2009-09-29

 

Pour ou contre Roman Polanski

L'arrestation de Roman Polanski fait jaser. Le plus comique, c'est quand même Daniel Cohn-Bendit (que l'on peut voir passer ici à l'émission « Apostrophes » en 1982) qui critique, avec une hypocrisie consommée mais sans doute nécessaire, les déclarations de Frédéric Mitterrand parce que celui-ci condamnait cette arrestation. Cohn-Bendit va jusqu'à lui reprocher la position du gouvernement parce « qu'il y a eu viol sur une jeune fille de 13 ans »... Le plus grave, c'est sans doute la gravité avec laquelle, aux États-Unis, on traite l'affaire, comme si on venait d'intercepter un meurtrier en série, un criminel de guerre, un génocidaire ou un fauteur de guerre — un Ratko Mladić ou un Saddam Hussein, voire un George W. Bush.

Bref, je ne me lamente pas sur le sort de Polanski qui aurait depuis longtemps purgé toute peine à laquelle il aurait pu être condamné pour ce qu'il avait accepté d'admettre s'il n'avait pas fui. Mais je ne crois pas non plus que la justice universelle était dramatiquement bafouée par sa longue cavale... Par ailleurs, je trouve dans cette affaire l'illustration d'une évolution historique. Il n'y a pas si longtemps, en France, il était plutôt admis — comme on le voit dans le cas de Cohn-Bendit — de badiner avec la sexualité des enfants et de revendiquer, comme Gabriel Matzneff en 1974, l'amour d'un « troisième sexe » constitué de toutes « les filles ou les garçons ayant entre dix ans et seize ans ». En 1982, Matzneff s'était fait rabrouer par Denise Bombardier lors d'une émission célèbre d'« Apostrophes » que je me souviens d'avoir regardée en rediffusion canadienne — j'avais quinze ans à l'époque et, sans être absolument révulsé, j'étais plutôt d'accord avec Denise Bombardier (peut-être pour la première et dernière fois de ma vie). Mais elle n'avait pas fait l'unanimité en France...

Or, l'affaire Polanski a eu lieu en 1977, quand la complaisance française pour l'éphébophilie était sans doute à son comble (l'âge légal du mariage pour les Françaises est resté de 15 ans jusqu'en 2005). On peut comprendre qu'une certaine élite hexagonale ait trouvé trop tatillonne la justice étatsunienne qui reprochait à un cinéaste réputé ce qui aurait sans doute passé pour une vétille si l'acte avait été commis par un auteur européen. Et je me demande dans quelle mesure les réactions initiales en France ont été le fait de survivants de cette époque — Frédéric Mitterrand avait trente ans en 1977 — qui n'ont pas compris que les mœurs changeaient et que l'affaire Dutroux avait altéré les tolérances d'autrefois.

Cela dit, il n'y a pas que les incidents de l'actualité, il y a aussi une tendance de fond qui me semble avoir fait de la pédophilie un des rares tabous absolus de notre société. Et d'autant plus absolu sans doute que d'autres tabous (l'homosexualité, l'adultère, etc. ) sont tombés. De plus, les baby-boomers ont fait de la jeunesse un tel idéal que la démarcation entre les objets de désir « acceptables » et les objets « inacceptables » doit être établie avec une rigidité inébranlable. Ce qui pourrait expliquer que l'affaire Polanski a commencé en Californie, épicentre planétaire de la culture jeune...

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Comments:
J'ai de la misère avec le terme de pédophilie dans cette histoire. Pas tant à cause de l'âge de la fille qu'à cause du fait qu'elle avait déjà été active sexuellement.

Alors détournement de mineure, absolument, viol, probablement, mais pédophilie, faut pas exagérer.

Le concept même de "détournement de mineur" (appelé "relation sexuelle illégale avec une mineure" aux USA) a été créé pour ce genre de situation. Ça m'énerve de voir qu'on tend de plus en plus à occulter ce concept pour parler de pédophilie dès que quelqu'un est mineur.

Pour avoir enseigné à des adolescents, à 13-14 ans, y'a ben des filles qui ne sont plus du tout des enfants!!!
 
(Version enrichie — je n'ose dire « plus explicite » — de mon commentaire initial)

Notons bien que je n'emploie le terme de pédophilie qu'en général. Au besoin, disons que ce qu'il déclenche comme réprobation contamine par extension l'éphébophilie dont je parle aussi dans le billet.
 
Oui "contamination", c'est le mot!
 
Pour illustrer l'autre versant de ce billet, cet article du New York Times rappelle qu'en France, la tendance semble être à l'oubli tacite, voire au pardon des fautes commises par les artistes et les intellectuels :
Louis Althusser,
Cesare Battisti,
Bertrand Cantat,
Céline...
 
je pense qu'il un a un amalgame totalement absurde actuellement entre la pédophilie et l'éphébophilie.
Il y a une frontière, la plus justre et la plus naturelle possible : c'est la puberté !
avant d'avoir ses règles, on peut considérer effectivement qu'une fille est encore une enfant. Une fois pubère, la Nature lui donne la possibilité d'enfanter, donc bien évidemment d'avoir avant des rapports sexuels.
Je pense que l'attirance envers des enfants pré-pubères peut être appelée de la pédophilie. Au-delà - attirance envers des adolescentes - il s'agira d'éphébophilie. Ce qui n'est d'ailleurs pas considéré comme une déviance particulière par le DSM IV américain !
Le regard de la société vis à vis du rapport adultes/adolescent(te)s a énormément changé en quelques décennies.
Une attirance, voire un amour sincère est assimilé à la criminalité, ce qui est carrément honteux.
Seul le consentement devrait être la loi naturelle qui fixe les rapports adultes/ados.
Voir à ce sujet la "loi de la pudeur" sur Wikipédia, datant aussi des années 70, et les prises de position très ijntéressantes du philosophe Michel Foucault sur le sujet...
 
Bon, ma réponse circonstanciée vient d'être mangée par Blogger... Voici ce que je vous disais, en quelques mots :

Tous les actes criminels ne sont pas déviants. Ni le vol ni le viol ne sont des pathologies en soi, mais ils sont réprouvés quand même.

Tout ce qui est naturel n'est pas non plus automatiquement permis et légitime. Le viol et le meurtre sont des actes naturels, qui sont néanmoins tenus pour criminels.

La puberté n'est pas une frontière, mais une transition qui peut durer de deux à trois ans, voire plus. On parle aussi de pédophilie quand la victime est en début de puberté (ce qui, de nos jours, peut correspondre à un âge aussi jeune que neuf ou dix ans). Par conséquent, c'est une ligne très floue et très variable que les législateurs n'ont pas retenue comme critère.

C'est donc l'âge dit du consentement informé qui prime, car il s'agit non seulement d'être physiquement capable d'avoir des rapports sexuels, mais de comprendre aussi ce qu'ils impliquent, à tous les niveaux. Comme les jeunes ne mûrissent pas tous au même rythme, nos sociétés ont adopté des seuils relativement élevés, pour que le plus grand nombre possible de jeunes soient en mesure de juger.

Oui, le regard de la société a changé et c'est ce que je suggérais dans mon billet. D'une part, la société a désormais une vision plus nuancée des rapports entre adultes et adolescents qui ne jouissent pas de la même autonomie ou du même pouvoir économique et social. D'autre part, je me demande si la valorisation d'une beauté exagérément juvénile n'impose pas un contrôle beaucoup plus sévère de l'attirance pour cette même beauté quand elle se retrouve chez des mineurs.
 
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