2008-12-22

 

Le jupon se montre enfin

S'il était possible de douter que le réseau CTV était devenu l'équivalent de Fox aux États-Unis, même après l'embuscade réservée à Stéphane Dion, tout doute sera dissipé par l'envoi de deux reporters du réseau, Mike Duffy et Pamela Wallin, au Sénat par Stephen Harper. Ceux-ci auraient d'ailleurs annoncé qu'ils siègeraient au sein du caucus conservateur, et non comme sénateurs indépendants sans affiliation politique, ce qui aurait au moins préservé la fiction de leur neutralité politique antérieure.

La pire décision de la gouverneure-générale Michaëlle Jean porte maintenant ses fruits. En choisissant d'accorder une prorogation sans limiter les pouvoirs du premier ministre, elle lui a permis d'opérer des nominations qui se font dans le contexte de ce qui reste une crise de confiance parlementaire.

Dans l'immédiat, les conséquences sont relativement mineures. Le pouvoir politique au Sénat restera entre les mains du caucus libéral, mais le fonctionnement du Sénat sera tout de suite amélioré par l'arrivée de nouveaux sénateurs de l'Opposition.

Ce qu'il faut retenir de cet envoi massif de sénateurs nommés dans les heures avant le congé des Fêtes, c'est qu'il est une autre conséquence de l'intransigeance des Conservateurs de Harper, qui se sont entêtés, depuis deux ans, à ne pas reconnaître qu'ils ne représentaient qu'une minorité de la population et que la réforme du Sénat exigerait un amendement constitutionnel approuvé par les deux Chambres et par les assemblées législatives d'au moins les deux tiers des provinces — à la condition que celles-ci représentent au moins la moitié de la population des provinces du pays. Or, tant que l'Ontario et le Québec représenteront les deux tiers de la population canadienne, cette condition ne sera pas satisfaite sans leur accord et s'il leur serait possible d'accepter un Sénat élu, ces deux provinces n'accepteront jamais sans contrepartie un Sénat où toutes les provinces auraient le même poids.

Bref, Harper pratiquait un refus de la réalité politique du pays qu'on a beaucoup vu chez les Républicains de Bush dans d'autres circonstances.

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Comments:
Je n'ai jamais voté pour les Conservateurs mais aux tous débuts j'éprouvais une forme de sympathie pour Harper. Elle s'était envolée peu à peu -- ce n'est pas facile pour un artiste de trouver des points communs avec lui -- mais ces derniers mois sa vraie nature se révèle. Quelle tartufferie que ces nominations! Comment se sent-on d'être nommé sénateur dans ces conditions? Y en aura-t-il qui auront le courage de refuser? (L'aurais-je moi-même si on m'offrait ce genre de retraite dorée?)

Joël Champetier
 
Je lutte à comprendre...
il semble a faire petits aristocrates dans sa monde de patronage, mais le même temps il dit que il essaie de démocratiser le Sénat?

Son objectif est de provoquer?
 
À vrai dire, Harper n'est pas si hypocrite que ça en ce qui concerne les nominations de sénateur. J'ai essayé de retrouver la trace de la promesse dont on a fait état dans certains médias, selon laquelle Harper ne désignerait que des sénateurs élus, mais, à son congrès de Winnipeg avant les élections, le parti Conservateur avait annoncé qu'en l'absence de réforme, le gouvernement du Canada nommerait des sénateurs. La promesse était donc caduque.

Même du point de vue de la réforme du Sénat, Harper peut se défendre en plaidant les besoins tactiques pour le but stratégique. Dans l'histoire parlementaire britannique, c'est un classique de la chose que de multiplier les nominations à la chambre haute pour obtenir le passage d'une réforme que la population approuve mais que les lords ou sénateurs rejettent. Sauf qu'ici, Harper n'a pas l'appui de la majorité de la population.

Donc, sans revenir sur la question de sa légitimité, Harper essaie de commencer à instaurer une majorité conservatrice au Sénat dans l'espoir qu'un jour, il y aura une majorité conservatrice dans les deux chambres... ainsi qu'un gouvernement amical soit au Québec soit en Ontario. Autrement dit, il compte sur une conjonction des plus improbables.

Au fond, je trouve qu'il se montre soit un peu fanatique sur le sujet (s'il n'a pas compris l'irréalisme du projet) soit très démagogue (s'il est conscient de cet irréalisme) en voulant faire miroiter la possibilité d'une réforme à sa base électorale de l'Ouest.
 
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