour enfants, on pourrait citer un film d'animation en anglais, Minushi (Tyler Gibb, 2007), ou carrément exhumer Le Martien de Noël (1970). Enfin, dans la veine des films indépendants et/ou à petit budget, on aurait en plus L'Effet, Québec : Opération Lambda (Marc Degryse, 1985), Les Siamoises (Isabelle Hayeur, 1999), Heads of Control: The Gorul Baheu Brain Expedition (Pat Tremblay, 2006) et peut-être Bunker.
J'exclurais ici les coproductions ou productions québécoises réalisées grâce à un financement extérieur au Québec. Sinon, il faudrait citer Les mille merveilles de l'Univers (Canada/France, Jean-Michel Roux, 1997) que j'avais vu en avant-première aux Galaxiales de Nancy sans être impressionné en dépit d'un casting qui incluait Tchéky Karyo, Pascale Bussières, Julie Delpy, Maria de Medeiros et James Hyndman. Ou encore les thrillers de langue anglaise Xchange (Allan Moyle, 2000), avec Pascale Bussières et Kyle MacLachlan, et Screamers (Christian Duguay, 1995), qui a quand même profité d'un scénario à moitié imaginé par Dan O'Bannon. Ou le dessin animé Pinocchio 3000 (Canada/France/Espagne, 2004). Ou l'adaptation par Robert Lepage en 2000 de la pièce Possible Worlds du dramaturge canadien-anglais John Mighton, que j'ai pu voir au théâtre à Montréal.
Sans oublier évidemment Arrival de Denis Villeneuve...
Avec Le Cyclotron (2016) d'Olivier Asselin, on n'est loin ni du scénario de fin du monde de Bunker ni des mondes multiples de Possible Worlds. L'intrigue du film débute en Belgique au congrès de Solvay de 1927 pour se terminer à Bruxelles en 1948. Entre ces deux dates butoirs, une histoire d'amour naît (ou non) entre une scientifique française, Simone (qui doit peut-être quelque chose à Irène Joliot-Curie), et un physicien suisse, Emil Scherrer. L'arrivée au pouvoir des Nazis oblige Hermann Weyl à abandonner l'institut de recherche qui emploie Simone et Emil, mais Emil décide de rester. En 1944-1945, les Alliés soupçonnent qu'Emil aurait pu découvrir le secret de la bombe atomique et ils chargent Simone de retourner en Allemagne pour intercepter Emil à bord du train qu'il a pris. Elle découvre que celui-ci est en fuite, mais qu'il est recherché par un détachement de SS au service d'un scientifique allemand, König.
La science-fiction surgit d'abord quand Emil affirme avoir inséré un petit cyclotron dans sa montre. Il fait allusion au premier cyclotron de Lawrence qui tenait dans la main — mais ce prototype mesurait quand même dix centimètres de diamètre et les cyclotrons suivants ont été plus gros. Mieux encore, ce cyclotron est présenté comme la bougie d'allumage d'une petite bombe atomique, ou comme son équivalent.
Le jeu avec la réalité devient intéressant, car Scherrer aligne des contre-vérités techniques et scientifiques pour justifier l'insertion d'une bombe nucléaire dans une montre. La masse critique d'uranium requise est présentée comme 23 grammes (et non presque trois mille fois plus). Les protons accélérés par le cyclotron sont censés déclencher, semble-t-il, une réaction en chaîne et la montre de Scherrer contiendrait des électro-aimants alors qu'il n'y avait pas de piles suffisamment petites à l'époque pour les alimenter, a priori.
Du coup, les personnages s'agitent désespérément pour éviter le déclenchement de la bombe. En fin de compte, König ordonne le départ du train pour Paris, avec sa bombe réglée pour exploser, afin de changer le cours de la guerre en frappant de stupeur les Alliés. Toutefois, Scherrer a saboté un aiguillage de manière aléatoire, si bien que le train aura peut-être pris le chemin de Berlin. König, Scherrer et des SS aboutissent dans un abri souterrain où ils s'enferment de peur d'être contaminés par les retombées radioactives, voire de succomber si la détonation entraîne une réaction en chaîne mondiale. (En fait, il semblerait que les chercheurs de Los Alamos ainsi que l'équipe de Heisenberg en Allemagne nazie avaient tous envisagé qu'une explosion nucléaire puisse déclencher la fusion de l'azote de l'atmosphère, entraînant la dévastation de la biosphère.)
L'incertitude quantique demeure tant que König et compagnie ne sortent pas de leur abri — le monde extérieur est devenu un peu l'équivalent du chat de Schrödinger à leurs yeux. En fin de compte, Scherrer se suicide et les trois Nazis survivants émergent de l'abri pour découvrir que ni Paris ni Berlin n'ont été détruites par une explosion atomique. Les calculs de Scherrer étaient bel et bien erronés. Quand Simone et König se retrouvent à Bruxelles, trois ans plus tard, la scientifique est accompagnée d'une fillette qui semble trop vieille pour être née de la liaison entre Simone et Emil dans le train, mais trop jeune pour avoir été conçue en 1933 quand Simone et Emil s'étaient séparés précédemment... Dans quelle version de l'histoire Simone a-t-elle eu une fille, sans doute d'Emil ?
De tous les films cités ci-dessus que j'ai eu l'occasion de voir, c'est peut-être bien le plus satisfaisant. Il reste toutefois un film de science-fiction marginal, puisqu'il n'y a pas de novum technique ou historique. Il n'est pas uchronique, mais il pourrait relever de l'histoire secrète. Néanmoins, les jeux avec les réalités parallèles, divergentes ou convergentes, tiennent un peu de la science-fiction, même si on reste en-deçà de Possible Worlds sur ce plan.
