2013-03-24

 

La conclusion d'une série remarquable

Michèle Laframboise.
La Quête de Chaaas.  5 - Le labyrinthe de Luurdu
Montréal:  Médiaspaul, coll. Jeunesse-Plus # 17, 2012.  

La science-fiction est un art exigeant, en particulier quand on s'adresse aux jeunes.  L'auteur doit jongler avec l'accessibilité de la narration, l'intérêt du récit, le respect de la science et la recherche de l'originalité.

Cinquième et dernier tome de « La Quête de Chaaas », Le labyrinthe de Luurdu conclut une série qui se démarque sur presque tous ces plans.  Le deuxième volume intitulé Les vents de Tammerlan a d'ailleurs remporté le prix Aurora du meilleur roman de science-fiction canadienne en français en plus d'être finaliste pour un prix du Gouverneur-général.  Quant au troisième volume, L'axe de Koudriss, il représente une des tentatives les plus abouties de la littérature jeunesse canadienne de signer un récit de science-fiction « dure », comme on appelle la science-fiction qui intègre la science à l'intrigue de manière si intime que l'histoire n'existerait pas sans ses éléments scientifiques.

Laframboise cherche à rendre accessibles ses ouvrages en pratiquant une écriture nerveuse et ramassée, qui se concentre sur les ressorts de l'intrigue et les rebondissements de l'action.  Ce faisant, elle sacrifie le luxe de la digression et les plaisirs de la mise en place d'une atmosphère.  Pas un incident n'est innocent et presque tout s'inscrit dans les intrigues en cours.

Le récit est axé sur une série d'attentats, de crimes et de mystères.  Le jeune Chaaas appartient à une espèce extraterrestre, les Chhhatyls, qui ont édifié un empire interstellaire fondé sur leur maîtrise des biotechnologies.  Les Chhhatyls conservent eux-mêmes certains traits d'une lointaine ascendance végétale.  Pour avoir voulu se venger de rivaux qui avaient saboté sa Quête, Chaaas a causé la mort de proches dont il regrette amèrement la disparition.  Afin d'expier, il est devenu l'assistant d'un questeur chargé de faire respecter les lois impériales, ce qui l'a amené à résoudre des mystères et changer des vies.  Il retrouve d'ailleurs sur la planète Luurdu des amis qu'il a connus sur la planète Tammerlan.  Des avanies les accablent, mais le danger se précise lorsque Chaaas se porte volontaire pour accompagner son jeune ami, Tussel, dans sa propre Quête, une épreuve initiatique primordiale pour les Chhhatyls.  Outre les périls de la jungle, ils devront échapper à des poursuivants qui ont résolu de les tuer.

Laframboise force l'incrédulité du lecteur en combinant deux séries distinctes d'agissements malveillants, dans un univers fictif déjà en soi fort complexe.  Tant les personnages que les lecteurs peinent à s'y retrouver.  De fait, l'enjeu principal n'est révélé qu'à mi-parcours, car Tussel protège le secret d'une découverte scientifique qui améliorerait le sort des femmes Chhhatyls.  Ceci n'est pas entièrement logique puisque la meilleure parade pour contrecarrer ceux qui veulent l'étouffer serait sûrement de rendre publique cette percée. 

L'importance potentielle de cette découverte pour la société des Chhhatyls confirme l'ambition de Laframboise, qui ne se borne pas à aligner les aventures et les énigmes dans cette série.  Le cadre de « La Quête de Chaaas » n'est pas seulement vraisemblable malgré son exotisme, il renvoie aussi à notre propre société dont l'obsession pour la performance accouche d'inégalités largement tolérées.  La distanciation de la science-fiction favorise ici une vision plus claire de cette réalité.

Si Laframboise cède trop souvent à la tentation d'accumuler les intrigues parallèles et les péripéties dans un cadre restreint, elle a appris au fil des ans à les camper avec une maîtrise consommée des moyens romanesques.  La véritable clé de son originalité dans le contexte canadien, toutefois, c'est son attention aux conséquences potentielles du progrès scientifique et technique.

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