2012-09-05

 

Une défaite morale du PQ

L'extrémisme nourrit l'extrémisme. En maintenant le discours du Nous et du Eux, en voulant mobiliser ses caribous avec un renforcement de l'exclusivisme francophone, en défendant une laïcité à sens unique qui n'enlèverait pas le crucifix de l'Assemblée nationale et en choisissant d'endosser la rue plutôt que l'urne, Pauline Marois a répondu à l'intransigeance grandissante de Jean Charest avec un sectarisme qui n'a pas fait recette hier soir.  Jean Charest avait été chanceux que les désordres qu'il avait provoqués n'avaient pas entraîné mort d'homme.  Pauline Marois n'a pas été aussi chanceuse : elle a tant fait miroiter l'espoir, ou le spectre, de la francisation au galop du Québec, sinon de son indépendance  imminente, qu'elle a été prise au sérieux par au moins un désaxé.

Les séparatistes sont mal placés pour critiquer le recours à la violence.  Après les bombes et enlèvements du FLQ, les tentatives d'incendier des Second Cup par Rhéal Mathieu ou consorts et le soutien parfois déclaré des tactiques les plus dangereuses du « printemps érable », il n'y a pas de quoi s'étonner d'un nouveau recours à la violence politique au Québec.  Ce qui change, toutefois, c'est l'identité présumée du coupable.  Si celui-ci est bel et bien un anglophone du Québec, il témoignerait dans une certaine mesure de l'internalisation par les Québécois anglophones de leur statut minoritaire.  La culture du grief est peut-être ce qui unit le mieux les Québécois et elle procède en partie d'un sentiment d'impuissance ou d'aliénation.  Pendant longtemps, les Québécois anglophones sont restés à l'écart des débats politiques au Québec parce qu'ils s'identifiaient à une communauté en partie extérieure au Québec, qui leur procurait un sentiment de sécurité et de certitude — et une porte de sortie.  Exception faite d'Alliance Québec et autres Galganov, ils vivaient leur vie sans se mêler des débats du reste de la province.  Si l'extrémisme politique ne mobilise plus au même point les francophones (en 1976, le PQ avait obtenu 41,37% du vote, et non 31,94% du vote comme hier), il se pourrait qu'il mobilise de plus en plus des anglophones de moins en moins certains de leur avenir collectif au sein du Québec.  Le vote anglophone et allophone massif pour les Libéraux, dédaignant les positions modérées de la CAQ sur la question nationale ainsi que les scandales libéraux, est un geste réactionnaire qui est en soi radical, mais qui révèle aussi paradoxalement une détermination de vivre au Québec.

Le problème, c'est qu'entre les extrémistes du nationalisme, les extrémistes du statu quo et les extrémistes du changement, il était difficile durant cette élection d'identifier des modérés, des centristes ou simplement des politiciens disposés à parler vrai.  François Legault a fait le pari de dire la vérité sur les défis du Québec... et de promettre mers et mondes pour en venir à bout.  Et il en a été puni.  Françoise David a aussi parlé vrai et, peut-être parce qu'elle n'a pas promis un médecin de famille à tout le monde, elle a été récompensée.

Les résultats de l'élection (31,94% du vote et 54 sièges pour le PQ, 31,21% du vote et 50 sièges pour le PLQ, 27,06% du vote et 19 sièges pour la CAQ) illustrent une fois de plus les merveilles du scrutin uninominal à  un tour, dont je reparlerai.  Ils témoignent aussi d'une division exacerbée de la collectivité québécoise.  Personne n'a fait l'unanimité.  D'ailleurs, personne, à part peut-être Legault, n'essayait d'être rassembleur.  Marois prêchait à ses caribous, Charest à ses fédéralistes et Québec solidaire à ses rêveurs.  La haine des anglophones, la haine des séparatistes, la haine des riches : ce ne sont pas nécessairement des dominantes dans chaque cas, mais bien des indices laissent croire qu'un noyau dur carbure dans chaque cas à ce genre d'exécration de l'autre.

Le résultat, ce sera sans doute une forme de paralysie qui ne plaira à personne sauf aux tenants du statu quo.  De ce point de vue, même si le PQ a remporté un gouvernement, il a subi une double défaite puisque ses adversaires (plus à droite et moins souverainistes) pourront se liguer contre lui en chambre tandis que ses idées ne pourront l'emporter en chambre et semblent  avoir été rejetées par une très nette majorité des suffrages.  Même en additionnant les votes du PQ, de Québec solidaire et d'Option nationale, on obtient à peine 40% du vote populaire — soit moins que le vote du PQ en 1998, 1994, 1989, 1981 ou 1976.  De plus, les résultats rappelleront durement aux partisans du PQ qu'ils ne sont pas seuls au Québec comme ils semblent souvent le croire.

En attendant, la question la plus intéressante, c'est de savoir comment François Legault mènera sa barque.  Il avait exclus de s'associer au PQ ou au PLQ.  S'il le faisait, l'alliance en question bénéficierait d'une majorité décisive, mais il renierait sa parole et sa crédibilité déjà entachée en souffrirait encore plus.  En fin de compte, l'attentat d'hier mis à part, il se pourrait que les projecteurs soient plus souvent braqués sur François Legault que sur Pauline Marois au cours des prochains mois.

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Comments:
Allez, Jean-Louis, dis nous pour qui tu as voté ;-)
 
Malheureusement, il n'y avait pas de candidats du Parti vert dans ma circonscription. J'ai donc voté pour un autre parti qui n'avait aucune chance de gagner.
 
Mais encore, quel parti? :-)

À force de discourir sur la politique, tu as fini par attraper la langue de bois :-p
 
Bon, j'ajoute des indices. Il s'agit d'un parti mentionné dans mon billet et je m'identifie sans peine à sa clientèle telle que je la décris, même si je n'adhère pas à l'ensemble de son programme.
 
Je devine! Je n'ai pas voté, pour des raisons évidentes!
 
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