2009-05-02
Carcajou le Mutant
Je ne suis pas assez au courant de la mythologie des X-Men pour juger de la fidélité du nouveau film centré sur le personnage de James Logan, alias Wolverine. Relativement aux films que j'ai vus, toutefois, le scénario m'a semblé faire un effort pour cadrer avec ce que la plupart des spectateurs auront appris précédemment.
Et le film? Le minimum syndical de bagarres, cascades, chasses et poursuites est fourni, et même plus. L'affrontement ultime est grandiose, mais, une fois de plus, j'ai trouvé qu'on oublie de justifier, d'un film à l'autre, pourquoi Wolverine serait disposé à se sacrifier pour autrui. Simplement par dépit ou par camaraderie? Ce n'est pas toujours convaincant dans son cas. Mais le genre feuilletonnesque a ses exigences : il faut savoir inscrire une intrigue dans une narration qui dépasse le cadre d'un seul film et chaque épisode doit être doté d'un minimum de cohérence. Du coup, les rapports de Wolverine avec son frère ne sont pas vraiment approfondis, tandis que son histoire d'amour avec Kayla s'avère fondée sur certains mensonges, un peu comme dans l'avant-dernier film dans la série des James Bond, Casino Royale. Sans parler des parallèles avec l'intrigue du film Watchmen, qui renforcent l'impression de déjà-vu.
C'était sans doute inévitable, tout simplement parce qu'un ingrédient essentiel de la série d'origine n'est pas exploité — peut-être parce qu'il n'est plus exploitable.
L'histoire de base des X-Men reste la persécution d'une minorité originale et talentueuse précisément parce qu'elle est talentueuse, ce qui a plusieurs échos au vingtième siècle, de la Shoah aux massacres ciblant (au Cambodge, par exemple) les citadins et les intellectuels. Sans surprise, les nerds peuvent s'identifier aux mutants du professeur Xavier, mais de nombreuses autres minorités méprisées également. Mais il convient de noter que l'identité de ces mutants est intimement mêlée aux origines scientifiques de leurs pouvoirs, que leurs mutations soient comprises comme purement aléatoires (et s'inscrivant dans les prolongements de la théorie darwinienne de l'évolution) ou qu'elles soient associées, au moins par les lecteurs, à l'énergie nucléaire (comme souvent en science-fiction).
Dans le nouveau film, le lien avec la science de l'atome est plus que suggéré par le choix de Three Mile Island comme décor de la dernière partie du scénario (même si on a soin de préciser que c'est l'emplacement d'une centrale nucléaire, et sans essayer de faire allusion à l'accident dont la plupart des moins de trente ans n'ont aucun souvenir). Qu'on ajoute à cela un projet gouvernemental extrêmement coûteux qui cherche à instrumentaliser les pouvoirs des mutants, et il devient assez évident qu'on réitère le récit faustien de l'instrumentalisation de l'énergie nucléaire par les États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale.
Mais on ne peut plus inquiéter, angoisser ou effrayer un public en mettant en scène l'instrumentalisation de la science par les militaires. C'est un acquis, dorénavant, et la destruction de Hiroshima ou Nagasaki appartient à un passé de plus en plus lointain. À la rigueur, le complexe militaro-industriel et le spectre d'une guerre nucléaire pouvaient encore faire peur durant les années soixante, quand les X-Men ont été créés. Maintenant que l'instrumentalisation de la science a été réduite pour de bon à la fourniture de gadgets amusants à un James Bond et à quelque chose qui a sa propre échelle de coolitude, l'exploitation des mutants pour créer de nouvelles armes est à ce point attendue qu'elle doit céder le devant de la scène aux affres sentimentaux d'un personnage appelé Carcajou.
Et le film? Le minimum syndical de bagarres, cascades, chasses et poursuites est fourni, et même plus. L'affrontement ultime est grandiose, mais, une fois de plus, j'ai trouvé qu'on oublie de justifier, d'un film à l'autre, pourquoi Wolverine serait disposé à se sacrifier pour autrui. Simplement par dépit ou par camaraderie? Ce n'est pas toujours convaincant dans son cas. Mais le genre feuilletonnesque a ses exigences : il faut savoir inscrire une intrigue dans une narration qui dépasse le cadre d'un seul film et chaque épisode doit être doté d'un minimum de cohérence. Du coup, les rapports de Wolverine avec son frère ne sont pas vraiment approfondis, tandis que son histoire d'amour avec Kayla s'avère fondée sur certains mensonges, un peu comme dans l'avant-dernier film dans la série des James Bond, Casino Royale. Sans parler des parallèles avec l'intrigue du film Watchmen, qui renforcent l'impression de déjà-vu.
C'était sans doute inévitable, tout simplement parce qu'un ingrédient essentiel de la série d'origine n'est pas exploité — peut-être parce qu'il n'est plus exploitable.
