2008-07-04

 

Europe 1990 (1)

Le 3 juillet 1990, j'arrivais à Barcelone sous la pluie, étrennant un Eurailpass valable pour deux mois de voyage gratuit en train dans la plupart des pays de l'Europe de l'Ouest. Après être parti dans une grande balade à pied qui m'avait mené de la banlieue de Paris à Domfront, aux confins de la Normandie, avant de culminer (grâce à d'autres moyens de transports) avec la visite des îles anglo-normandes de la Manche, j'étais prêt à sortir de la France. Et ma première destination était le seul autre pays européen que j'avais déjà eu l'occasion de visiter un peu : l'Espagne. J'avais donc fait de Barcelone ma première escale, débarquant dans une gare où j'avais commencé par acheter un plan de la ville à un comptoir qui offrait également une tablette de livres de poche, dont quelques-uns de science-fiction... Barcelone se préparait alors à l'accueil des Jeux olympiques en 1992, comme on peut le voir dans cette photo qui signale la construction de la piscine olympique. Je découvrirais d'ailleurs que le Musée d'Art catalan était malheureusement fermé au nom de ces mêmes préparatifs.

Le 3 juillet, je visitais trois auberges de jeunesse avant d'en trouver une qui avait de la place. Je n'avais pas apporté mon appareil photo (assez lourd, merci) dans mon périple à pied, de sorte que je n'ai pas de souvenirs photographiques de cette première partie de ma grande tournée européenne en 1990. Rien que des notes dans un journal de voyage et quelques cartes postales. Avant de quitter Paris, j'avais terminé un rouleau de photos en noir et blanc. De sorte qu'en arrivant à Barcelone, je commençais un rouleau de photos couleurs. Et Barcelone ne manquait pas de couleurs! La première photo que j'ai prise, dans les jardins du Palais royal, en témoignait, comme de juste. Sous un soleil ardent, le mariage du blanc des allées de gravillons, du rose des plates-bandes fleuries et du vert des gazons ou buissons m'avait tiré l'œil. Après avoir passé trois semaines au milieu du vert bocage normand ou sous le crachin breton, j'aimais!

La campagne normande, Saint-Malo et les îles de la Manche avaient aussi pour point commun d'avoir vécu à l'écart des grands courants historiques. Oui, j'avais croisé à Carrouges et Saint-Malo la trace de Jacques Cartier et de ses commanditaires. Oui, j'avais également croisé en chemin des rappels de la bataille de Normandie durant la Seconde Guerre mondiale. En revanche, la ville de Barcelone avait été beaucoup plus intimement mêlée aux grands événements historiques. Au Musée maritime de Barcelone, j'avais découvert la réplique de la Galère Royale de Jean d'Autriche, vaisseau amiral de la flotte chrétienne à la bataille de Lépante en 1571. Cette victoire obtenue par Don Juan d'Autriche n'avait pas été un tournant décisif dans l'immédiat, mais elle avait symbolisé la transition qui s'amorçait dans le monde méditerranéen, car la suprématie musulmane subissait un premier revers qui serait confirmé par d'autres. (Après le siège raté de Vienne en 1683, la puissance ottomane reculerait pour de bon, et tout le monde musulman aurait à supporter le dur sort des faibles et des vaincus, qu'il avait réservé au monde chrétien pendant longtemps...) Et la réplique de cette galère royale, réalisée en 1971, se dressait sous les voûtes des anciens Arsenaux royaux, vieux de sept siècles. Frisson historique garanti... La réplique impressionnait à la fois par son faste et par sa petite taille. Les hommes d'équipage étaient entassés dans une coque étroite et ils étaient bien mal protégés contre les coups et les tirs, comme on le voit dans cette photo du pont et des bancs de nage. Imaginez un peu le massacre quand la mitraille sifflait...
Barcelone, ce n'était pas seulement un des grands ports de la Méditerranée, qui remonterait au général carthaginois Hamilcar Barca. Et ce n'était pas seulement un des derniers réduits de la République espagnole en 1939. C'était aussi une grande ville d'art et de culture, qui fut à la fine pointe de la modernité de son temps. L'emblème en est le chantier de la Sagrada Família, le chef-d'œuvre inachevé d'Antoni Gaudí que j'appelais Notre-Dame-de-la-Construction-Perpétuelle dans mon journal de voyage... Le 4 juillet 1990, la cathédrale demeurait un grand chantier et les tours conçues par Gaudí avoisinaient les grues, comme on peut le voir dans une photo ci-dessous. La photo ci-contre illustre l'état des travaux d'une façade intérieure, encore que ce serait tout aussi intéressant du point de vue architectural si cela correspondait au projet de Gaudí dans l'état.Avec un appareil moderne, j'aurais pu ramener des dizaines de photos de ce passage à Barcelone, car, le 3 juillet, j'avais visité aussi un musée d'histoire et fait le tour de la crypte archéologique sous la cathédrale de la vieille-ville. Je me souviens également d'avoir fait la sieste sur un banc dans le quartier portuaire, d'être allé admirer le Palais Güell de Gaudí (dont il y avait aussi une fontaine dans les jardins du Palais royal, non loin des bosquets de bambous), d'avoir passé la nuit dans une auberge de jeunesse caractérisée par des conditions d'entassement et de malpropreté comme j'en ai rarement vues... Et je ne conserve que treize photos de cette quarantaine d'heures passées dans la capitale catalane!

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Comments:
JLT,
Merci de mettre en ligne des portions de tes voyages, puisque même si j'en ai entendu parler à l'occasion de brèves rencontres, ces voyages ont été faits avant l'existence de ton blogue.
Évidemment, comme je voyage pas mal moi-même, tu auras deviné que j'aime beaucoup lire ces récits, surtout qu'en portant ce regard vers le passé que te permet le passage du temps, tes réflexions en sont plus profondes que ce que j'arrive à faire en direct lors de mes propres séjours.
 
Par contre, tu jouis de l'avantage de l'immédiateté, qui fait qu'il y a dans tes billets une fraîcheur que je n'ai pas. Et même avec la meilleure volonté du monde (et un journal de voyage pour mon tour européen en 1990), il y a des choses dont je ne peux me souvenir, dix-huit ans plus tard.

D'où l'intérêt des blogues comme le tien et que j'apprécie beaucoup. (Même si je regarde tes photos et que j'ai envie d'y être, zut de zut!)
 
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