2015-10-06
Retours à la Terre
Hier soir, j'ai donc vu The Martian, le nouveau film de Ridley Scott. En bref, il s'agit à peu de choses près d'un croisement entre Apollo 13 et Gravity. Du premier, on a gardé l'accent sur la résolution de problèmes techniques et scientifiques, ainsi que la participation mondiale (par le biais des médias) à un extraordinaire moment de suspense interplanétaire. Du second, la succession sans répit (ou presque) de dangers qui accablent une personne seule et isolée. Le résultat est très efficace, sur un mode moins trépidant qu'angoissant : les personnages font rarement dans la grandiloquence et s'abstiennent de l'expression exagérée des acteurs de films d'action, mais ils sont pourtant aux prises avec des situations de vie ou de mort, et des choix parfois déchirants. En prime, il y a les paysages martiens (ou jordaniens, assez souvent), qui sont époustouflants et assez convaincants. Si je me suis demandé dans quelle mesure justement la stratification des massifs rocheux à l'écran était crédible dans le cas de Mars, il suffit de jeter un coup d'œil à la photo ci-dessous de Curiosity — illustrant le Mont Sharp à l'intérieur du cratère Gale sur Mars, lequel juxtapose des dépôts sans doute lacustres et éoliens — pour avoir la réponse...
Cela dit, c'est un film qui donne une image plus positive que d'habitude de la science et du génie, puisque le personnage joué par Matt Damon, l'astronaute et botaniste Mark Watney, doit se tirer d'affaire alors qu'il se retrouve seul sur Mars. Il déploie des trésors d'ingéniosité avant qu'on se rende compte qu'il est encore vivant et qu'on vienne à son secours.
En revanche, il faut également avouer que le film ne passe sans doute pas le test de Bechdel(-Wallace-Delany-Hacker-Woolf). La plupart des personnages déterminants sont des hommes, à part la capitaine qui abandonne le naufragé du titre parce qu'elle le croit mort et une autre membre de l'équipe d'astronautes de la NASA. Sur Terre, les hautes sphères de la NASA ne comptent apparemment qu'une femme, la relationniste de service, et il y a aussi quelques employées qu'on entrevoit à l'arrière-plan, alors que l'agence spatiale chinoise peut compter au moins sur une scientifique de haut niveau. Bon, c'est assez réaliste, d'un point de vue statistique, mais le film n'échappera pas à la critique d'être de plusieurs manières une apologie de la geekitude masculine — jusqu'à la blague sur Elrond que ladite relationniste de la NASA ne capte pas parce qu'elle ne connaît pas le Seigneur des anneaux.
Cela dit, en rapprochant The Martian de films comme Apollo 13 et Gravity, on distingue un point commun qui est loin de favoriser l'optimisme. Quoi qu'on en dise et quoi qu'espère la NASA (qui a collaboré au film), ce sont des histoires qui font du retour sur Terre le dénouement heureux de l'intrigue et qui font de l'espace le lieu de périls sans nombre et de catastrophes potentiellement mortelles. Même si personne ne meurt et même si l'exemple de Mark Watney semble inspirer l'émulation, la narration fait de l'espace et des planètes étrangères l'antagoniste nécessaire à l'action dramatique. On se demande en quoi cela encourage vraiment l'exploration spatiale.
À plusieurs égards, il s'agit d'un film d'ingénieurs plutôt que d'un film scientifique. (Même si le film n'explique pas deux défaillances cruciales, pour lesquelles on voudrait au moins un mot d'explication : le site internet du film fournit peut-être ces explications.) Car il est à peine question de science autre que pratique ou utilitaire. Du coup, on comprend difficilement ce que ces astronautes sont allés faire sur Mars et ce qui les motive. La possibilité d'une ancienne vie martienne? (Ou d'une présente vie martienne?) L'espoir de comprendre les changements climatiques à grande échelle? Les mystères instructifs d'une géologie et d'un géomagnétisme extraterrestres? Pas un mot là-dessus.
Bref, du point de vue de la vraisemblance techno-scientifique et du réalisme dans la représentation de personnes placées dans des situations extrêmes, il s'agit d'un excellent film de science-fiction. Du point de vue de l'inventivité de l'intrigue dans son ensemble, et non des simples rebondissements, c'est nettement plus faible.
Cela dit, c'est un film qui donne une image plus positive que d'habitude de la science et du génie, puisque le personnage joué par Matt Damon, l'astronaute et botaniste Mark Watney, doit se tirer d'affaire alors qu'il se retrouve seul sur Mars. Il déploie des trésors d'ingéniosité avant qu'on se rende compte qu'il est encore vivant et qu'on vienne à son secours.
En revanche, il faut également avouer que le film ne passe sans doute pas le test de Bechdel(-Wallace-Delany-Hacker-Woolf). La plupart des personnages déterminants sont des hommes, à part la capitaine qui abandonne le naufragé du titre parce qu'elle le croit mort et une autre membre de l'équipe d'astronautes de la NASA. Sur Terre, les hautes sphères de la NASA ne comptent apparemment qu'une femme, la relationniste de service, et il y a aussi quelques employées qu'on entrevoit à l'arrière-plan, alors que l'agence spatiale chinoise peut compter au moins sur une scientifique de haut niveau. Bon, c'est assez réaliste, d'un point de vue statistique, mais le film n'échappera pas à la critique d'être de plusieurs manières une apologie de la geekitude masculine — jusqu'à la blague sur Elrond que ladite relationniste de la NASA ne capte pas parce qu'elle ne connaît pas le Seigneur des anneaux.
Cela dit, en rapprochant The Martian de films comme Apollo 13 et Gravity, on distingue un point commun qui est loin de favoriser l'optimisme. Quoi qu'on en dise et quoi qu'espère la NASA (qui a collaboré au film), ce sont des histoires qui font du retour sur Terre le dénouement heureux de l'intrigue et qui font de l'espace le lieu de périls sans nombre et de catastrophes potentiellement mortelles. Même si personne ne meurt et même si l'exemple de Mark Watney semble inspirer l'émulation, la narration fait de l'espace et des planètes étrangères l'antagoniste nécessaire à l'action dramatique. On se demande en quoi cela encourage vraiment l'exploration spatiale.
À plusieurs égards, il s'agit d'un film d'ingénieurs plutôt que d'un film scientifique. (Même si le film n'explique pas deux défaillances cruciales, pour lesquelles on voudrait au moins un mot d'explication : le site internet du film fournit peut-être ces explications.) Car il est à peine question de science autre que pratique ou utilitaire. Du coup, on comprend difficilement ce que ces astronautes sont allés faire sur Mars et ce qui les motive. La possibilité d'une ancienne vie martienne? (Ou d'une présente vie martienne?) L'espoir de comprendre les changements climatiques à grande échelle? Les mystères instructifs d'une géologie et d'un géomagnétisme extraterrestres? Pas un mot là-dessus.
Bref, du point de vue de la vraisemblance techno-scientifique et du réalisme dans la représentation de personnes placées dans des situations extrêmes, il s'agit d'un excellent film de science-fiction. Du point de vue de l'inventivité de l'intrigue dans son ensemble, et non des simples rebondissements, c'est nettement plus faible.
Libellés : Espace, Films, Science-fiction