2008-02-18

 

Quatre millions

Quel auteur que cet O. Henry!

William Sydney Porter (1862-1910) est devenu O. Henry pour cacher son passé de criminel condamné pour fraude ou malversation. Il est devenu célèbre sous ce nom d'emprunt en signant des nouvelles qui avaient pour sujets principaux New York et l'Ouest des cow-boys. (Mais, en dépit de son ascension fulgurante comme auteur renommé dans toute l'Amérique, il n'a sans doute pas inspiré la barre de chocolat Oh Henry!)

J'ai hérité de l'édition de 1912 de son recueil The Four Million (1906), chiffre qui fait référence à la population de New York à cette époque. En 1912, Porter était mort depuis deux ans à peine. Sa veuve, qu'il avait épousé après la mort de sa première femme et qui l'avait quitté peu de temps avant sa mort, lui survivrait jusqu'en 1959, mais sa fille disparaîtrait en 1927. Il avait eu le temps d'écrire de nombreuses nouvelles aussi courtes que percutantes (près de 400 en huit ans après son arrivée à New York!). Certaines sont connues de tous les lecteurs d'un certain âge en Amérique du Nord, car elles ont fait partie de nombreuses anthologies scolaires, dont « The Gift of the Magi » et « The Cop and the Anthem », qui figurent tous les deux dans The Four Million et que j'avais lues il y a longtemps.

C'était le pionnier du dénouement surprise, voire le spécialiste, car je n'ai pas lu grand-monde qui ait fait mieux. Il surpasse aisément Maupassant, même si on finit par pressentir les éléments de la formule, mais quand on croit deviner où il veut en venir, il signe une fin à double détente, comme dans « After Twenty Years ». Moins maniéré que George du Maurier dans Trilby, il est au moins aussi spirituel. J'allais dire, avec l'antisémitisme en moins, mais il y a au moins un pharmacien du nom d'Ikey (Isaac?) Schoenstein qui n'a pas le plus beau des rôles, mais le texte ne précise jamais qu'il est juif...

Cela dit, O. Henry ne se débrouillait pas trop mal non plus avec les débuts. Prenons le paragraphe initiale de la nouvelle intitulée « Memoirs of a Yellow Dog »:

« I don't suppose it will knock any of you people off your perch to read a contribution from an animal. Mr. Kipling and a good many others have demonstrated the fact that animals can express themselves in remunerative English, and no magazine goes to press nowadays without an animal story in it, except the old-style monthlies that are still running pictures of Bryan and the Mont Pelée horror. »

Un autre exemple tient en trois paragraphes :

« It was a day in March.

Never, never begin a story this way when you write one. No opening could possibly be worse. It is unimaginative, flat, dry and likely to consist of mere wind. But in this instance it is allowable. For the following paragraph, which should have inaugurated the narrative, is too wildly extravagant and preposterous to be flaunted in the face of the reader without preparation.

Sarah was crying over her bill of fare. »

Il y a des expressions employées par O. Henry qu'il n'a peut-être pas inventées, mais qu'il a sûrement contribué à répandre. Et qu'on utilise encore aujourd'hui parce qu'elles donnent tellement de sel à ses textes les plus mémorables... Pour qui connaît un peu New York au tournant du siècle dernier, ses nouvelles sont également saisissantes parce qu'elles semblent croquer sur le vif l'existence dans la métropole des Amériques, s'introduisant dans la vie des clochards, des riches, des amoureux, des travailleurs et même des petites ouvrières à six dollars la semaine. (Compte tenu de l'inflation, six dollars de 1905 correspondraient à 137 $ aujourd'hui, ce qui reste une somme dérisoire pour qui voudrait vivre à Manhattan pendant une semaine avec cette somme... L'incendie de l'usine Triangle Shirtwaist, qui coûta la mort à presque 150 de ces ouvrières gagnant cinq ou six dollars hebdomadaires, eut lieu en 1911, mais on peut dire qu'O. Henry l'avait pressenti.) Parfois mélo, parfois tendre, parfois sardonique, O. Henry ennuie rarement.

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Comments:
Eh, mais ça semble excellent, ça. Je note :)
 
Évidemment, il faut le lire en anglais. Mais c'est toute une leçon d'écriture que ses textes. De l'économie, de l'humour, des surprises... Il fait souvent tenir le maximum dans le minimum.
 
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