2011-03-06

 

Le nouveau Metropolis

Retour dans le temps : il est désormais possible de voir le film Metropolis tel qu'il a été montré à sa sortie en 1927, ou presque. La découverte en Argentine d'une version presque complète de ce film mythique a fait les manchettes en 2008 puisque la seule version qui avait survécu était amputée de presque une demi-heure. Même si cette nouvelle version était abîmée et n'existait qu'en 16 mm, son existence a rendu possible la reconstitution d'une version numérique à laquelle il ne manquerait qu'une poignée de minutes.

De passage à Trois-Rivières, nous nous sommes payés un petit voyage à l'époque du cinéma muet et de l'expressionnisme allemand. Le film demeure fascinant du point de vue de sa vision du futur. L'urbanisme de l'avenir est dominé par les tours et les grandes barres, les viaducs et les voies ferrées aériennes, le ciel sillonné d'aéroplans et les profondeurs de la terre dévolues aux ouvriers qui font fonctionner les machines. Tout cela n'était pas neuf en 1927 : ces visions du futur circulaient depuis deux ou trois décennies. Robida avait dessiné des villes survolées par des essaims d'avions. Des architectes comme Perret et Le Corbusier en France ou Hilberseimer en Allemagne avaient imaginé des villes faites d'édifices tout en hauteur. Et Wells avait décrit un avenir où les bas-fonds étaient occupés par les descendants des ouvriers et des miséreux — les Morlocks.

La nouveauté de Metropolis, c'est peut-être bien le mariage d'une vision du futur à un scénario relativement trépidant, qui combine certaines des ficelles du romanesque traditionnel (les amours contrariées d'un fils de propriétaire et d'une ouvrière, l'inversion des rôles d'un prince et d'un pauvre, l'enlèvement de la bien-aimée et le combat héroïque pour la sauver — de fait, les ultimes péripéties rappellent un peu Notre-Dame de Paris de Victor Hugo) avec les ressources narratives de la science-fiction (l'usurpation de l'identité d'un être aimé par un être synthétique et la catastrophe artificielle, qui permet à des individus d'intervenir pour sauver la situation, ce qui est plus compliqué dans le cas des désastres naturels). Les films de science-fiction antérieurs, il me semble, tenaient soit de l'aventure exotique (dans des enclaves inconnues de la Terre, sur la Lune ou Mars), de la guerre du futur (avec des Martiens, au besoin) ou de la mise en scène d'une catastrophe naturelle dont l'envergure dépassait les protagonistes. Faut-il préciser que Metropolis a fait beaucoup de petits?

La qualité moins grande de l'image permet d'identifier les parties restaurées du film, semble-t-il, et donc de se faire une idée des coupures. Dans la plupart des cas, elles ne portaient guère à conséquence. Ce sont des longueurs et des redites qui ont disparu. Néanmoins, un certain nombre de personnages auparavant secondaires prennent toute leur ampleur dans la version complète.

Bref, Metropolis s'inscrit clairement dans la grande tradition de la fiction populaire, à mi-chemin entre Notre-Dame de Paris et Titanic. Le paradoxe, c'est qu'en tant que film muet, une œuvre relativement récente est plus difficile à apprécier aujourd'hui qu'un roman comme Notre-Dame de Paris par la faute de son format suranné. Mais, à tout le moins, c'est maintenant possible de découvrir le film à peu près sous la forme que son créateur lui a donné.

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