J'exclurais ici les coproductions ou productions québécoises réalisées grâce à un financement extérieur au Québec. Sinon, il faudrait citer Les mille merveilles de l'Univers (Canada/France, Jean-Michel Roux, 1997) que j'avais vu en avant-première aux Galaxiales de Nancy sans être impressionné en dépit d'un casting qui incluait Tchéky Karyo, Pascale Bussières, Julie Delpy, Maria de Medeiros et James Hyndman. Ou encore les thrillers de langue anglaise Xchange (Allan Moyle, 2000), avec Pascale Bussières et Kyle MacLachlan, et Screamers (Christian Duguay, 1995), qui a quand même profité d'un scénario à moitié imaginé par Dan O'Bannon. Ou le dessin animé Pinocchio 3000 (Canada/France/Espagne, 2004). Ou l'adaptation par Robert Lepage en 2000 de la pièce Possible Worlds du dramaturge canadien-anglais John Mighton, que j'ai pu voir au théâtre à Montréal.
Sans oublier évidemment Arrival de Denis Villeneuve...
Avec Le Cyclotron (2016) d'Olivier Asselin, on n'est loin ni du scénario de fin du monde de Bunker ni des mondes multiples de Possible Worlds. L'intrigue du film débute en Belgique au congrès de Solvay de 1927 pour se terminer à Bruxelles en 1948. Entre ces deux dates butoirs, une histoire d'amour naît (ou non) entre une scientifique française, Simone (qui doit peut-être quelque chose à Irène Joliot-Curie), et un physicien suisse, Emil Scherrer. L'arrivée au pouvoir des Nazis oblige Hermann Weyl à abandonner l'institut de recherche qui emploie Simone et Emil, mais Emil décide de rester. En 1944-1945, les Alliés soupçonnent qu'Emil aurait pu découvrir le secret de la bombe atomique et ils chargent Simone de retourner en Allemagne pour intercepter Emil à bord du train qu'il a pris. Elle découvre que celui-ci est en fuite, mais qu'il est recherché par un détachement de SS au service d'un scientifique allemand, König.
La science-fiction surgit d'abord quand Emil affirme avoir inséré un petit cyclotron dans sa montre. Il fait allusion au premier cyclotron de Lawrence qui tenait dans la main — mais ce prototype mesurait quand même dix centimètres de diamètre et les cyclotrons suivants ont été plus gros. Mieux encore, ce cyclotron est présenté comme la bougie d'allumage d'une petite bombe atomique, ou comme son équivalent.
Le jeu avec la réalité devient intéressant, car Scherrer aligne des contre-vérités techniques et scientifiques pour justifier l'insertion d'une bombe nucléaire dans une montre. La masse critique d'uranium requise est présentée comme 23 grammes (et non presque trois mille fois plus). Les protons accélérés par le cyclotron sont censés déclencher, semble-t-il, une réaction en chaîne et la montre de Scherrer contiendrait des électro-aimants alors qu'il n'y avait pas de piles suffisamment petites à l'époque pour les alimenter, a priori.
Du coup, les personnages s'agitent désespérément pour éviter le déclenchement de la bombe. En fin de compte, König ordonne le départ du train pour Paris, avec sa bombe réglée pour exploser, afin de changer le cours de la guerre en frappant de stupeur les Alliés. Toutefois, Scherrer a saboté un aiguillage de manière aléatoire, si bien que le train aura peut-être pris le chemin de Berlin. König, Scherrer et des SS aboutissent dans un abri souterrain où ils s'enferment de peur d'être contaminés par les retombées radioactives, voire de succomber si la détonation entraîne une réaction en chaîne mondiale. (En fait, il semblerait que les chercheurs de Los Alamos ainsi que l'équipe de Heisenberg en Allemagne nazie avaient tous envisagé qu'une explosion nucléaire puisse déclencher la fusion de l'azote de l'atmosphère, entraînant la dévastation de la biosphère.)
L'incertitude quantique demeure tant que König et compagnie ne sortent pas de leur abri — le monde extérieur est devenu un peu l'équivalent du chat de Schrödinger à leurs yeux. En fin de compte, Scherrer se suicide et les trois Nazis survivants émergent de l'abri pour découvrir que ni Paris ni Berlin n'ont été détruites par une explosion atomique. Les calculs de Scherrer étaient bel et bien erronés. Quand Simone et König se retrouvent à Bruxelles, trois ans plus tard, la scientifique est accompagnée d'une fillette qui semble trop vieille pour être née de la liaison entre Simone et Emil dans le train, mais trop jeune pour avoir été conçue en 1933 quand Simone et Emil s'étaient séparés précédemment... Dans quelle version de l'histoire Simone a-t-elle eu une fille, sans doute d'Emil ?
De tous les films cités ci-dessus que j'ai eu l'occasion de voir, c'est peut-être bien le plus satisfaisant. Il reste toutefois un film de science-fiction marginal, puisqu'il n'y a pas de novum technique ou historique. Il n'est pas uchronique, mais il pourrait relever de l'histoire secrète. Néanmoins, les jeux avec les réalités parallèles, divergentes ou convergentes, tiennent un peu de la science-fiction, même si on reste en-deçà de Possible Worlds sur ce plan.
Libellés : Films, Québec, Science-fiction