L'histoire de base des X-Men reste la persécution d'une minorité originale et talentueuse précisément parce qu'elle est talentueuse, ce qui a plusieurs échos au vingtième siècle, de la Shoah aux massacres ciblant (au Cambodge, par exemple) les citadins et les intellectuels. Sans surprise, les nerds peuvent s'identifier aux mutants du professeur Xavier, mais de nombreuses autres minorités méprisées également. Mais il convient de noter que l'identité de ces mutants est intimement mêlée aux origines scientifiques de leurs pouvoirs, que leurs mutations soient comprises comme purement aléatoires (et s'inscrivant dans les prolongements de la théorie darwinienne de l'évolution) ou qu'elles soient associées, au moins par les lecteurs, à l'énergie nucléaire (comme souvent en science-fiction).
Dans le nouveau film, le lien avec la science de l'atome est plus que suggéré par le choix de Three Mile Island comme décor de la dernière partie du scénario (même si on a soin de préciser que c'est l'emplacement d'une centrale nucléaire, et sans essayer de faire allusion à l'accident dont la plupart des moins de trente ans n'ont aucun souvenir). Qu'on ajoute à cela un projet gouvernemental extrêmement coûteux qui cherche à instrumentaliser les pouvoirs des mutants, et il devient assez évident qu'on réitère le récit faustien de l'instrumentalisation de l'énergie nucléaire par les États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale.
Mais on ne peut plus inquiéter, angoisser ou effrayer un public en mettant en scène l'instrumentalisation de la science par les militaires. C'est un acquis, dorénavant, et la destruction de Hiroshima ou Nagasaki appartient à un passé de plus en plus lointain. À la rigueur, le complexe militaro-industriel et le spectre d'une guerre nucléaire pouvaient encore faire peur durant les années soixante, quand les X-Men ont été créés. Maintenant que l'instrumentalisation de la science a été réduite pour de bon à la fourniture de gadgets amusants à un James Bond et à quelque chose qui a sa propre échelle de coolitude, l'exploitation des mutants pour créer de nouvelles armes est à ce point attendue qu'elle doit céder le devant de la scène aux affres sentimentaux d'un personnage appelé Carcajou.
Libellés : Films, Science-fiction
Comments:
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Je n'ai pas encore vu ce nouveau volet de la saga, mais dans la serie BD originale (enfin celle dont j'etais fan du temps ou Chris Claremont et John Byrne en etaient les auteurs, dans les annees 70-80), Wolverine etait vraiment le seul des mutants que le gouvernement ait essaye d'utiliser, a part peut-etre Colossus echappe de l'URSS, et la "Division Alpha" utilisee par le gouvernement Canadien (logan lui-meme est Canadien, n'est-ce pas? Peu etonnant quand John Byrne est au moins en partie Canadien).
C'est d'ailleur etonnant que ces mutants aient ete si peu gouvernementalises. Au contraire, on assiste plutant dans l'ouvre (comme dans les films) a une opposition du gouvernement: Sentinelles et tout, porte par la peur populairte de cette race (oui, c'est bien du racisme dont on parle a mon avis) superieure.
Autre trait interessant, les films se focalisent beaucoup sur le personnage de Wolverine, qui est peut-etre plus cool que les autres, peut-etre, mais dans les BD, le role central etait tenu par Cyclope, le chef. Enfin ca reflete peut-etre plus l'esprit de l'epoque actuelle.
J'irai le voir en tout cas...
A bientot,
./\.
C'est d'ailleur etonnant que ces mutants aient ete si peu gouvernementalises. Au contraire, on assiste plutant dans l'ouvre (comme dans les films) a une opposition du gouvernement: Sentinelles et tout, porte par la peur populairte de cette race (oui, c'est bien du racisme dont on parle a mon avis) superieure.
Autre trait interessant, les films se focalisent beaucoup sur le personnage de Wolverine, qui est peut-etre plus cool que les autres, peut-etre, mais dans les BD, le role central etait tenu par Cyclope, le chef. Enfin ca reflete peut-etre plus l'esprit de l'epoque actuelle.
J'irai le voir en tout cas...
A bientot,
./\.
Reste que le personnage du mutant (voir Slan, 1946), essentiellement apparu après la Seconde Guerre mondiale et Hiroshima, incarne à la fois le pouvoir de l'atome (les nouvelles de Van Vogt dans Empire of the Atom étaient parues en 1946 et 1947) et le pouvoir de la science qui a dompté (ou déchaîné...) l'atome.
Du coup, même quand le mutant est persécuté, il révèle à la fois la crainte populaire face à des pouvoirs surhumains et ces pouvoirs eux-mêmes. Du moins, à l'époque où l'accent était mis là-dessus, ce qui n'est plus nécessairement le cas dans les versions modernes pour le cinéma...
Enfin, c'est ce qu'il me semble possible de soutenir. :-)
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Du coup, même quand le mutant est persécuté, il révèle à la fois la crainte populaire face à des pouvoirs surhumains et ces pouvoirs eux-mêmes. Du moins, à l'époque où l'accent était mis là-dessus, ce qui n'est plus nécessairement le cas dans les versions modernes pour le cinéma...
Enfin, c'est ce qu'il me semble possible de soutenir. :-)
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