2009-09-14

 

Je suis nul, mais tant pis

En juillet dernier, l'Agence Science-Presse rapportait les résultats d'une étude canadienne sur les bienfaits de la pensée positive (genre, se répéter « Je suis bon » ou « Je suis capable ») chez ceux qui se sentent déprimés ou qui ont une faible estime de soi. Selon l'étude, ces bienfaits étaient plutôt des méfaits, car les avantages étaient non avérés ou franchement négatifs. L'articulet concluait « Les chercheurs estiment que se donner le droit de broyer du noir reste encore une façon simple et saine de voir éventuellement les choses du bon côté! »

Cette capsule citait comme source Psychology Science, mais il faut plutôt en attribuer la paternité à Joanne V. Wood (Université de Waterloo) W.Q. Elaine Perunovic (Université du Nouveau-Brunswick) et John W. Lee (Université de Waterloo), dont l'article « Positive Self-Statements: Power for Some, Peril for Others » est paru dans la revue Psychological Science.

En fait, les affirmations positives procurent un surplus de confiance à ceux qui en ont déjà, mais elles ne font rien pour aider ceux qui en manquent, et risquent même de les enfoncer encore plus. Par contre, je ne trouve pas dans l'article la conclusion citée par l'entrefilet de l'Agence Science-Presse. Tout au plus les auteurs avancent-ils que « According to the ‘‘latitudes of acceptance’’ idea (Sherif & Hovland, 1961), messages that espouse a position close to one’s own attitude are more persuasive than messages that espouse a position far from one’s own (Eagly & Chaiken, 1993). »

Néanmoins, si on applique le principe hippocratique, il semble clair qu'il est préférable de ne pas encourager la pensée positive et de célébrer plutôt les vertus d'un sain réalisme, voire du jugement le plus objectif possible.

Évidemment, il est surtout question dans cette analyse de l'être et non du faire. Du ressenti, et non de l'agi. Mais il est effectivement tentant de s'interroger sur les conséquences d'une vision plus réaliste de soi-même et de ses défaillances non seulement sur l'humeur mais sur le comportement. Si on peut s'accepter comme faillible, sera-t-on plus apte à agir et entreprendre? S'il y a une religion qui a prêché l'humilité et la mesure de sa propre faillibilité, c'est le christianisme, en particulier dans le sillage de l'adoption de la confession des péchés, qui est une forme d'autocritique particulièrement acérée. Or, les chrétiens ont connu beaucoup de succès dans le monde séculaire depuis un millénaire tandis que des religions moins portées sur l'humiliation des croyants ont dû lui céder le pas... Y a-t-il là une relation de cause à effet? Ce n'est pas si sûr si on accepte la thèse inverse de Weber qui associait le succès des capitalistes protestants à la certitude de compter parmi les élus...

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Comments:
«Les chercheurs estiment que se donner le droit de broyer du noir reste encore une façon simple et saine de voir éventuellement les choses du bon côté!»

Je veux bien, mais les tenants de la pensée positive tentent surtout d'appliquer l'idée à des gens qui ont une estime de soi tellement faible qu'ils ne peuvent pas simplement broyer un peu de noir sans tomber dans les extrêmes de toujours se trouver et se qualifier d'idiots ou de nuls.

Sans faire l'éloge de la pensée positive à tout crin et du manque de réalisme, je ne pense pas que la "pensée négative" soit une bien meilleure approche psychologique.
J'ai vu les effets chez des amis, de pensées négatives à répétition pendant des années - ces gens sont convaincus d'être nuls - et ce n'est rien de bien joyeux. Ce n'est pas réaliste non plus car il ne s'agit pas de nuls du tout, mais de personnes faillibles, normales, avec leurs forces et faiblesses mais qui ont tendance à toujours voir leurs accomplissements sous l'angle qui les défavorise le plus.

Ainsi, si j'ai pu voir l'effet des répétition "Je suis mauvais", "Je ne suis pas capable", j'imagine que l'effet inverse existe bel et bien.
 
Être vs faire ? Tiens, ça me rappelle quelque chose ;)
Me semble que trouver de façon réaliste ses bons côtés et accepter qui l'on est est un bon début. Ensuite, chercher à améliorer ce qui peut l'être sans se prendre la tête sur ce qui ne le peut pas... ou moins.
 
C'est clair que ce n'est pas bon non plus de se répéter des évaluations négatives de soi jusqu'à ce que ça devienne une obsession paralysante.

L'article lui-même, tel que je lis, ne prône pas la « pensée négative » comme le fait l'entrefilet que je cite. (Mais peut-être que l'autrice principale a laissé échapper quelque chose qui y ressemble dans une entrevue, ou pour un communiqué de presse. C'est ça la vulgarisation des sciences, de nos jours...) Mais l'article proprement dit suggère plutôt que les messages d'encouragement les plus efficaces sont ceux qui sont les plus proches de la réalité telle que perçue par la personne. Dire à un étudiant qui coule un cours qu'il est un génie méconnu comme Einstein serait contre-productif car cet idéal est trop éloigné de la réalité de l'étudiant. Mais se baser sur un de ces travaux écrits pour lui dire qu'il rédige bien et maîtrise bien la langue, c'est plus susceptible de l'atteindre et de le stimuler (si c'est assez vrai).

Enfin, j'interprète un peu beaucoup, mais cette lecture me semble correspondre aux conclusions de l'article. Et c'est d'autant plus convaincant (à mes yeux, hein!) que ça correspond assez bien à mes propres idées sur le sujet ; j'ai connu ma part d'échecs, mais je me couche, je dors bien, puis je passe à autre chose. Il faut s'accepter comme imparfait (ce qui est certainement plus facile si on a un jardin secret plus florissant que les autres parties de sa vie), puis aller de l'avant.
 
La faculté de tourner la page rapidement plutôt que de ressasser ses problèmes semble être un point important du coping (comprendre adaptation)... cela rejoindrait, avec le renforcement positif (mettre l'accent sur ce qui a déjà marché pour la personne et le transférer à un nouveau contexte où elle peut se valoriser.. du gros bon sens. La vérité, du bon côté en somme. Bon je ressors mes cours, puissé-je les appliquer pour mon propre bien ;)
 
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