2008-07-10

 

L'indépendance énergétique du Québec

La course à la présidence des États-Unis a été accompagnée de nombreux discours sur l'indépendance énergétique des États-Unis.

En revanche, le sujet ne concerne pas les Québécois, sans doute convaincus de disposer de réserves énergétiques plus que suffisantes grâce à l'hydroélectricité. Après tout, comment le Québec pourrait-il manquer d'énergie puisque tout le monde sait qu'il exporte des kilowatts et des kilowatts à destination de New York? Le Québec n'a-t-il pas été (auto-)proclamé superpuissance de l'énergie propre?

Mais il faut se méfier de ce que « tout le monde sait ». Dans Solaris 167, un numéro spécial consacré à la ville de Québec en l'honneur de son 400e anniversaire, je signe une nouvelle intitulée « Le dôme de Saint Macaire » qui tente d'imaginer à quoi pourrait ressembler un futur Québec victime à la fois de la pénurie de pétrole et du réchauffement climatique. Or, si je prends ce rapport (.PDF) de 2004 sur l'énergie au Québec (pas excessivement récent, mais pas trop défraîchi quand même), on découvre dès les premières pages que l'électricité de source hydraulique représente moins de la moitié de l'énergie consommée au Québec...Ce diagramme montre la part (en pourcentage) de chaque source d'énergie consommée au Québec de 1992 à 2002. (Les quantités brutes ont été converties en tonnes d'équivalent-pétrole.) Comme on peut le voir, la combinaison des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) représente plus de la moitié de la consommation d'énergie au Québec. L'électricité fait jeu égal avec le pétrole, mais elle n'alimente que 38% environ de la consommation. Comme le Québec n'a pas de puits de pétrole, tout ce pétrole est importé et l'essentiel abreuve le secteur des transports routiers. Pour 2002, les données du rapport donnent le diagramme suivant. Il faut tenter d'imaginer ce qui arriverait au Québec si le pétrole commençait à manquer. Les solutions de rechange pour le transport en particulier ne sont pas nombreuses, mais ce sont aussi les industries et les maisons chauffées au mazout qui souffriraient. D'ailleurs, c'est tout simplement à cause des carburants fossiles que la balance commerciale du secteur énergétique au Québec est négative. Le secteur électrique dégage un léger excédent financier.

Mais n'est-ce pas la preuve que le Québec est au moins autosuffisant en électricité? En 2002, le Québec a livré 19 651 millions de kWh aux États-Unis et aux autres provinces canadiennes, mais il a reçu des mêmes 37 612 millions de kWh, soit presque deux fois plus que ses livraisons. Comment le Québec a-t-il pu générer un profit quand il reçoit plus d'énergie qu'il n'en livre à l'extérieur de ses frontières? La clé, c'est bien entendu l'achat de l'électricité des chutes Churchill au prix garanti (par un contrat dont Terre-Neuve se mord encore les doigts) d'un quart de cent ou moins le kWh, jusqu'en 2041 si Hydro-Québec le veut. Cette électricité est ensuite revendue pour de 3 à 5 cents le kWh au Québec ou de 8 à 10 cents le kWh à l'extérieur de la province... En termes énergétiques, la figure suivante illustre bien le déséquilibre. On peut voir à l'œil nu qu'en général, l'ensemble des importations a presque toujours dépassé l'ensemble des exportations — et je ne crois pas que les tendances aient changé depuis 2002...Ainsi, si jamais le Québec du futur était obligé de dépendre de ses propres ressources, il devrait apprendre à vivre avec moins de la moitié de sa consommation d'énergie totale actuelle et moins de 90% de sa consommation actuelle d'électricité. Encore qu'il est très difficile de faire passer l'électricité des chutes Churchill ailleurs qu'au Québec, de sorte que le prix de vente changera peut-être un jour, mais que les kWh du Labrador continueront d'aboutir au Québec...

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Comments:
Bonjour!

Ce billet est très intéressant et répond en partie à une question que je me posais sur la possibilité de régresser, mais avec nos connaissances actuelles. En fait, selon les données, ça risque de se produire. Un peu comme dans votre nouvelle.. ça donnerait quelques chose d'explosif.

Je vais visiter votre blog régulièrement; il est instructif. Je vais mettre un lien à partir de mon blog si cela ne vous dérange pas.
 
D'abord, n'hésitez pas à mettre un lien. Je vous en remercierai, d'ailleurs.

La question de notre avenir énergétique n'est pas facile. A moyen terme, le pétrole va devenir plus rare et plus cher — plus cher parce qu'il est plus rare, ou plus cher parce que ce qui restera coûtera plus cher à extraire du sol (sables et schistes bitumineux, puits en mer profonde).

Mais ceci ne sera pas nécessairement catastrophique. En augmentant de prix, le pétrole aura encouragé l'amélioration auparavant de l'efficacité et les solutions de remplacement (éoliennes, nucléaire, etc.). Toutefois, la plupart des solutions de remplacement produisent de l'électricité, ce qui ne remplace qu'imparfaitement le pétrole. (Disons que les voitures électriques ne sont pas encore au point...)

Et une pénurie de gaz naturel affecterait la production d'engrais azotés, dont dépend en partie la production agricole des pays les plus peuplés. Il serait possible de remplacer le gaz avec du charbon, mais ce serait moins efficace et les engrais coûteraient plus cher.

Le Canada a une petite population qui profite de vastes ressources. Il devrait se tirer assez bien d'affaire, mais si on considère que ce serait une régression de devoir prendre le tramway/métro plus souvent (si on a eu le temps d'en installer avant la crise), de se déplacer en bicyclette ou à pied, il pourrait y avoir un certain retour à des aspects du passé. Les véhicules roulant à l'essence ou à l'éthanol seraient plus rares, réservés aux riches ou aux besoins essentiels.

Dans ma nouvelle, je dramatise. Et puis, dans mon texte, la catastrophe est en partie le résultat de la panique qui a eu lieu immédiatement après les premières mesures d'urgence. Si les choses sont bien gérées, il pourrait y avoir des pénuries (comme durant les guerres) sans qu'il y ait catastrophe.
 
Salutations,

Ce matin, je naviguais sur le site www.futura-sciences.com, et je suis tombé sur un article qui, justement, donne une suite à la façon de gérer l'énergie à moindre coût. Je me suis dit que peut-être ça pouvait aussi vous intéresser.

(Bon, je ne suis pas en mesure de faire afficher le lien correctement, mais sur la page d'accueil, le titre est : Bientôt l'hydrogène pour stocker l'énergie solaire.)
 
Merci! On peut trouver l'article ici. Pour l'instant.

L'hydrogène est une source d'énergie dans plusieurs de mes histoires de science-fiction. Mais dans la vraie vie, les progrès ont été lents et graduels.
 
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