2009-03-01

 

Les artistes, des personnes imaginaires

Dans son commentaire publié par le Globe and Mail en fin de semaine, Richard Florida épingle la déclaration d'un politicien étatsunien (membre du parti Républicain, comme de raison) qui s'était élevé contre le projet de relance de Barack Obama parce qu'il prévoyait de l'argent pour les arts : « We have real people out of work right now and putting $50-million in the NEA and pretending that's going to save jobs as opposed to putting $50-million in a road project is disingenuous. » Le sectarisme néo-conservateur à son meilleur! La conclusion évidente, c'est que les artistes qui bénéficieraient de ces fonds ne sont pas de vraies personnes, selon ce néo-con... Sans doute vivent-ils de l'air du temps et couchent-ils dans des lits imaginaires. Et s'ils empochent de l'argent (jamais beaucoup) pour pratiquer leur art, c'est pour alimenter un trou noir puisqu'ils ne vont pas s'en servir pour acheter de quoi manger, de quoi s'abriter ou de quoi pratiquer leur art, toutes ces dépenses qui feraient circuler un peu d'argent supplémentaire dans une économie déprimée. Mais peut-être ce politicien confond-il les artistes avec les riches qui tendent à mettre à la banque les sommes additionnelles qu'ils empochent...

En même temps, Florida soulève une question autrement plus conséquente. S'il s'agit de relancer l'économie nord-américaine, est-il sage de dépenser autant sur les travaux d'infrastructure quand ces travaux mobiliseront beaucoup moins de personnes par dollar investi qu'au temps du New Deal de Roosevelt et ne profiteront qu'à une partie de l'économie beaucoup moins centrale qu'autrefois? Avant la Seconde Guerre mondiale, les dépenses du New Deal favorisaient un changement structurel de l'économie, soit le passage d'une économie agraire à une économie industrielle. Mais on ne prend pas deux fois le virage industriel. Ne vaudrait-il pas mieux dépenser sur les forces vives de l'économie qui seraient susceptibles de favoriser le virage post-industriel, celui qui entraînerait l'avènement d'une société créative?

Florida souligne que l'économie créative (animée par des professionnels, des artistes, des universitaires, des chercheurs, etc.) représente le tiers environ de la main-d'œuvre en Amérique du Nord et plus de la moitié des salaires; par conséquent, les plans de relance d'Obama et Harper auraient dû prévoir entre le tiers et la moitié des fonds pour l'économie créative. (À mon avis, ceci néglige le fait que les administrations et les institutions existantes soutiennent peut-être déjà de nombreux créatifs, qui ne sont pas toujours les plus à plaindre en pleine crise; en revanche, il s'agit de bien comprendre que Florida défend aussi l'utilité à long terme d'un investissement dans le secteur créatif.) L'argument est sans doute plus qualitatif que quantitatif, mais cela fait plaisir de voir quelqu'un défendre la cause de l'économie telle que, moi, je la connais!

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Comments:
c'est le même genre de raisonnement qui conduisant beaucoups journaux américains de mettre fin leurs sections des livres, car ils n'apportent assez pas de pubs ....*sigh*
 
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