2011-11-23

 

Le NPD et la Déclaration de Sherbrooke

Au Canada anglais (et même au sein du NPD), la Déclaration de Sherbrooke adoptée par le NPD en 2006 demeure controversée et passe pour pencher un peu trop en faveur des indépendantistes québécois. On lui reproche surtout de contredire la Loi sur la clarté (ou Clarity Act), entre autres sur la question de ce qui constituerait une majorité claire que le Parlement du Canada serait obligé de reconnaître. En fait, le débat engagé après le référendum, autant à la Cour suprême qu'à l'Assemblée nationale ou au Parlement, a surtout démontré que la reconnaissance d'une déclaration d'indépendance ou même d'une volonté exprimée de faire l'indépendance est avant tout politique. La question de la majorité est secondaire.

La Déclaration de Sherbrooke contraint-elle le NPD à reconnaître une déclaration d'indépendance unilatérale après l'obtention d'une majorité de 50%+1 des votes exprimés à l'issue d'un référendum ? Eh bien, relisons les passages cruciaux :
Ainsi, le NPD s’engage à respecter, dans ses interventions, la Loi québécoise sur la Consultation populaire. De plus, le NPD reconnaîtrait une décision majoritaire (50% + 1) des Québécoises et Québécois, advenant la tenue d’un référendum visant à modifier le statut politique du Québec. Le NPD reconnaît également que ce droit à l’autodétermination implique la capacité de l’Assemblée nationale de rédiger, et des citoyens du Québec de répondre librement, à une question référendaire. Il appartiendrait au gouvernement fédéral de déterminer son propre processus, dans l’esprit de l’Avis de la Cour suprême et du droit international, en réponse aux résultats du processus de consultation populaire interne au Québec.
En 1999, le NPD avait déjà adopté la résolution suivante :
Les participant-e-s au Forum ont réaffirmé de façon écrasante la politique du Nouveau Parti démocratique à l'effet que les gens du Québec aient le droit de décider, démocratiquement, de leur propre avenir. Même si le NPD s'est opposé à ce que la question soit référée à la Cour suprême, le groupe de discussion fait remarquer que la décision de la Cour consolide l'opinion de longue date du NPD voulant que l'avenir du Québec au sein du Canada est une question politique et non une question juridique (FSDC, p.26).
Le passage en cause ci-dessus parle d'une « décision majoritaire (50% + 1) des Québécoises et Québécois, advenant la tenue d’un référendum visant à modifier le statut politique du Québec », mais ne dit pas nommément que cette décision se confondrait avec le résultat du référendum. Il serait parfaitement possible d'interpréter ce passage comme exigeant un résultat favorable à l'indépendance qui aurait recueilli 50% + 1 du nombre total des électeurs.

En 1995, le Non l'avait emporté avec 50,58% des voix et 94% de participation pour 5 087 009 électeurs et électrices. Si on avait exigé un seuil correspondant à 50%+1 des électeurs et électrices, il aurait fallu une majorité de 53,46% des votes exprimés. Ceci se rapproche déjà du chiffre de 55% admis par des fédéralistes comme Jean Chrétien comme entraînant obligatoirement des conséquences.

Il serait également possible, quoique excessif, d'interpréter le même passage de la Déclaration de Sherbrooke comme exigeant un vote indépendantiste de 50%+1 de la population québécoise. Le 1er juillet 1995, la population québécoise était de 7 219 219 personnes, ce qui voudrait dire que si on avait voulu que la moitié de ce nombre vote pour le Oui, on aurait exigé un seuil de 75,87% des votants. Ce qui dépasse de loin tout ce que les fédéralistes les plus acharnées ont pu exiger.

Bref, la Déclaration de Sherbrooke n'est pas assez claire pour contraindre une ligne de conduite. En fin de compte, l'interprétation et l'application de la Déclaration de Sherbrooke seront, comme dans le cas général d'un éventuel référendum, de nature essentiellement politique.

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Comments:
Appuyer une majorité référendaire sur le nombre d'électeurs au lieu du nombre de votants poserait un étrange dilemme s'il fallait par la suite négocier avec un gouvernement fédéral qui ne repose pas sur la même exigeance de légitimité, comme c'est le cas actuellement avec le gouvernement Harper. Une pente savonneuse s'il en est une.
Joël Champetier
 
C'est un principe légitime et reconnu dans plusieurs démocraties, même s'il n'est pas universellement accepté, que certaines mesures exigent des majorités plus fortes que la majorité simple. On parle alors de supermajorité ou de majorité qualifiée. Dans le contexte canadien, on peut soutenir qu'il serait légitime d'exiger qu'un changement du cadre constitutionnel nécessite quelque chose de plus qu'une pluralité.

Selon l'énoncé d'une éventuelle question référendaire au Québec, on peut supposer que si un gouvernement québécois obtenait de son électorat le pouvoir de renégocier le pacte confédératif au moyen d'un référendum, un second référendum pourrait s'avérer nécessaire tant au Québec que dans le reste du Canada. Un référendum dans le reste du Canada entérinerait un éventuel accord conclus entre le Québec et un interlocuteur représentant le reste du Canada (qui pourrait être le gouvernement Harper, ou un gouvernement d'union nationale).
 
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