2008-07-09

 

Un prix solidaire de l'essence?

Payons-nous trop cher pour l'essence dont on abreuve nos voitures?

En fait, le prix varie beaucoup selon le pays ou la ville où l'on se trouve. Un grand sondage mondial des prix à la pompe de l'essence a été conduit par la Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit en 2006 et les résultats sont présentés dans ce rapport (.PDF) de 2007. Si on en tire un diagramme, on saisit mieux la gamme des prix. Cette diversité est principalement une fonction des interventions gouvernementales : dans certains pays, comme le Vénézuéla, des subventions abaissent le prix de l'essence loin en-deçà du prix coûtant; ailleurs, ce sont des taxes qui rehaussent le prix de l'essence, jusqu'à frôler les deux dollars le litre en 2006. Dans le diagramme ci-dessous, les prix sont donnés en cents étatsuniens par litre d'essence. En 2006, le prix moyen était de 1.01$. Il était minimal au Vénézuéla et maximal en Turquie. Les pays nord-américains, comme je l'avais déjà indiqué, paient nettement moins que les pays européens.

Sauf que...

Afin de corriger les chiffres données en dollars étatsuniens, on peut ensuite adopter les données de cette comparaison (.PDF) des prix mondiaux conduite en 2005 par la Banque mondiale. En intégrant l'indice qui rétablit la parité du pouvoir d'achat, on obtient un diagramme différent qui permet de se faire une idée de l'impact réel sur le portefeuille et le niveau de vie des prix disponibles dans chaque pays. Après tout, les prix ci-dessus correspondent à une conversion du prix local en monnaie étatsunienne. Or, comme on le sait, cette conversion est parfois trompeuse, car le taux de change ne reflète pas nécessairement le pouvoir d'achat (des biens essentiels). Par conséquent, si je convertis les prix de 2006 en utilisant les indices de parité du pouvoir d'achat, j'obtiens un diagramme très différent qui situe mieux la cherté de l'essence dans chaque pays par rapport à la cherté des autres biens de consommation.

Comme on le voit ci-dessous, c'est la Gambie, cette fois, et les autres pays pauvres (en Afrique, surtout) qui souffrent le plus quand il faut acheter de l'essence. L'extrême est nettement plus élevé, frôlant les quatre dollars corrigés, de sorte que l'écart entre les uns et les autres devient un gouffre. D'ailleurs, les pays riches se retrouvent au bas de la pente et leurs habitants paient entre le quart et le tiers de ce qu'on paie dans les pays les plus pauvres. C'est pourquoi la vie continue plus ou moins comme avant dans les pays riches, malgré la montée des prix de l'essence et quelques grincements de dents, tandis que les pays pauvres font face à des situations dramatiques. Un rapport récent de la Banque mondiale évaluerait à 15% la part de la hausse des prix de la nourriture imputables à l'augmentation des prix de l'essence. Tout ce qui sauve sans doute les pays pauvres, c'est de ne pas dépendre pour tout des transports motorisés devenus essentiels dans les pays riches...En 2006, le Vénézuéla restait le pays qui vendait l'essence la moins chère, mais les Suisses payaient moins que les Canadiens et la plupart des pays industrialisés payaient moins que le nouveau prix moyen en dollars ajustés, 1.94$...

Les prix se sont évidemment envolés depuis novembre 2006, mais la distribution devrait rester approximativement semblable. Sans doute que certains facteurs n'entrent toujours pas en ligne de compte (la longueur et la fréquence des déplacements requis peuvent varier selon les pays, et modifier l'impact d'une essence plus chère; on peut se déplacer en bicyclette l'hiver en France, mais pas au Canada, par exemple), mais le portrait fourni par le second diagramme est certainement plus proche de la réalité du quotidien.

Quand l'inégalité est aussi flagrante, on cherche forcément un moyen de réagir. Au minimum, on se dit que les Occidentaux comprendraient mieux la réalité du reste de la planète s'ils payaient un prix de l'essence plus proche de la moyenne mondiale calculée selon la parité du pouvoir d'achat, en versant au besoin à l'aide internationale l'excédent versé pour atteindre ce niveau...

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Comments:
Encore un article très intéressant… et à contre-courant des politiques français! Le 2è graphe est frappant, d’autant plus que certains journaux ont préféré ne parler que du premier.
Bonne continuation pour votre blog !
 
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