2009-03-24

 

Pourquoi les stéréotypes sont tenaces

Dans le Globe and Mail de la fin de semaine, Rebecca Godfrey signait une recension de l'ouvrage Gangs and Girls, traduction du livre Jeunes filles sous influence de Michel Dorais et Patrice Corriveau, sur les nouvelles formes de la prostitution juvénile et sur le recrutement des jeunes filles par les gangs de rue. (L'en-tête du Globe and Mail inversait le titre — accidentellement, on espère — pour en faire Girls and Gangs.) Entre autres, Dorais et Corriveau décrivent les tactiques utilisées par les proxénètes pour charmer et séduire les jeunes filles avant de les piéger ou de les obliger à travailler pour eux.

Dans sa critique, Godfrey reprochait aux auteurs une répartition en quatre catégories distinctes des jeunes filles victimes de proxénètes : « submissives, emotionally dependent on their boyfriends; sex slaves, forced into the trade against their will; independents, looking for freedom and glamour; and daredevils, seeking out thrills and adventure ». Elle proteste longuement : « This type of defining feels reductive, better for charts in the classroom than for granting insight into the troubled fate of young women. Couldn't a young girl long for thrills and also be naive? In this respect, the authors fail to acknowledge the complex and contradictory desires that may influence a young girl's choices just as much as a dose of lovebombing. Readers looking to understand the motivations of teenage girls might be better served by first-person accounts ».

Par contre, Godfrey est plus favorablement impressionnée par les solutions que proposent les auteurs : « most importantly, Dorais and Corriveau offer solutions and strategies aimed at getting girls away from the alluring and abusive hold of gang life. Their 10 suggested approaches—while brief—stand out as the most groundbreaking aspect of this book. »

Si les stéréotypes ont la vie dure, y compris les idées reçues que les hommes entretiennent au sujet des femmes et vice-versa, c'est peut-être parce que, de temps à autre, ils sont confirmés. D'une part, la journaliste réclame plus de compréhension de la vision du monde et des mobiles des jeunes filles, et elle critique le manque de finesse psychologique des deux auteurs masculins. D'autre part, elle est bien obligée que les deux auteurs, faisant fi des émotions et des motivations de ces jeunes filles, proposent des solutions concrètes dont elle est la première à reconnaître l'originalité et la pertinence. Bref, la femme s'inquiète des émotions tandis que les deux hommes se préoccupent des gestes pratiques à poser...

Évidemment, s'il semble facile de s'appuyer sur cet article pour confirmer d'une pierre deux stéréotypes, c'est que le biais de confirmation d'hypothèse intervient ici. Dans la mesure où nous disposons déjà d'un cadre tout fait pour interpréter cette critique, on va s'en souvenir parce qu'elle étaie nos convictions. C'est une effet de sélection dans la mesure où on ne retient souvent que ce qui renforce nos préjugés...

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Comments:
M'demande si le biais de confirmation d'hypothèse might be argued to be related to the underlying neurological structures of the brain as well?

Steven Johnson makes precisely that point in his rather good (I haven't finished reading it yet, as his second to last chapter meanders ridiculously) historical case study of the beginnings of epidemiology, "The Ghost Map", in which he argues convincingly and it seems originally (his basis is a 2003 brain scan study, abstract linked here http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14568446) that the miasmatic theory of infectious diseases had its basis and took its persistance from fundamental features of human brain architecture, namely that the amygdala (part of the limbic system, is activated by strong smells.
 
Pourquoi pas?

Néanmoins, la théorie des humeurs a duré beaucoup plus longtemps que la théorie des miasmes. A priori, elle ne s'appuyait pas sur quelque chose d'aussi précis qu'une structure neurologique particulière.

Par contre, elle s'appuyait sur beaucoup d'observations en apparence concordantes et elle correspondait à une réalité (nous sommes des sacs de fluides diversifiés, qui suintent, coulent et débordent parfois), tout comme la théorie des miasmes s'appuyait sur des observations concordantes et une réalité : souvent, les mauvaises odeurs sont associées à des sources potentielles d'infections...

Et puis, la théorie des humeurs formait un système très complet, capable d'intégrer de nombreux phénomènes, ce qui était aisément interprété comme un signe de sa valeur. À ce que j'en comprends, la théorie des miasmes n'était pas un système aussi général, mais les odeurs et les maladies étaient autrefois si communes qu'il n'était sûrement pas difficiles d'établir des liens, factices ou non, entre telle odeur et telle maladie.

Ces deux façons d'étayer une théorie semblent si naturelles qu'elles correspondent sans doute à des mécanismes psychologiques primaires chez l'humain, mais nous ne sommes sans doute pas à la veille de les élucider directement.
 
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